(New York) À ajouter aux nombreux précédents qui ont jalonné la carrière politique de Donald Trump depuis sa descente de l’escalier roulant de la Trump Tower, le 16 juin 2015 : son rôle dans la campagne pour les élections de mi-mandat de 2022.

Jamais un ancien président américain n’aura pesé autant que Donald Trump sur le choix des candidats de son parti aux postes de sénateur, représentant et gouverneur, entre autres. Jamais un ancien président n’aura participé à un si grand nombre de rassemblements pour mobiliser les électeurs (21 en comptant ceux du week-end dernier au Nevada et en Arizona).

« Ce que ça montre, c’est que Donald Trump a une relation très personnelle avec sa base », déclare William Galston, chercheur à la Brookings Institution, à Washington.

Cette relation est personnelle à la fois parce qu’elle est directe et parce que tout tourne autour de lui et non du Parti républicain. C’est ce qui se passe quand vous avez un populiste qui établit un lien direct avec ses électeurs, qui contourne les institutions politiques normales.

William Galston, chercheur à la Brookings Institution

La question est maintenant de savoir quel effet ce rôle inédit aura non seulement sur le scrutin de 2022, mais également sur l’élection présidentielle de 2024. Comme d’autres analystes, William Galston tient pour acquis que les républicains raviront aux démocrates leur majorité à la Chambre des représentants.

Mais il partage l’opinion de Mitch McConnell, chef des républicains au Sénat, selon laquelle la qualité médiocre de certains candidats promus ou choisis par Donald Trump pourrait coûter au Grand Old Party le contrôle de la chambre haute du Congrès. Figurent parmi ces candidats Herschel Walker, en Géorgie, Mehmet Oz, en Pennsylvanie, Blake Masters, en Arizona, et J. D. Vance, en Ohio.

  • Donald Trump et Herschel Walker, candidat républicain au Sénat en Géorgie, le 25 septembre

    PHOTO DUSTIN CHAMBERS, ARCHIVES REUTERS

    Donald Trump et Herschel Walker, candidat républicain au Sénat en Géorgie, le 25 septembre

  • Avec J. D. Vance, candidat républicain au Sénat en Ohio

    PHOTO ARVIN TEMKAR, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Avec J. D. Vance, candidat républicain au Sénat en Ohio

  • Donald Trump salue Blake Masters, candidat républicain au Sénat en Arizona.

    PHOTO BRIAN SNYDER, REUTERS

    Donald Trump salue Blake Masters, candidat républicain au Sénat en Arizona.

  • Avec le Dr Mehmet Oz, candidat républicain en Pennsylvanie, le 3 septembre

    PHOTO ANDREW KELLY, ARCHIVES REUTERS

    Avec le Dr Mehmet Oz, candidat républicain en Pennsylvanie, le 3 septembre

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Une répétition de 2020 ?

William Galston commente la situation : « Permettez-moi de formuler les choses ainsi : M. Trump est directement responsable de la défaite de deux candidats au Sénat en Géorgie en 2020, défaite qui a donné aux démocrates leur étroite majorité pendant les deux premières années de la présidence de Joe Biden. »

Si les républicains échouent une fois de plus à capturer la majorité au Sénat à cause des candidats que M. Trump a appuyés, je pense que cela porterait un coup à ses ambitions présidentielles. Pas un coup fatal, mais un coup significatif.

William Galston, chercheur à la Brookings Institution

En attendant, certains candidats républicains tentent de se distancier de Donald Trump. C’est notamment le cas de Blake Masters, investisseur en capital-risque dans une autre vie. Avant la primaire républicaine d’Arizona, on pouvait lire ce passage sur le site internet de ce candidat néophyte : « L’élection de 2020 a été un gâchis — si nous avions eu une élection libre et équitable, le président Trump serait assis dans le bureau Ovale aujourd’hui et l’Amérique se porterait tellement mieux. » Après la primaire, ce passage a disparu.

PHOTO BRIAN SNYDER, ARCHIVES REUTERS

Donald Trump lance une casquette « Save America » à ses partisans lors d’un rassemblement en Arizona.

« Certains candidats continuent à revendiquer de façon explicite l’appui qu’ils ont reçu de Donald Trump. D’autres tentent de s’en éloigner un peu en changeant leurs messages sur leurs sites internet ou dans leurs dépliants. Ça dépend du contexte », explique Karen Hult, politologue à l’Université Virginia Tech.

Donald Trump, lui, refuse de moduler son message pour éviter de nuire aux candidats républicains en lice dans des circonscriptions ou des États plus modérés. Dans ses discours de campagne des dernières semaines, il est souvent revenu sur l’élection présidentielle de 2020 ou la perquisition du FBI à Mar-a-Lago. Et, à au moins une occasion, il a évoqué ses thèses conspirationnistes préférées au son d’une musique ressemblant à l’hymne du mouvement complotiste QAnon.

PHOTO JEFF KOWALSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un partisan de Donald Trump fait le salut du mouvement QAnon lors d’un rassemblement de Donald Trump au Michigan, le 1er octobre.

Ce genre de discours est une arme à double tranchant, selon Karen Hult. « D’un côté, les républicains profitent de M. Trump pour mobiliser leurs électeurs, les attirer à leurs rassemblements, obtenir une couverture médiatique et inciter leurs partisans à voter. D’un autre côté, ces rassemblements démobilisent les électeurs républicains qui ne sont pas certains de vouloir voter pour un candidat qui reçoit un tel appui de M. Trump. Et en même temps, ils mobilisent les démocrates. »

Pleins feux sur l’avortement

  • Abigail Spanberger, représentante démocrate de la Virginie

    PHOTO STEVE HELBER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Abigail Spanberger, représentante démocrate de la Virginie

  • Elaine Luria, représentante démocrate de la Virginie et membre de la commission d’enquête sur l’assaut du 6 janvier 2021

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    Elaine Luria, représentante démocrate de la Virginie et membre de la commission d’enquête sur l’assaut du 6 janvier 2021

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Pour autant, dans les circonscriptions clés d’un État comme la Virginie, des candidats démocrates laissent à Joe Biden le soin d’attaquer Donald Trump et le mouvement « MAGA », qu’il a qualifié de « semi-fasciste ». Les représentantes Elaine Luria et Abigail Spanberger, qui défendent fiévreusement des sièges arrachés aux républicains en 2018, fournissent le meilleur exemple de ce phénomène, selon Karen Hult.

Elles ne s’attaquent pas à M. Trump autant qu’on pourrait s’y attendre. Elles s’en prennent surtout à la décision de la Cour suprême abrogeant l’arrêt Roe c. Wade.

Karen Hult, politologue à Virginia Tech

Donald Trump occupe quand même une certaine place dans la campagne d’Elaine Luria. L’ex-militaire est membre de la commission d’enquête de la Chambre des représentants sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole. De là à dire que cette enquête et les autres qui visent Donald Trump auront un effet sur les élections de mi-mandat, il y a un pas que la plupart des analystes refusent de franchir. En ce qui concerne 2024, c’est une autre histoire. « L’effet cumulatif de ces enquêtes pourrait avoir une incidence sur les chances de M. Trump d’être de nouveau le candidat présidentiel du Parti républicain en 2024, estime Karen Hult. En fait, cela pourrait aider ses rivaux républicains. » William Galston doute de ce dernier point, tout en reconnaissant l’effet potentiel des enquêtes ciblant Trump sur l’ensemble de l’électorat américain.

« Lentement, progressivement, les enquêtes érodent le soutien de M. Trump, dit-il. Jusqu’où cela ira, je ne sais pas. Mais je peux vous dire qu’une majorité du peuple américain pense qu’il a effectivement commis un crime. Cela dit, je continue de croire que si M. Trump se présente à l’investiture républicaine, il l’obtiendra. Parce que l’érosion n’est pas si grande à l’intérieur de son propre parti. »