(New York) Un Kennedy a déjà contribué à l’éviction d’un président démocrate de la Maison-Blanche. Y en aura-t-il un autre en 2024 ?

En 1980, le sénateur du Massachusetts Ted Kennedy défia Jimmy Carter, ne le trouvant pas assez progressiste à son goût. Et il attendit à la convention du Parti démocrate pour mettre fin à sa campagne, tentant en vain de convaincre les délégués du président de rompre avec lui.

« Pour moi, il y a quelques heures, cette campagne a pris fin », déclara l’unique survivant des frangins Kennedy, en concluant le meilleur discours de sa carrière politique devant les délégués réunis au Madison Square Garden. « Pour tous ceux dont les soucis ont été les nôtres, le travail continue, la cause perdure, l’espoir demeure et le rêve ne s’éteindra jamais. »

Sorti affaibli de cet affrontement fratricide, le président Carter s’inclina devant le candidat du Parti républicain, Ronald Reagan, trois mois plus tard.

Un nom qui lui assure l’attention des médias

Les chances que Robert Francis Kennedy Jr, neveu de Ted Kennedy, ait la chance de s’adresser à la convention du Parti démocrate prévue en août 2024 à Chicago sont probablement nulles. Mais les stratèges démocrates commencent à s’inquiéter en réalisant que le militant antivax et complotiste invétéré pourrait à son tour fragiliser un président démocrate, en l’occurrence Joe Biden, avec sa campagne présidentielle.

Comment ? Grâce à son nom, d’abord. Peu importe ses opinions, Robert Kennedy Jr, 69 ans, possède un patronyme qui lui assure non seulement l’attention des médias, mais également le soutien d’un nombre relativement important d’électeurs.

Selon la moyenne des sondages du site Real Clear Politics, il récolte 14 % des intentions de vote parmi les candidats démocrates à la présidence. C’est bien sûr insuffisant pour battre le président Biden, mais c’est assez pour susciter et justifier l’intérêt.

D’autant plus que le fils de l’ancien procureur général des États-Unis et sénateur de New York pourrait remporter les deux premiers scrutins de la course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2024, ceux de l’Iowa et du New Hampshire. Scénario pour lequel Joe Biden n’aurait que lui-même à blâmer s’il se produisait.

À sa demande, le Comité national démocrate a remanié le calendrier des primaires du parti pour l’élection présidentielle de 2024. Selon le nouveau calendrier, la Caroline du Sud doit tenir le 3 février prochain la première primaire démocrate, question de donner la chance à un État qui ne soit pas tout blanc, ou presque, de se prononcer en premier.

Une manne pour la droite

Or, si les démocrates de l’Iowa et du New Hampshire insistent pour maintenir leur préséance et décident d’organiser leurs scrutins avant le 3 février, Joe Biden a déjà indiqué qu’il n’y participerait pas. RFK Jr pourrait donc avoir la voie libre et sortir vainqueur de ces deux États.

Le 46président survivrait sans doute à de tels verdicts en remportant les primaires subséquentes. Mais des victoires de RFK Jr en Iowa ou au New Hampshire ne manqueraient pas de générer quantité de reportages et de commentaires sur la « faiblesse » et la « vulnérabilité » de l’occupant de la Maison-Blanche. Reportages et commentaires dont les médias et les commentateurs conservateurs seraient particulièrement friands.

Il faut dire que la droite et l’extrême droite ont un faible pour RFK Jr.

Figurent parmi ceux qui ont fait la promotion de sa candidature des membres de l’entourage de Donald Trump, dont Steve Bannon, Roger Stone et Michael Flynn, de même que des figures médiatiques, telles qu’Alex Jones, Charlie Kirk et Tucker Carlson.

« À ce stade, la question n’est pas de savoir qui, dans la vie publique, est corrompu. Ils sont trop nombreux pour être comptés », a déclaré l’ancien animateur de Fox News en avril dernier.

PHOTO RICHARD DREW, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’ex-animateur de Fox News, Tucker Carlson, le 12 juin dernier

La question est de savoir qui dit la vérité. Il n’y en a pas beaucoup. L’un d’entre eux est Robert Kennedy Jr.

Tucker Carlson, ex-animateur de Fox News

Cette popularité tient notamment à la campagne tous azimuts de RFK Jr contre les vaccins, y compris ceux contre la COVID-19, et le DAnthony Fauci, qu’il a accusé de « coup d’État contre la démocratie occidentale ». Comme plusieurs républicains extrémistes, le neveu de John Kennedy a également dénoncé la politique de l’administration Biden vis-à-vis de la Russie en reprenant certains thèmes ou arguments chers au Kremlin.

« Ils voulaient la guerre [en Ukraine] dans le cadre de leur stratégie pour détruire tout pays tel que la Russie qui résiste à l’expansionnisme impérialiste américain », a-t-il tweeté en mai dernier.

Populaire chez les donateurs républicains

RFK Jr est également populaire auprès de certains donateurs républicains, qui cherchent à nuire à Joe Biden, et de milliardaires de la Silicon Valley, y compris Elon Musk, David Sacks et Jack Dorsey. Ce dernier lui a apporté son soutien en saluant sa promotion du bitcoin, cette cryptomonnaie que le fondateur de Twitter a décrite comme un « exercice de démocratie ».

Bien sûr, certaines positions de RFK Jr rejoignent une partie de la gauche démocrate, dont sa promesse de réduire le budget du Pentagone, sa critique de l’influence des entreprises sur le gouvernement et sa défense de l’environnement qui remonte à ses années d’avocat environnementaliste.

Mais l’ensemble de sa campagne présidentielle est étrange, tout comme la longue entrevue de trois heures qu’il a accordée récemment à Joe Rogan, animateur d’une des balados les plus populaires. À un moment donné, RFK Jr s’est inquiété des radiations du WiFi.

« Les radiations du WiFi ouvrent la barrière hématoencéphalique, de sorte que toutes les toxines présentes dans votre corps peuvent maintenant pénétrer dans votre cerveau, a-t-il déclaré.

— Comment le WiFi ouvre-t-il la barrière hématoencéphalique ? a demandé Joe Rogan, médusé.

— Là, vous dépassez mes compétences », a répondu Robert Kennedy Jr.

Autrement dit, il n’avait pas fini ses recherches.