L'heure des inscriptions à l'université approche aux États-Unis avec son corollaire: la facture à payer. Et rembourser les prêts contractés, pour des études de plus en plus chères, peut être le fardeau de toute une vie dans un pays où la «dette étudiante» explose.

Pour la première fois, le montant total de la dette étudiante encore à rembourser a atteint en 2011 les mille milliards de dollars (1 trillion), a récemment annoncé une association d'avocats spécialisés dans les faillites (NACBA) qui se demande si cette «bombe» ne sera pas la prochaine crise majeure de l'économie américaine.

Il est vrai que les chiffres publiés par l'association, qui s'appuie sur les études de nombreuses organisations, donnent le tournis, sachant que l'énorme majorité des étudiants empruntent, via des prêts fédéraux ou auprès de compagnies privées, et malgré les bourses diverses.

Les Américains doivent désormais davantage en dette étudiante qu'en achats sur leur carte de crédit.

Pour l'année 2010, le montant des prêts a atteint pour la première fois la barre symbolique des 100 milliards de dollars.

En pleine campagne pour sa réélection en novembre, le président Barack Obama s'est saisi de la question et devait plaider la cause des étudiants mardi et mercredi lors d'une tournée en Caroline du Nord, au Colorado et dans l'Iowa, alors que les taux d'intérêts sur les prêts fédéraux aux étudiants doivent doubler le 1er juillet à défaut d'une loi du Congrès.

Un étudiant en licence a en moyenne une dette de 25 250 dollars et les parents empruntent de plus en plus pour leurs enfants, avec une dette de 34 000 dollars en moyenne.

Alors que les frais d'inscription ne cessent d'augmenter -ils ont doublé en trente ans-, la dette s'alourdit et s'allonge. Selon la Federal Reserve Bank of New York, un tiers de la dette est détenue par des personnes de plus de 40 ans, et 4,2% ont plus de 60 ans!

Donna Shelton, 51 ans, qui vit en Caroline du Nord (est), a repris des études de médecine à l'âge de 39 ans, après avoir fini le lycée 20 ans plus tôt. «J'ai emprunté 121 000 dollars sur 30 ans», dit-elle à l'AFP, et, avec un taux d'intérêt à 7,5%, «je dois encore 118 000 dollars».

Donna, qui rembourse 750 dollars par mois, estime avoir de la chance, car, médecin auxiliaire, elle gagne bien sa vie. «J'espère que je vivrai jusqu'à 80 ans, sinon je mourrai avant d'avoir tout remboursé», ironise-t-elle.

Parmi tous les débiteurs de 2005, 25% ont eu des problèmes de remboursements et 15% ne pouvaient plus rien donner.

Colin Pinkham, 27 ans, serveur à Washington, a décidé ainsi il y a un an et demi d'arrêter de payer une dette de 75.000 dollars pour une licence d'histoire. «Ou je payais mon loyer et ma nourriture, ou mon prêt étudiant», dit-il en témoignant devant le mouvement de protestation Occupy Student Debt.

«Je me demande bien pourquoi je suis allé en fac», dit-il à l'AFP, «pour faire ce que je fais maintenant...».

Avec des répercussions sans fin sur le «cycle de la vie», indique John Rao, vice-président du NACBA, dans un communiqué de presse. «Les jeunes endettés finissent par retarder les événements de la vie, l'achat d'une voiture, d'une maison, la décision de se marier et d'avoir des enfants».

La spirale peut être infernale, notamment pour ceux qui ne trouvent pas de travail ou ceux qui se sont endettés en vain pour une formation professionnelle peu concluante.

Les frais d'impayés se succèdent alors, d'autant plus dramatiques que la faillite personnelle n'existe pas pour la dette étudiante. Si le gouvernement n'est pas remboursé, il peut saisir les salaires ou les allocations diverses, les crédits d'impôt, refuser des autorisations d'exercer.

Périodiquement, des manifestations s'organisent sur les campus ou devant les bureaux des organismes de prêts. Sur SignOn.org, 722 000 signatures demandaient jeudi dernier au gouvernement «d'oublier» la dette des étudiants pour «faire repartir l'économie».