(New York) Le 4 juillet dernier, les téléspectateurs de la chaîne Fox News en Floride ont vu passer une pub étonnante mettant en scène Gavin Newsom, gouverneur démocrate de Californie.

« C’est le jour de l’Indépendance », disait l’élu californien, en bras de chemise, en s’adressant à la caméra. « Parlons de ce qui se passe en Amérique. La liberté. Elle est attaquée dans votre État. Vos leaders républicains interdisent les livres, rendent le vote plus difficile, restreignent la parole dans les salles de classe, criminalisent même les femmes et les médecins. »

Puis, tandis que défilaient à l’écran des images idylliques de son État, dont celles d’un vignoble inondé de soleil, il ajoutait : « J’exhorte tous ceux qui vivent en Floride à se joindre à la lutte, ou à nous rejoindre en Californie, où nous croyons encore à la liberté, à la liberté d’expression, à la liberté de choisir, à la liberté de vivre sans haine et à la liberté d’aimer. Ne les laissez pas prendre votre liberté. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE GAVIN NEWSOM

Extrait de la publicité de Gavin Newsom

À quoi rimait cette publicité diffusée dans un État situé à plus de 4300 km à l’est de la Californie, où Gavin Newsom sollicitera en novembre prochain un deuxième mandat au poste de gouverneur ?

Selon plusieurs observateurs, elle annonçait ni plus ni moins les ambitions présidentielles du politicien de 54 ans.

Avant d’aller plus loin, une précision : Gavin Newsom jure n’avoir aucune intention de briguer la Maison-Blanche en 2024. De passage à Washington la semaine dernière, il a même répondu « oui » de façon non équivoque quand on lui a demandé si Joe Biden devrait se présenter de nouveau à la présidence.

S’il est sincère, il n’est pas en phase avec les électeurs de son parti : 64 % d’entre eux estiment que le 46e président devrait au contraire se retirer après un seul mandat, selon un sondage The New York Times/Siena College publié lundi dernier. Et bon nombre de démocrates pensent que leur parti a besoin de sang neuf ou d’une figure plus progressiste à sa tête.

Même s’il n’est ni un jeunot ni un Bernie Sanders, Gavin Newsom correspond à ces critères. Et ses faits et gestes des dernières semaines semblent n’avoir qu’un but : le faire connaître encore davantage à la grandeur des États-Unis.

Sa pub en Floride a atteint cet objectif. Elle démontrait aussi sa volonté de mener la contre-attaque démocrate contre les « guerres culturelles » livrées par les têtes d’affiche du Parti républicain, dont Ron DeSantis et Greg Abbott, respectivement gouverneurs de la Floride et du Texas.

Gavin Newsom a poursuivi cette contre-attaque mercredi dernier à Washington, où il a reçu un prix prestigieux en reconnaissance des investissements de son État dans l’éducation publique. Il en a profité pour dénoncer les « politiques ostentatoires » de gouverneurs conservateurs en matière d’éducation, évoquant notamment la loi dite « Don’t Say Gay » de la Floride, les limites à l’enseignement de l’histoire du racisme et la mise à l’index de livres dans les écoles publiques du Texas et d’ailleurs.

« Je n’avais aucune idée, aucune idée, que 1586 livres avaient été interdits juste au cours des 12 derniers mois aux États-Unis d’Amérique », a déclaré Newsom en acceptant son prix. « Nous avons interdit 42 livres pour enfants. Des livres sur Mandela. Des livres sur Cesar Chavez. Des livres sur Rosa Parks. »

L’éducation est prise d’assaut aux États-Unis d’Amérique. Et nous avons une obligation, morale et éthique, de dénoncer ce qui se passe en matière de suppression de la liberté d’expression.

Gavin Newsom, gouverneur démocrate de Californie

Gavin Newsom ressent d’autant plus le besoin de s’attaquer aux gouverneurs du Texas et de la Floride que ces derniers ne cessent de dénigrer son État, comme le font tous les conservateurs américains. Il s’est décrit la semaine dernière dans une entrevue au Los Angeles Times comme « quelqu’un de très fier de [la Californie], qui en a marre que l’État soit dénigré 24 heures sur 24 par la droite ».

S’il veut se ménager un avenir sur la scène politique nationale, Gavin Newsom a intérêt à changer la trame narrative de cette droite. Car bon nombre d’observateurs doutent qu’un gouverneur de Californie, ex-maire de San Francisco de surcroît, puisse passer la rampe au Michigan ou en Pennsylvanie.

Mais une chose est certaine : Gavin Newsom est sorti plus fort que jamais de la procédure de révocation qui l’a visé l’an dernier.

Assuré d’être réélu, il dirige un État qui se retrouve aujourd’hui avec un excédent budgétaire record frôlant les 100 milliards de dollars.

Et il multiplie ces jours-ci les actions susceptibles de lui attirer l’admiration d’Américains apeurés par le radicalisme républicain en matière d’avortement ou d’armes à feu, entre autres.

Il s’apprête ainsi à promulguer un projet de loi qui permettra aux citoyens de Californie de poursuivre les fabricants et les vendeurs d’armes à feu pour au moins 10 000 $ si une arme à feu a causé un préjudice ou une blessure.

La mesure est calquée sur la loi antiavortement du Texas adoptée l’an dernier.