(New York) De l’avis général, c’est l’affaire la plus sérieuse qui pend au-dessus de la tête de Donald Trump, à savoir : la campagne dont il a été l’instigateur et acteur principal pour s’accrocher au pouvoir après l’élection présidentielle de 2020 et qui a culminé par l’assaut contre le Capitole des États-Unis le 6 janvier 2021.

De l’aveu même de Donald Trump, cette affaire devrait mener à son inculpation prochaine, la troisième depuis le printemps dernier et la deuxième découlant d’un grand jury assemblé par le procureur spécial Jack Smith.

« Jack Smith, le procureur cinglé du ministère de la Justice de Joe Biden, a envoyé une lettre [dimanche soir] indiquant que je suis la CIBLE de l’enquête du grand jury sur le 6 janvier », a annoncé mardi matin le 45président sur Truth Social.

Il a ajouté que le procureur spécial lui avait donné « un délai très court de 4 jours » pour se présenter devant un grand jury de Washington, « ce qui signifie presque toujours une arrestation et une mise en accusation ».

Donald Trump déclinera l’offre de témoigner devant le grand jury, selon toute probabilité.

Le procureur spécial, lui, s’est refusé mardi à tout commentaire. Mais sa lettre ne laisse aucun doute sur la suite des choses, et encore moins sur l’importance de l’inculpation à venir, selon Renato Mariotti.

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Le procureur spécial Jack Smith, en juin dernier

« Cela revêt une importance historique, car c’est la première fois qu’une affaire pénale porte sur une tentative de renverser les résultats d’une élection présidentielle dans notre pays », a commenté l’avocat de Chicago, qui a servi comme procureur fédéral de 2007 à 2016.

Dans les autres affaires où il a été inculpé, Donald Trump n’est pas la première personne à devoir répondre aux chefs d’accusation qui ont été retenus contre lui. Mais ici, il sera le premier à être accusé de ces crimes.

Renato Mariotti, avocat et ancien procureur fédéral

De quels crimes parle-t-on ? Il faudra attendre l’acte d’accusation pour répondre à cette question de façon définitive. Mais Stephen Saltzburg, professeur de droit à l’Université George Washington, croit que la commission spéciale de la Chambre des représentants sur l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole a tracé l’an dernier « une feuille de route » dont Jack Smith pourrait s’inspirer.

« Certains des chefs d’accusation recommandés par la commission spéciale figureront certainement dans l’acte d’accusation, peut-être même tous », a confié le professeur Saltzburg. « Ils ont fait un travail très approfondi. En fait, je ne suis pas sûr qu’il y aurait un Jack Smith en tant que procureur spécial s’il n’y avait pas eu la commission spéciale. »

Des recommandations pour la poursuite

À la fin de ses travaux, en décembre 2022, la commission d’enquête de la Chambre a recommandé au ministère de la Justice de poursuivre Donald Trump pour quatre délits différents : entrave à un acte du Congrès ; complot visant à frauder les États-Unis ; complot visant à créer des listes de « faux grands électeurs » ; et incitation à l’insurrection.

L’incitation à l’insurrection fait référence au discours de Donald Trump au cours duquel il a encouragé ses partisans à marcher vers le Capitole, le 6 janvier 2021.

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L’ancien président Donald Trump, le 6 janvier 2021, lors de son discours où il a incité ses partisans à marcher sur le Capitole.

Certains d’entre eux sont entrés dans l’édifice, où le Congrès procédait à la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020, en scandant « Pendez Mike Pence ! Pendez Mike Pence ! » et en cherchant la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi.

Donald Trump doit déjà répondre à 37 chefs d’accusation couvrant 7 délits différents dans l’affaire des documents classifiés, dont l’enquête relevait également du procureur spécial Jack Smith.

Les parties, dans cette affaire, se sont retrouvées mardi après-midi pour la première fois devant la juge de Floride Aileen Cannon pour déterminer la date du procès.

L’audience a pris fin sans une décision immédiate à ce sujet. Mais la juge Cannon a semblé sceptique face à la demande des procureurs fédéraux de commencer le procès en décembre. Elle s’est également montrée réticente à accéder à la requête des avocats de la défense de repousser le début du procès à une date située après l’élection présidentielle de 2024. Elle annoncera sa décision par écrit sous peu.

L’ancien président doit également répondre à plusieurs chefs d’accusation à New York pour falsification de documents d’entreprise en lien avec l’affaire Stormy Daniels, du nom de l’actrice porno qui a reçu 130 000 $ avant l’élection présidentielle de 2016 en échange de son silence sur une relation sexuelle présumée avec le candidat républicain.

Donald Trump pourrait par ailleurs être inculpé en Géorgie dans la première moitié d’août pour son rôle dans les efforts visant à renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 dans cet État.

Les alliés de Trump serrent les rangs

Face à ce tourbillon d’inculpations actuelles ou éventuelles, les alliés de Donald Trump n’ont pas dérogé mardi à leur position habituelle, dénonçant « l’instrumentalisation » du ministère de la Justice contre l’ancien président.

« Le président Trump vient d’accroître son avance dans les sondages. Que fait l’administration Biden ? Elle instrumentalise le gouvernement pour s’en prendre à l’opposant numéro un du président Biden », a déploré le président de la Chambre, Kevin McCarthy, qui avait critiqué l’ancien président après l’assaut contre le Capitole.

Les rivaux de Donald Trump dans la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024 ont de nouveau été éclipsés par ses démêlés avec la justice. L’ancienne gouverneure de Caroline du Sud Nikki Haley n’a pas caché son irritation, qualifiant la nouvelle de la journée de « distraction ».

« Et c’est la raison pour laquelle je me présente, parce que nous avons besoin d’un nouveau leader générationnel. Nous ne pouvons pas continuer à composer avec ce théâtre », a-t-elle dit.

L’histoire jusqu’ici

4 novembre 2020

Au petit matin, Donald Trump dénonce une fraude électorale et revendique la victoire lors de l’élection présidentielle tenue la veille, alors que le dépouillement des voix se poursuit dans plusieurs États clés.

6 janvier 2021

Après de vaines contestations judiciaires et pressions politiques, Donald Trump encourage ses partisans à marcher vers le Capitole. « Si vous ne vous battez pas comme des diables, vous n’aurez plus de pays », dit-il.

20 décembre 2022

La commission spéciale de la Chambre des représentants sur le 6-Janvier recommande au ministère de la Justice de poursuivre Donald Trump pour quatre délits, dont l’incitation à l’insurrection.