Dans son best-seller sur le Secret Service, Ronald Kessler se penche un instant sur la devise de cette police d'élite chargée de protéger les présidents américains: «Digne de confiance».

La devise n'est pas seulement écrite en lettres d'argent sur un mur du lobby du quartier général de l'agence, qui s'élève à quelques rues de la Maison-Blanche. Elle est également inscrite sur l'insigne de chacun de ses membres.

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«Ce mot d'ordre représente le coeur et l'âme de l'United States Secret Service», dit Lewis Merletti, ex-directeur de l'agence, que Kessler cite dans son livre publié en 2009 sous le titre In The President's Secret Service.

«Il ne doit jamais être compromis», ajoute-t-il.

Tu parles! Samedi, le Secret Service a annoncé la suspension de 11 agents et officiers soupçonnés d'avoir ramené des prostituées dans leurs chambres d'hôtel à Carthagène, ville portuaire de Colombie où Barack Obama avait rendez-vous ce jour-là avec 32 chefs d'État du continent américain.

Ces agents et officiers, qui étaient chargés de préparer la visite du président américain, ont été remplacés et rapatriés vendredi. Leur mauvaise conduite présumée n'aurait ni entamé la confiance du président à l'égard du Secret Service ni compromis sa sécurité, s'il faut se fier au porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney.

Mais Ronald Kessler n'en croit rien. Selon lui, non seulement la sécurité du président Obama a-t-elle été compromise en Colombie mais le directeur des services secrets, Mike Sullivan, devrait être congédié à la suite de ce qu'il considère comme «le pire scandale de l'histoire» de l'agence.

La sécurité menacée

«Le fait que les agents aient dû être remplacés signifie que leurs remplaçants n'ont pas eu le temps de s'acclimater et de se familiariser avec le territoire. L'incident a donc eu un impact sur la sécurité du président», a écrit Kessler, ex-reporter du Washington Post, dans un courriel à La Presse.

«Le critère ne devrait pas être qu'aucun assassinat n'est survenu. Le critère devrait être qu'aucun incident comme celui-ci ne devrait jamais arriver et que le laxisme et les raccourcis que je dévoile dans mon livre devraient cesser. Mark Sullivan, directeur du Secret Service, aurait dû être congédié après que les Salahi se furent infiltrés dans la Maison-Blanche lors d'un dîner officiel. Son congédiement est maintenant encore plus urgent.»

L'incident impliquant Tareq et Michaele Salahi a eu lieu en novembre 2009 lors d'un dîner de gala organisé par les Obama en l'honneur du premier ministre indien Manmohan Singh, en visite officielle.

Un voyage entaché

Le représentant républicain de New York Peter King, qui est président de la commission de la Chambre des représentants sur la Sécurité intérieure, a confié au New York Times que le recours à des prostituées par des membres des services secrets pourrait les exposer à du chantage ou faciliter l'espionnage, aider l'ennemi à pénétrer à l'intérieur du périmètre de sécurité et détourner leur attention de leur mission première, qui est de protéger le président.

La mauvaise conduite présumée des membres du Secret Service a fait surface jeudi matin après qu'un policier colombien eut trouvé une prostituée dans la chambre d'hôtel d'un des agents de l'agence américaine. La femme refusait de quitter les lieux avant d'être payée.

La police colombienne a rapporté l'incident à l'ambassade américaine, qui s'est ainsi retrouvée avec un scandale ayant entaché la visite du président à Carthagène.

Le directeur adjoint du Secret Service, Paul Morrissey, a tenté de rassurer les Américains samedi en précisant qu'«aucun (des agents et officiers suspendus) n'était affecté à la protection directe du président».

«Ces actes n'ont eu aucune conséquence sur la capacité du Secret Service à mettre un plan de sécurité complet pour la visite du président à Carthagène», a-t-il ajouté.

Mais cet homme est-il aujourd'hui «digne de confiance» ?