La prestance de Carly Fiorina, l'ancienne patronne du géant informatique Hewlett-Packard, lors des deux débats présidentiels des aspirants républicains à la Maison-Blanche, l'a propulsée jeudi au rang des candidats les plus crédibles, malgré ou grâce à son inexpérience en politique.

Le débat télévisé de mercredi, près de Los Angeles, a été regardé par 22,9 millions de téléspectateurs, un record d'audience pour CNN, et presque autant que le record historique, pour un débat des primaires, établi par Fox News en août, avec 24 millions - confirmant l'intérêt exceptionnel des Américains pour cette campagne dominée par le milliardaire Donald Trump depuis l'été.

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Le magnat de l'immobilier de 69 ans a une nouvelle fois été au centre des échanges, mais au-delà de ses fanfaronnades usuelles, il a paru plus souvent à court de répliques. Et l'un des candidats à lui avoir le plus tenu tête fut Carly Fiorina, de son vrai prénom Carleton, 61 ans.

L'avenir de cette républicaine, encore inconnue de la plupart des Américains, paraissait bien sombre en novembre 2010 : après une longue et chère campagne, Carly Fiorina perdait l'élection sénatoriale de Californie.

Et quand elle se lance officiellement dans la course présidentielle en mai dernier, peu parient sur elle, certains la reléguant au statut de candidate anti-Clinton, puisqu'elle est la seule femme des primaires républicaines.

Sa cote ne décolle pas jusqu'au premier débat des seconds couteaux en août. Elle marque alors des points à distance contre Donald Trump, et passe de 1 à 3 ou 4 % dans les sondages, suffisamment pour se qualifier pour la table des grands, et le débat à 11 candidats, dont Trump, mercredi soir en Californie.

Sa réponse à Donald Trump, qui s'était moqué de son physique il y a quelques jours, était guettée, et elle n'a pas manqué de remettre l'homme d'affaires à sa place.

«Toutes les femmes dans ce pays ont clairement entendu ce qu'a dit M. Trump», lui a lancé Carly Fiorina, le visage impassible, en regardant droit devant elle, forçant l'intéressé à recourir à l'une de ses pirouettes habituelles : «je pense qu'elle est une belle femme».

En attendant les sondages

La candidate était la vedette des émissions politiques jeudi, dès avant l'aube.

«Il n'y a que les femmes qui sont critiquées pour leur apparence quand elles sont candidates à la fonction suprême. Les femmes le savent, elles le gèrent tous les jours», a-t-elle dit sur la chaîne NBC.

«Les femmes sont la moitié de ce pays, les femmes sont la moitié du potentiel de ce pays, mais on finit par passer beaucoup de temps à parler de leur apparence au lieu de leurs qualifications», a regretté Carly Fiorina sur CNN.

En attendant un éventuel effet sondages, commentateurs et journalistes, surtout ceux enclins à torpiller Donald Trump, se sont précipités pour la déclarer gagnante de la soirée.

«Elle fut de loin la meilleure et elle a garanti sa place dans le reste des débats», a déclaré Larry Sabato, de l'Université de Virginie.

«Je serais choqué si elle ne continuait pas à monter dans les sondages», estime Rich Lowry, du magazine conservateur National Review.

Parmi les 16 candidats dans la course, et les 11 du débat principal de mercredi, le sénateur Marco Rubio a également marqué les esprits par son autorité sur les sujets de politique étrangère. Jeb Bush, ancien gouverneur de Floride et un temps favori, a montré plus de pugnacité qu'auparavant.

La nouvelle notoriété de Carly Fiorina devrait l'exposer plus durement aux critiques sur sa carrière dans le privé.

Elle a commencé chez l'opérateur téléphonique américain AT&T, où elle a grimpé les échelons jusqu'à diriger en 1996 la transformation de la division d'équipements de télécommunications du groupe en entreprise indépendante, Lucent Technologies. Remarquée, elle est nommée PDG du géant Hewlett-Packard en 1999, devenant la femme d'affaires la plus puissante des États-Unis.

Mais elle est brutalement évincée en 2005, après la fusion mouvementée avec le fabricant d'ordinateurs Compaq, au prix de 17 000 licenciements.

Un échec que lui rappellent ses adversaires démocrates, et maintenant républicains.

«Quand on remet en cause le statu quo, on se fait des ennemis», s'est-elle défendu. «L'entreprise (HP) est un désastre», a répondu Donald Trump. «Ils ne s'en sont toujours pas remis».