(New York) Accompagné d’une nuée de journalistes, le maire de New York, Eric Adams, attendait un bus rempli de migrants à Port Authority, l’immense gare routière de Manhattan, le 7 août dernier.

Il n’en est descendu que 14, au lieu des 40 attendus, un certain nombre ayant, semble-t-il, choisi de débarquer ailleurs le long du trajet entre le Texas et New York.

Mais Eric Adams n’était pas moins en colère contre le gouverneur républicain du Texas. Deux jours plus tôt, Greg Abbott avait annoncé son intention d’envoyer des autocars remplis de migrants de la frontière texane jusqu’au cœur de la métropole américaine.

« C’est inimaginable, ce que le gouverneur du Texas a fait, quand on pense à ce pays, un pays qui a toujours été ouvert à ceux qui fuyaient les persécutions », a déclaré le maire démocrate pendant que des bénévoles s’occupaient des migrants. « Nous les avons toujours accueillis. Et ce gouverneur ne fait pas cela au Texas. Mais nous allons donner l’exemple en étant là pour ces familles. »

Énième affrontement

Il s’agissait du énième épisode d’un affrontement inusité entre le maire de New York et le gouverneur du Texas dont les migrants font les frais. Affrontement qui pourrait contribuer à la réélection de Greg Abbott en novembre et consolider son statut de présidentiable chez les républicains.

PHOTO JOHN MINCHILLO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Eric Adams, maire de New York

Le gouverneur du Texas a engagé la polémique le 13 avril dernier. Ce jour-là, il a promis d’affréter des autocars et de les envoyer, remplis de migrants, à Washington. Il voulait ainsi protester contre la décision de Joe Biden de mettre un terme au « Title 42 », l’arrêté de santé publique qui permettait l’expulsion immédiate des migrants arrêtés à la frontière avec le Mexique au prétexte de la pandémie de coronavirus.

« Le Texas n’a pas vocation à porter le fardeau de l’échec du gouvernement Biden à sécuriser la frontière », a-t-il dit en annonçant une politique qui a mené son État à envoyer par bus des milliers de migrants dans la capitale fédérale.

Or, le 19 juillet dernier, Eric Adams a affirmé que Greg Abbott ne se contentait pas de diriger vers Washington ses bus remplis de migrants. Le maire de New York a alors attribué le manque de places dans les refuges de sans-abri de la ville à l’arrivée de 2800 demandeurs d’asile « envoyés par les gouvernements du Texas et d’Arizona » (ce nombre a dépassé depuis les 4000, selon la Ville).

PHOTO SHELBY TAUBER, REUTERS

Greg Abbott, gouverneur du Texas

Greg Abbott a nié l’assertion d’Eric Adams. Mais, le 5 août dernier, il a déclaré qu’il affréterait également des bus à destination de New York. Il a qualifié la Grosse Pomme de « destination idéale pour ces migrants, qui peuvent bénéficier de l’abondance de services municipaux et de logements dont s’est vanté le maire Eric Adams au sein de [sa] ville refuge ».

Indignation moquée

Quelques jours plus tard, le gouverneur conservateur s’est moqué de l’indignation du maire de New York sur Fox News.

« Cela montre l’hypocrisie de ces dirigeants libéraux du Nord-Est qui pensent que la crise frontalière créée par Joe Biden ne pose pas de problème tant que le Texas doit s’en occuper », a-t-il dit à l’animateur Sean Hannity.

Mais dès qu’ils [les dirigeants libéraux du Nord-Est] doivent faire face aux conséquences réelles de la crise frontalière créée par Joe Biden, ils s’insurgent.

Greg Abbott, gouverneur du Texas

De toute évidence, Greg Abbott croit que cette polémique l’avantage. Elle lui permet assurément de faire campagne sur un thème qu’il préfère — l’immigration irrégulière — plutôt que d’avoir à aborder des thèmes qui mobilisent les électeurs démocrates, dont les droits reproductifs et les retombées de la tuerie de l’école primaire Robb à Uvalde.

Et Eric Adams semble vouloir l’aider dans sa lutte contre son rival démocrate, Beto O’Rourke, qui tire de l’arrière dans les sondages. Accusant Greg Abbott d’utiliser « des gens innocents comme pions politiques », il a menacé d’envoyer des bus remplis de New-Yorkais au Texas « pour faire du bon vieux porte-à-porte parce que nous avons besoin de le remplacer ».

Mercredi dernier, le gouverneur du Texas a emprunté à Clint Eastwood une célèbre réplique : « Go ahead, Mayor, make my day. »

Le même jour, trois bus transportant chacun des dizaines de migrants sont arrivés à Port Authority. Leidy, 28 ans, est descendue d’un de ces bus avec deux enfants, Nicholas, 13 ans, et Aria, 7 ans. Elle a raconté au Daily News avoir mis cinq jours pour se rendre de Bogotá, capitale de la Colombie, à la frontière texane.

« C’est un peu plus facile d’entrer », a-t-elle expliqué au quotidien new-yorkais. « C’est un peu plus facile d’être ici. Parce qu’avant, c’était très, très difficile, et encore plus avec les enfants. Mais maintenant, si tu viens avec les enfants, c’est plus facile. »

Elle a dit avoir accepté un passage gratuit pour New York, croyant pouvoir y trouver un emploi, chose qui lui semblait impossible à Bogotá, où le coût de la vie grimpe en flèche.