(New York) Ce n’est pas la première fois que Donald Trump fait face à un rebondissement judiciaire sans précédent. En août dernier, il est déjà devenu le premier ancien président des États-Unis dont l’une des résidences a fait l’objet d’une perquisition par des agents du FBI en lien avec une enquête criminelle le visant.

Mais les crimes pour lesquels une commission d’enquête du Congrès l’a accusé lundi sont plus graves encore, car Donald Trump les aurait commis alors qu’il était encore président, une fonction qu’il entend de surcroît regagner à l’occasion de l’élection présidentielle de 2024, s’il n’est pas emprisonné ou trop occupé à se défendre devant les tribunaux d’ici là.

Lors d’un vote tenu à la fin de leur dixième et dernière audition publique, les neuf membres de la commission du 6-Janvier – sept démocrates et deux républicains – ont recommandé à l’unanimité que des poursuites pénales soient intentées contre Donald Trump.

Ils ont suggéré au département de la Justice quatre chefs d’accusation : appel à l’insurrection, complot à l’encontre du gouvernement des États-Unis, entrave à une procédure officielle du Congrès et fausses déclarations.

« Notre système judiciaire n’est pas un système où les fantassins vont en prison et où les cerveaux et les meneurs bénéficient d’un laissez-passer », a déclaré le représentant démocrate du Maryland Jamie Raskin avant le vote.

La commission du 6-Janvier a également recommandé des poursuites contre l’ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche Mark Meadows et les avocats Rudolph Giuliani, John Eastman et Kenneth Chesebro.

Dans une série de messages publiés sur Truth Social, Donald Trump a dénoncé les accusations de la commission du 6-Janvier, les dépeignant comme un effort visant à l’empêcher de briguer la Maison-Blanche en 2024.

« Les gens comprennent que le Bureau d’enquête démocrate, le DBI, cherche à m’empêcher de me présenter à la présidence parce qu’ils savent que je vais gagner et que toute cette affaire de poursuites contre moi est exactement comme l’impeachment – une tentative partisane de me mettre sur la touche, moi et le Parti républicain », s’est-il indigné dans un de ces messages.

« La cause centrale était un homme »

Le vote de la Commission met un point final à 18 mois d’une enquête intense et s’accompagne d’un rapport dont une première partie a été publiée lundi. Le document décrit en détail les efforts tous azimuts de Donald Trump pour s’accrocher à la présidence après sa défaite électorale du 3 novembre 2020 contre Joe Biden – du « grand mensonge » sur une fraude électorale massive aux pressions indues exercées auprès des responsables électoraux des États clés, du département de la Justice et de Mike Pence, en passant par la mobilisation d’une foule de partisans enragés qui a pris d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021 et blessé plus de 150 policiers.

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Une première partie du rapport de la commission du 6-Janvier a été publiée lundi.

« Ces preuves ont conduit à une conclusion prépondérante et directe : la cause centrale du 6-Janvier était un homme, l’ancien président Donald Trump, que beaucoup d’autres ont suivi. Aucun des évènements du 6-Janvier ne se serait produit sans lui », indique le rapport.

Les recommandations de la commission du 6-Janvier n’ont aucun poids judiciaire. Mais elles recoupent certains aspects de l’enquête que le département de la Justice mène déjà sur les violences du 6 janvier 2021 et les efforts de Donald Trump et de ses alliés pour renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020.

Les enquêteurs fédéraux ont ainsi déjà invoqué une possible entrave à une procédure officielle du Congrès pour justifier la saisie d’un téléphone portable appartenant à Jeffrey Clark, un ancien responsable de l’administration Trump.

Pour convaincre un jury que Donald Trump a commis un tel crime, la poursuite devrait prouver qu’il a agi de façon corrompue après avoir été informé que ses efforts pour bloquer la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020 étaient illégaux.

L’accusation de fraude à l’encontre du gouvernement des États-Unis fait référence aux mensonges répétés de Donald Trump concernant le trucage de l’élection présidentielle.

L’appel à l’insurrection serait le chef d’accusation le plus difficile à prouver. Mais un juge fédéral de Washington s’est montré favorable à une inculpation pour un tel crime en février dernier dans une décision qui a ouvert la voie à des poursuites civiles contre Donald Trump.

Dans cette décision, le juge Amit Metha a soutenu que l’ancien président n’avait pas simplement exercé son droit à la libre expression en appelant la foule rassemblée à Washington le 6 janvier 2021 à « marcher » vers le Capitole et à se « battre comme des diables ». Il a également affirmé qu’il était raisonnable de croire qu’il avait aidé et encouragé les émeutiers qui ont attaqué les policiers au Capitole, notamment en refusant pendant plus de trois heures à lancer un appel au calme.

Un poids significatif

La décision d’inculper ou non Donald Trump incombera à Jack Smith, nommé procureur spécial par le procureur général des États-Unis, Merrick Garland, le 18 novembre dernier.

Même si elles ne mènent pas à des inculpations, les recommandations de la commission du 6-Janvier sont susceptibles de nuire à la campagne présidentielle de Donald Trump.

Elles s’ajoutent à des auditions publiques qui ont jeté un éclairage plus cru que jamais sur ses efforts pour renverser le verdict électoral de 2020. Efforts qui ont vraisemblablement eu un effet sur les résultats des élections de mi-mandat, qui ont déçu nombre de républicains.

Lors de la dernière audition de la commission du 6-Janvier, Liz Cheney y est allée d’une dernière attaque contre l’ancien président en tant que représentante républicaine du Wyoming.

« Tous les présidents de notre histoire ont défendu ce transfert de pouvoir pacifique, sauf un », a dit celle qui a perdu une primaire républicaine l’été dernier contre une candidate appuyée par Donald Trump. Et d’ajouter : « Aucun homme qui se comporterait de cette façon ne peut plus jamais occuper une position d’autorité. »

La dernière audition publique du 6-Janvier a coïncidé avec l’ouverture du procès à Washington de cinq membres de l’organisation d’extrême droite Proud Boys, dont son ancien dirigeant, Enrique Tarrio, qui doivent répondre à des accusations de complot séditieux. La sélection des jurés se poursuivra mardi.