(Los Angeles) Aux États-Unis, les appels se multiplient pour que soient télédiffusés en direct les procès de Donald Trump, inculpé dans des affaires qui pourraient le conduire derrière les barreaux sans l’empêcher d’être candidat à la présidentielle, ni élu.

Des responsables souhaitent notamment que l’opinion publique puisse suivre au jour le jour le procès dans lequel l’ancienne vedette de téléréalité est accusée d’avoir voulu inverser le résultat de la dernière élection présidentielle. Sa date doit être fixée le 28 août.

La loi américaine interdit l’entrée des caméras dans les tribunaux fédéraux. Mais, dans une lettre publiée jeudi, des dizaines de parlementaires démocrates jugent que « peu de circonstances justifient davantage une diffusion télévisée que celles-ci, étant donné leur nature historique ».  

« Pour que le public accepte pleinement l’issue de ce procès, il est vital qu’il puisse le voir, de façon la plus immédiate possible, voir comment les débats sont menés, la qualité des preuves, la crédibilité des témoins ».

On ignore si Donald Trump, ex-vedette de la téléréalité, appuierait une telle mesure, qui devrait être prise de façon exceptionnelle par le président de la Cour suprême, John Roberts, ou prévue par une loi du Congrès.  

Mais, du côté la défense de l’ex-président, son avocat John Lauro s’y est dit en faveur. « Si vous me demandez mon opinion personnelle, la réponse est oui », a-t-il déclaré dimanche sur CNN. « Je suis convaincu que l’administration Biden ne veut pas que le peuple américain accède à la vérité », a-t-il ajouté sur Fox News.

PHOTO LOUIS LANZANO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

John Lauro

Le 24 mai 2024, à six mois de l’élection et en pleines primaires républicaines, Donald Trump doit faire face à un tribunal fédéral qui jugera de sa gestion de documents classés secret défense, dans le cadre d’une autre affaire.

Deux mois avant, il se sera peut-être déjà expliqué devant la justice de l’État de New York sur des fraudes comptables liées à l’achat du silence d’une actrice de films pornographiques lors de la campagne présidentielle 2016. Le procureur en charge s’est dit néanmoins disposé à changer cette date pour permettre la tenue de ses deux autres procès, devant la justice fédérale.

Le 45e président des États-Unis peut aussi s’attendre à une quatrième inculpation, dans l’État de Géorgie où il est soupçonné d’avoir fait pression sur un haut responsable local pour « trouver » des voix en sa faveur.

Ces poursuites n’entament en rien sa popularité chez les électeurs républicains : 74 % pensent qu’il n’a rien fait de mal, selon un récent sondage du New York Times et du Siena College.

Trump, lui, les assimile à une « chasse aux sorcières » de la part de responsables cherchant à faire dérailler sa nouvelle campagne pour la Maison-Blanche.

« Obsolète »

C’est justement pour démonter cette affirmation qu’il faut que son procès soit vu par le plus de gens possible, estime Alan Dershowitz, spécialiste de droit constitutionnel, dans le journal The Hill.

« Si le procès n’est pas retransmis, le public ne pourra pas s’informer de manière objective. Il y aura deux procès : celui suivi par les médias progressistes et l’autre chroniqué par la presse conservatrice », dit-il.  

Aux États-Unis, la captation des procès est possible devant les tribunaux de certains États – celui de l’ancienne vedette de la NFL O. J. Simpson avait captivé tout le pays – mais elle est proscrite devant la justice fédérale par une loi de 1946.

Pour le professeur de droit à l’Université de Georgetown Neal Katyal, cette règle est désormais « obsolète ».

« Nous sommes à l’ère du numérique, où les gens pensent avec leurs yeux », écrit-il dans le Washington Post.

Procureur dans le procès du policier blanc de Minneapolis qui a tué George Floyd, un Afro-Américain, lors d’une arrestation en 2020, M. Katyal assure que sa diffusion a permis à un public très partagé d’accepter le verdict de culpabilité.

Selon lui, il en serait de même avec un procès fédéral contre Donald Trump, organisé « au nom du peuple des États-Unis » et « avec nos impôts » : « Nous avons un droit à le voir. Et à s’assurer que les propagateurs de rumeurs et autres complotistes ne contrôlent pas le récit ».

Mais c’est sans compter sur la capacité hors norme de l’ex-président à dominer et déformer les débats, explique à l’AFP Christina Bellantoni. Cette spécialiste du journalisme politique à l’université de Californie du Sud pense que « sa cote de popularité montera, quelles que soient les preuves présentées ».

Le risque existe, également, qu’un procès aussi grave ne devienne un simple divertissement télévisé, qui ne fera pas bouger les lignes.

Les avis sont déjà très tranchés sur Trump, de part et d’autre, assure Christina Bellantoni. « Personne ne va se dire : “Bon, je vais regarder ça et je verrai ce qu’il en ressort ».

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