Pour la première fois de l’histoire, deux femmes s’affrontent pour le poste de gouverneur du Michigan aux élections de mi-mandat, le 8 novembre.

(Grosse Pointe Woods, Michigan) Sur une artère commerciale de Grosse Pointe Woods, en banlieue de Detroit, un drapeau américain flotte devant le « Republican Victory Office ». Jay Hackleman y distribue pancartes et dépliants pour les candidats appuyés par son parti, sa voix basse contrastant avec la mélodie de flûte dans le local.

« Le vote est serré », explique le retraité de 80 ans, qui se méfie ouvertement des médias. « La région de Detroit est traditionnellement prévisible pour les démocrates, mais c’est populeux, donc même un petit gain peut avoir un effet pour une campagne à l’échelle de l’État. »

L’écart entre la gouverneure sortante du Michigan, la démocrate Gretchen Whitmer, et sa rivale républicaine, Tudor Dixon, s’est rétréci depuis quelques mois. Début juillet, 34,5 points de pourcentage séparaient les deux candidates dans les intentions de vote, selon le site FiveThirtyEight. Le 25 octobre, l’avance de Mme Whitmer n’était plus que de 5,2 points.

Semblables, mais différentes

Si les deux femmes présentent une certaine ressemblance physique, avec leurs cheveux marron mi-longs et leurs yeux noisette, leurs convictions politiques sont aux antipodes.

Figure bien en vue des démocrates, Gretchen Whitmer est pressentie comme possible candidate à la présidence. La femme de 51 ans, en poste depuis 2019, défend le droit à l’avortement et prône un contrôle plus sévère des armes à feu.

Tudor Dixon, de son côté, est une néophyte en politique. Donald Trump appuie la commentatrice conservatrice, une bénédiction significative pour une frange de l’électorat.

PHOTO DON CAMPBELL, ASSOCIATED PRESS

Tudor Dixon, candidate républicaine au poste de gouverneure du Michigan

Mme Dixon s’oppose à l’avortement et a appuyé une initiative pour criminaliser la participation d’enfants à des spectacles drag. L’ex-femme d’affaires de 45 ans dénonce le bilan économique de la gouverneure et promet une baisse de taxes.

« C’est une femme brillante, juge M. Hackleman. Elle est intelligente. Elle est bien informée. Elle respecte nos droits accordés par Dieu. »

PHOTO JANIE GOSSELIN, LA PRESSE

Jay Hackleman, militant républicain

Ces droits divins, explique-t-il, sont inscrits dans la Constitution américaine : la liberté d’expression et de religion, le droit de porter une arme.

De l’Irak au Michigan

Mais pour d’autres partisans républicains, Tudor Dixon représente la dérive du parti. Sondée par le Washington Post en septembre, elle a refusé d’indiquer si elle comptait concéder la victoire en cas de défaite, à l’instar d’une douzaine de républicains.

« Je regarde Tudor Dixon et je ne crois pas qu’elle a lu la description de tâches du poste de gouverneur », commente au téléphone James Haveman, de Grand Rapids.

Il fait partie du groupe Republicans for Whitmer, une douzaine de républicains actifs qui appuient publiquement la candidate démocrate.

À 73 ans, M. Haveman compte une longue carrière dans la fonction publique. En 2003, l’administration de George W. Bush l’a nommé conseiller principal de la coalition auprès du ministère de la Santé en Irak.

Je suis allé en Irak pour travailler dans un pays qui avait vécu sous le régime totalitaire de Saddam Hussein pendant 30 ans et je n’aurais jamais pensé qu’au cours de ma vie, 20 ans plus tard, je devrais me faire entendre et sortir publiquement en soutien à la démocratie ici, à la maison.

James Haveman, républicain actif qui appuie publiquement la candidate démocrate

Ce critique de Donald Trump dénonce les atteintes à la démocratie, comme l’assaut du Capitole à Washington en janvier 2021.

Les Michiganais avaient eu un avant-goût de ces évènements quelques mois auparavant, lorsque des centaines de militants avaient envahi le Capitole de leur État, dénonçant les restrictions sanitaires. Un complot d’enlèvement de la gouverneure Whitmer avait aussi été mis au jour.

Le rôle des secrétaires d’État, dont l’une des fonctions est de certifier les résultats du vote, est apparu dans toute son importance avec les affirmations, non fondées, de fraudes électorales massives en 2020.

La candidate républicaine à ce poste au Michigan, Kristina Karamo, a nié la victoire de Joe Biden. Sur le mur du Republican Victory Office est accrochée une pancarte bleue de la candidate appuyée par Donald Trump. « Kristina Karamo est une dame terre à terre vivant dans la crainte de Dieu », défend M. Hackleman, soutenant les affirmations de fraudes.

Nombreuses courses

Le clivage extrême, les pressions sur les responsables du vote, les décisions juridiques reflétant un courant idéologique : tout cela a mis en lumière l’importance de toutes les courses à des postes électifs. Et elles sont nombreuses.

Le bulletin de vote du Michigan pour la mi-mandat est une longue feuille recto verso, où les électeurs doivent se prononcer sur 11 postes partisans, 12 postes non partisans, 3 propositions d’amendement de la Constitution de l’État, en plus de propositions locales et de candidats au conseil scolaire.

« Avant, je ne faisais pas vraiment attention à toutes les candidatures », admet Megan Strang, de Royal Oak, en banlieue de Detroit. Cette année, la démocrate a colligé des signatures pour soumettre au vote une question de droit à l’avortement.

Elle s’intéresse davantage à chaque petite case, mais déplore le manque d’information pour certains postes. « Chaque petite élection compte », dit la femme de 41 ans, attablée dans un café.

PHOTO FOURNIE PAR MEGAN STRANG

Megan Strang, militante démocrate rencontrée par notre journaliste

De plus en plus, les juges sont impliqués dans les questions politiques, même s’ils sont apolitiques [au Michigan, les partis soumettent les candidatures pour la Cour suprême de l’État, mais aucune affiliation n’apparaît sur le bulletin de vote]. Ils sont quand même la troisième branche du pouvoir.

Megan Strang, militante démocrate

L’arrêt de la Cour suprême sur l’avortement a relégué cette question à chaque État — laissant présager des batailles houleuses que devront trancher les juges locaux.

Devant sa maison de Grosse Pointe Woods, la psychologue Tonya Griffith a disposé des affiches sur la pelouse. L’une pour Gretchen Whitmer, mais d’autres, plus rares dans le paysage, pour appuyer ses candidats favoris à des postes de juges et au conseil scolaire.

La quinquagénaire compte un juge dans sa famille, ce qui l’a sensibilisée aux courses moins médiatisées. « Si on ne s’informe pas, on peut élire des gens qui ont une interprétation qui ne correspond pas à nos valeurs. »

En savoir plus
  • 7,9 millions
    Nombre approximatif d’électeurs au Michigan
    Source : Recensement de 2021, nombre de personnes de 18 ans et plus
    50,62 %
    Part des votes obtenue par Joe Biden à la présidentielle de 2020 (environ 2,8 millions de votes). Donald Trump avait obtenu 47,84 % des voix, soit environ 2,6 millions de votes.
    Source : gouvernement du Michigan
  • 71 %
    Taux de participation à l’élection présidentielle de 2020
    Source : Associated Press