(New York) Gustavo Mendez pense avoir « réalisé son rêve » depuis qu’il a débarqué en août à New York et qu’il a trouvé aussitôt un toit provisoire et un emploi au noir dans la restauration.

Mais ce demandeur d’asile vénézuélien fait figure d’exception dans cette ville symbole de l’histoire de l’immigration, débordée depuis six mois par l’afflux de clandestins latino-américains.

Le quadragénaire a fait cet été, comme nombre de Vénézuéliens et ressortissants de régimes autoritaires d’Amérique centrale, un voyage éreintant jusqu’à la frontière mexicano-américaine.

PHOTO ED JONES, AGENCE FRANCE-PRESSE

Gustavo Mendez a fait cet été un voyage éreintant jusqu’à la frontière mexicano-américaine.

Une fois passé aux États-Unis, il s’est fait payer un aller simple en bus par un des gouverneurs d’État conservateurs républicains du sud (Texas, Arizona, Floride…) en direction d’États de l’est, bastions des élites démocrates.

Dans un pays où l’immigration est un sujet explosif, les migrants et demandeurs d’asile servent ainsi de « pions » dans la bataille entre républicains et démocrates pour les législatives de mi-mandat le 8 novembre, où le président Joe Biden pourrait perdre sa courte majorité au Congrès.

Mais M. Mendez n’a cure des joutes politiques.  

Il ne peut pas travailler légalement aux États-Unis, alors ce cuisinier et technicien de télévision au Venezuela a trouvé un emploi non déclaré dans un restaurant de l’immense arrondissement populaire du Queens, et voyage dans tout le pays pour travailler dans les camions-cuisines de son patron lors de rencontres sportives.

« Je voulais un job »

« Je voulais un job dans une cuisine ou à la télé, c’est pour ça que je suis venu » aux États-Unis, dit-il à l’AFP, qui le suit depuis son arrivée à New York en août.

Il affirme gagner de 800 à 1200 dollars par semaine contre 600 dollars mensuels au Venezuela, où il a laissé ses deux adolescents.

Il s’est trouvé une famille d’accueil dans cette incroyable mosaïque culturelle qu’est le Queens et a affiché sur son compte WhatsApp le slogan « si tu veux réaliser ton rêve, tu le peux ! ».  

Mais les demandeurs d’asile ne sont pas tous logés à la même enseigne à New York.

Dans cette « ville-monde » qui a toujours été un aimant pour les migrants de toutes les origines, ils sont 17 000 à avoir débarqué depuis six mois, selon son maire démocrate Eric Adams.  

La plupart sont vénézuéliens et on trouve aussi des Colombiens, ainsi que des Nicaraguayens et d’autres ressortissants de pays d’Amérique centrale qui connaissent des troubles civils et politiques.

Afflux « intenable »

Face à l’afflux « intenable » de ces « demandeurs d’asile (qui) ne savent pas où ils atterrissent ou ce qui les attend en bout de chaîne », l’édile de New York, un ancien policier afro-américain à poigne, a décrété le 7 octobre « l’état d’urgence » dans sa mégapole.

La municipalité évalue la facture entre 500 millions et un milliard de dollars pour loger temporairement ces étrangers sans papiers.

Eric Adams a appelé à l’aide d’autres grandes villes « sanctuaires » démocrates de l’est et de l’ouest des États-Unis et sommé l’État fédéral d’agir « maintenant, pas dans six mois ».

PHOTO JEENAH MOON, ARCHIVES NEW YORK TIMES

Eric Adams, maire de New York

Washington a répondu le 13 octobre que les Vénézuéliens qui traverseraient dorénavant illégalement la frontière américaine seraient renvoyés automatiquement au Mexique. En contrepartie, il existera un programme humanitaire pour émigrer légalement directement depuis le Venezuela.  

Il doit concerner 24 000 Vénézuéliens.

Joe Biden espère ainsi freiner le rythme des arrivées. Depuis octobre dernier, 155 000 Vénézuéliens sont entrés par la frontière mexicaine, un nombre qui a triplé en un an.

Un toit, un emploi

À New York, « depuis août, le nombre de demandeurs d’asile augmente fortement », constate Jay Alfaro, qui dirige les services sociaux de l’Église des saints apôtres à Manhattan. Et « la première question qu’on pose c’est “tu sais où trouver un boulot ? ” », raconte-t-il à l’AFP.

À l’image de Naisary Angulo, une Vénézuélienne de 29 ans avec son mari et leur fille de trois ans, venus demander à manger, à être soignés et conseillés pour trouver un toit et un emploi.

Mais décrocher un travail légal relève du parcours du combattant pour un étranger sans papier. Et sans emploi fixe, pas de logement avec bail dans une ville aux loyers délirants.

D’après la télévision CNBC, un col bleu gagnant le minimum légal à New York de 15 dollars de l’heure doit travailler 111 heures par semaine pour se payer un deux-pièces dans un quartier populaire.

En outre, les demandeurs d’asile doivent attendre 150 jours avant de soumettre leurs dossiers aux autorités de l’immigration et prétendre ensuite éventuellement à une autorisation de travail.

Gustavo Mendez aura son premier rendez-vous en… 2024.

Alors New York s’organise comme elle peut. Des hôtels inoccupés sont réquisitionnés et une immense tente érigée sur Randall’s Island, un îlot de l’East River coincé entre Queens et Manhattan, pour accueillir 500 hommes.  Il existe même un projet d’aménagement d’un navire de croisière à quai.