En 1999, l'institut Gallup a publié un sondage indiquant que 6% des Américains pensaient que leur gouvernement avait mis en scène ou truqué l'alunissage d'Apollo 11. Une proportion semblable d'Américains se disent aujourd'hui prêts à voter pour Donald Trump à l'occasion des primaires républicaines pour la présidence.

On doit ce rapprochement inusité au statisticien Nate Silver, qui s'est fait connaître en prédisant avec exactitude les résultats dans 49 des 50 États américains lors de l'élection présidentielle de 2012. Dans un texte récent, le jeune gourou a rappelé que Trump récoltait entre 25 et 30% des intentions de vote auprès des électeurs qui s'identifient comme républicains, soit seulement 25% des Américains (42% s'identifient comme indépendants et 31% comme démocrates).

Le message de Silver aux médias et aux bonzes du Parti républicain? Arrêtez de vous énerver avec les sondages de Donald Trump. Ses chances de remporter l'investiture demeurent inférieures à 20%, selon ses calculs.

Mais c'est encore trop pour les bonzes républicains. À moins de deux mois des caucus de l'Iowa, première étape de la course à l'investiture des deux grands partis américains, ceux-ci sont au bord de la crise de nerfs. Car ils tiennent pour acquis que la présence de Donald Trump à la tête du ticket de leur parti en 2016 serait une catastrophe.

Qu'on y songe: après la défaite cinglante de Mitt Romney en 2012, les dirigeants républicains avaient conclu dans une autopsie que leur unique chance de regagner la Maison-Blanche passait par un rapprochement avec les électorats latino et féminin. Or, depuis le tout premier jour de sa campagne à la présidence, l'ancienne vedette de téléréalité a adopté un ton et un discours qui lui assurent l'antipathie d'une bonne partie de ces deux groupes-clés.

Et ses récentes déclarations sur les musulmans n'inquiètent pas moins certains républicains, dont le sénateur de Caroline-du-Sud Lindsey Graham, l'un des adversaires du milliardaire, qui verrait sa nomination comme une calamité.

«Si vous êtes xénophobe, raciste et intolérant à l'égard des autres religions, vous allez avoir du mal à être président, et vous allez causer un tort irréparable au parti», a-t-il déclaré la semaine dernière.

Graham peut se permettre une telle candeur. Ses chances de remporter l'investiture républicaine sont nulles. Mais plusieurs de ses rivaux n'osent pas employer son langage pour critiquer Trump, de peur de se mettre à dos ses électeurs. Ils finiront peut-être par s'en repentir.

Un nom revient souvent au sujet de l'effet potentiel de la nomination de Donald Trump: Barry Goldwater. En 1964, le sénateur de l'Arizona avait remporté l'investiture républicaine pour la présidence. Conservateur pur et dur, il préconisait notamment l'utilisation de la bombe nucléaire au Viêtnam si nécessaire et des coupes draconiennes dans les programmes sociaux. «L'extrémisme dans la défense de la liberté n'est pas un vice», avait-il déclaré lors de la convention républicaine.

Il avait été écrasé par le président démocrate Lyndon Johnson, ne récoltant que 38% des suffrages. Et sa présence à la tête du ticket républicain avait contribué à la perte de 36 sièges républicains à la Chambre des représentants.

En 2016, le parti de Ronald Reagan ne risque pas de perdre sa majorité à la Chambre, et ce, même si Donald Trump est son candidat présidentiel. Mais sa nomination pourrait bien lui coûter le contrôle du Sénat, où sa majorité est plus ténue.

Qui peut donc barrer la route de Donald Trump? Jeb Bush peinant à récolter plus de 5% des intentions de vote dans les sondages, l'establishment républicain semble prêt à jeter son dévolu sur le jeune sénateur de Floride Marco Rubio, qui mise sur sa brève expérience des questions de sécurité nationale pour séduire les conservateurs.

Compte tenu de la baisse d'altitude récente du neurochirurgien retraité Ben Carson, le principal rival de Donald Trump, outre Rubio, est le sénateur du Texas Ted Cruz, qui pourrait facilement reprendre à son compte la fameuse phrase de Barry Goldwater.

D'où la panique des bonzes républicains. N'en déplaise à Nate Silver...