(New York) Un ancien marine américain a été accusé vendredi par la justice pénale de New York d’« homicide involontaire » après la mort par étranglement d’un sans-abri connu, un fait divers filmé le 1er mai dans le métro et qui émeut la ville.

L’affaire est à la une de la presse new-yorkaise, car elle fait écho aux maux de la plus grande mégapole des États-Unis : inégalités socio-économiques et raciales, sentiment d’insécurité, santé mentale des personnes SDF et agissements de « justiciers » autoproclamés contre la délinquance.  

Daniel Penny, un homme blond athlétique de 24 ans, costume sombre sur chemise blanche, est ressorti menotté d’un commissariat de police de Chinatown, dans le sud de Manhattan, avant d’être déféré au tribunal pénal voisin.

Les procureurs new-yorkais Alvin Bragg et Joshua Steinglass lui ont lu leur acte d’accusation pour « homicide involontaire ».

En cas de procès, Daniel Penny, actuellement en retraite de l’armée, encourt jusqu’à 15 ans de prison.

Il est ressorti libre du palais de justice moyennant 100 000 $ US de caution, l’obligation de rendre son passeport et de demander l’autorisation pour voyager hors de l’État de New York.  

Sa prochaine audience de procédure est fixée au 17 juillet.

« Intégrité et honneur »

D’après son avocat Thomas Kenniff, son client a « la tête haute » et assume « avec l’intégrité et l’honneur qui le caractérisent ».

Sa défense assure qu’il a « risqué sa vie » ce 1er mai dans le métro afin de « protéger d’autres New-Yorkais » et qu’il sera « complètement absous » pour « la mort non intentionnelle et imprévisible » d’un sans-abri afro-américain, Jordan Neely, décédé à 30 ans.

Le soldat est accusé d’avoir provoqué la mort par « compression » au niveau du cou, selon les légistes de la ville.

Jordan Neely, qui vivait dans les rues de Manhattan, était réputé depuis dix ans pour sa ressemblance et des performances imitant celles de la légende de la musique et de la danse Michael Jackson (1958-2009).

C’est une vidéo du drame le 1er mai, diffusée par la presse le jour même, qui a déclenché une vive émotion à New York.

Durant cinq minutes, elle montre la victime au sol dans un wagon du métro, M. Penny couché derrière pour l’entraver et lui serrer le haut du corps.

Des passagers semblent décontenancés, d’autres tentent vaguement de bloquer les bras de M. Neely qui se débat.  

Avant de ne plus bouger.

Un témoin a raconté à l’AFP qu’il avait fait irruption dans le wagon en criant sur des passagers et en leur réclamant de quoi manger ou boire.

Mais Jordan Neely n’a visiblement agressé physiquement personne.

Connue dans les rues et le métro de Manhattan, la victime avait été interpellée des dizaines de fois, notamment pour tapages et agressions. Il souffrait, comme nombre de SDF, de troubles psychiatriques, dans une ville de 8,5 millions d’âmes aux inégalités sociales, économiques, culturelles et raciales abyssales.

Un « meurtre »

Son père et sa tante, avec leur avocat Lennon Edwards, ont dénoncé vendredi devant des journalistes un « meurtre », car « Daniel Penny a choisi intentionnellement une technique destinée à couper la circulation de l’air ».  

L’accusé « ne peut pas réécrire la fin de l’histoire. Il a passé ses bras autour du cou de Jordan, l’étouffant et l’étranglant à mort. Il doit payer pour cela », a tonné Me Edwards.

Alors que le nombre de crimes et délits a recommencé à baisser dans le métro, après trois années de hausse durant la COVID-19, le sentiment d’insécurité y reste palpable.

Dans la presse locale de droite et les réseaux sociaux, M. Penny est félicité pour s’être érigé en « justicier » ayant agi en « légitime défense ».

Mais à gauche, l’influente parlementaire démocrate pour New York à la Chambre des représentants, Alexandria Ocasio-Cortez, avait aussitôt dénoncé sur Twitter un « meurtre » et soutenu des manifestations de colère à Manhattan et à Brooklyn.

Le procureur Bragg, un magistrat afro-américain, élu démocrate et qui a inculpé début avril l’ancien président Donald Trump, a déclaré vendredi que « Jordan Neely devrait être encore en vie ».

Plus conservateur et en lutte contre la délinquance, le maire de New York, l’ex-capitaine de police afro-américain Eric Adams, avait reconnu mercredi la « nécessité d’en faire plus pour nos frères et sœurs qui souffrent de graves troubles mentaux ».