(New York) S’il faut se fier à l’un de ses fils, Donald Trump est le champion des tueurs politiques, toutes catégories confondues.

« Hier soir, mon père a tué une autre dynastie politique, en l’occurrence les Cheney », a déclaré Eric Trump sur la chaîne Newsmax, au lendemain de la défaite écrasante de la représentante républicaine du Wyoming Liz Cheney, grande critique du 45e président, lors d’une primaire. « Il a d’abord tué les Bush, puis les Clinton. Il est un chasseur de RINO depuis qu’il est entré en politique, et hier soir, il a encore fait mouche. »

Un RINO, pour ceux qui ne le savent pas encore, n’est pas un animal, mais un politicien ou une politicienne qui n’a de républicain que le nom (Republican In Name Only). Évidemment, les Clinton, famille démocrate notoire, n’entrent pas dans la catégorie. Mais on comprend le message : selon Eric Trump, un républicain qui conteste publiquement son père n’est pas mieux que mort.

Mais cette emprise meurtrière, politiquement parlant, joue-t-elle vraiment en faveur du Parti républicain ? Après tout, Donald Trump est le seul président depuis Herbert Hoover, un autre républicain, à avoir tout perdu au cours de ses quatre années au 1600 Pennsylvania Avenue : la Chambre des représentants, le Sénat et la Maison-Blanche. Il n’y a pas un républicain qui puisse se féliciter d’un tel bilan.

Et les élections de mi-mandat, qui auront lieu en novembre, pourraient de nouveau permettre de mesurer les limites de l’effet Trump.

Une vague rouge qui ralentit

Il y a quelques mois seulement, tous les candidats, stratèges et analystes s’attendaient à une vague rouge qui allait redonner aux républicains le plein contrôle des deux chambres du Congrès. Ils ne se fiaient pas seulement à la tradition, qui tend à favoriser le parti de l’opposition à l’occasion de ces scrutins. Ils se basaient aussi sur l’impopularité de Joe Biden, plus grande encore que celle de Donald Trump au même stade de sa présidence, de même que sur le taux d’inflation le plus élevé en 40 ans.

Mais voilà que des républicains se mettent eux-mêmes à douter ces jours-ci de leurs chances de réaliser le modeste gain d’un siège qui leur permettrait de ravir aux démocrates leur majorité au Sénat.

« Je pense qu’il y a probablement plus de chances que la Chambre bascule que le Sénat », a déclaré jeudi dernier Mitch McConnell, chef des républicains au Sénat. « Les courses sont tout simplement différentes — elles se déroulent au niveau de l’État. La qualité du candidat a beaucoup à voir avec le résultat. »

La qualité des candidats a également beaucoup à voir avec Donald Trump, aurait pu ajouter le sénateur du Kentucky, qui ne porte pas l’ancien président dans son cœur (le sentiment est mutuel). Mais le message était déjà assez clair.

Dans au moins quatre États clés — la Pennsylvanie, la Géorgie, l’Arizona et l’Ohio —, Donald Trump a choisi ou appuyé des candidats néophytes qui ont remporté leurs primaires respectives et démontré de diverses façons leur inexpérience ou leur faiblesse. Ça vaut notamment pour le DMehmet Oz en Pennsylvanie et l’ex-vedette du football Herschel Walker en Géorgie.

Mais le cas de J. D. Vance, candidat à l’élection sénatoriale de l’Ohio, doit troubler Mitch McConnell encore plus que les autres. Dans cet État de plus en plus rouge, l’auteur et investisseur en capital-risque tire de l’arrière dans cinq des six plus récents sondages sur son rival, le représentant démocrate Tim Ryan. Personne n’avait prévu une course aussi serrée pour ce siège qui appartient aujourd’hui aux républicains.

En Arizona, Blake Masters, protégé de l’entrepreneur milliardaire Peter Thiel, se trouve également dans une position vulnérable face au sénateur démocrate sortant Mark Kelly.

Résultat : le site de données FiveThirtyEight donne désormais aux démocrates 63 % de chances de rester majoritaires au Sénat, une inversion des probabilités de la mi-juin.

Climat politique changeant

La qualité des candidats n’est pas le seul facteur de ce revirement. Le climat politique a changé au cours des derniers mois aux États-Unis à la faveur de la décision de la Cour suprême sur l’avortement, des fusillades de masse, dont celle d’Uvalde, au Texas, et des auditions publiques de la commission du 6-Janvier.

Ces facteurs, auxquels s’ajoutent les enquêtes visant Donald Trump, pourraient également peser sur les résultats de la Chambre. Mais les républicains demeurent largement favoris pour reconquérir la majorité des sièges de cette assemblée. Ils n’en ont besoin que d’une poignée pour y arriver.

D’ici le 8 novembre, date des élections de mi-mandat, les candidats républicains à la Chambre continueront à marteler les thèmes de la criminalité, de l’immigration et surtout de l’inflation. Comme les candidats républicains au Sénat, ils espéreront que les électeurs ne se réjouiront pas trop de la baisse des prix de l’essence à la pompe ou des succès législatifs récents de Joe Biden.

Ils souhaiteront surtout que leurs thèmes de prédilection ne soient pas éclipsés par Donald Trump. Car ils savent que les démocrates ne disposent pas d’un facteur de mobilisation électorale plus grand que l’ancien président.

Mais ils ne le diront pas en public, ne tenant pas à être « tués » comme d’autres RINO.