(Albuquerque) Le shérif de la plus grande zone métropolitaine du Nouveau-Mexique s’est engagé lundi à ne pas appliquer une ordonnance d’urgence de la gouverneure de l’État visant à suspendre temporairement le droit de porter des armes à feu en public dans et autour de la ville d’Albuquerque.

« C’est inconstitutionnel, donc nous n’avons aucun moyen de faire respecter cette ordonnance, a déclaré le shérif du comté de Bernalillo, John Allen, lors d’une conférence de presse. Cette interdiction ne fait rien pour freiner la violence armée. »

Les réactions ont été vives dès que la gouverneure démocrate Michelle Lujan Grisham a annoncé l’imposition de cet ordre, vendredi, affirmant d’emblée qu’elle s’attendait à des contestations judiciaires pendant que la police d’État se chargerait de l’application de la décision.

« Je salue le débat sur la manière de rendre le Nouveau-Mexique plus sûr », a-t-elle déclaré, tout en reconnaissant que les criminels ignoreraient sûrement son ordre.

PHOTO ALEX BRANDON, ASSOCIATED PRESS

La gouverneure démocrate Michelle Lujan Grisham

Mme Lujan Grisham a expliqué qu’elle avait été contrainte de publier son ordre à la suite de récentes fusillades, qui ont notamment entraîné la mort d’un garçon de 11 ans à l’extérieur d’un stade de baseball d’une ligue mineure la semaine dernière, la mort d’une fillette de 5 ans qui dormait dans une roulotte et la mort d’une autre jeune fille de 13 ans.

La suspension des armes à feu a été publiée en tant qu’ordonnance de santé publique d’urgence, qui rappelle les ordonnances de santé publique très contestées qu’elle a continuellement renouvelées tout au long de la pandémie de COVID-19.

La gouverneure a indiqué que l’interdiction des armes à feu s’appliquerait pendant 30 jours au port ouvert et dissimulé dans la plupart des lieux publics et l’a liée à un seuil de taux de crimes violents actuellement atteint uniquement dans la région métropolitaine d’Albuquerque. La police et les agents de sécurité sont exemptés.

Les contrevenants pourraient faire face à des sanctions civiles et à une amende pouvant aller jusqu’à 5000 $. En vertu de l’ordonnance, les résidents peuvent toujours transporter des armes à feu vers certains lieux privés, tels qu’un champ de tir ou un magasin d’armes, à condition que l’arme à feu soit dotée d’un verrou de détente, d’un conteneur ou d’un mécanisme rendant impossible le déchargement.

Contestations de toutes parts

Le procureur du comté de Bernalillo, Sam Bregman, un membre du parti démocrate nommé par Mme Lujan Grisham, s’est joint au maire d’Albuquerque, Tim Keller, et au chef de la police, Harold Medina, pour affirmer qu’il n’appliquerait pas l’ordonnance.

Un groupe de défense des droits des armes à feu a quant à lui déposé une plainte fédérale pour obtenir une injonction immédiate du tribunal afin d’empêcher l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Les élus républicains de l’État ont également proposé d’engager une procédure de destitution contre la gouverneure, une décision qui nécessiterait l’adhésion des démocrates, qui contrôlent l’Assemblée législative de l’État.

« Mes électeurs m’ont contacté en masse, m’envoyant des courriels et des messages texte pour me dire que c’est insensé, c’est horrible, que c’est inconstitutionnel », a dénoncé le représentant républicain John Block.

L’Union des libertés civiles américaines (ACLU) a aussi exprimé ses propres objections à la réponse de la gouverneure à la violence armée, exprimant sa crainte que cela puisse conduire à un maintien de l’ordre trop zélé et porter atteinte à la vie privée.

« Ce type d’approche conduit à un contrôle excessif de nos communautés, au profilage racial et à une misère accrue dans la vie de personnes déjà marginalisées, » a souligné Lalita Moskowitz, responsable des litiges pour l’ACLU du Nouveau-Mexique.

« La gouverneure devrait suivre des solutions fondées sur des preuves, telles que des programmes significatifs de déjudiciarisation et d’intervention contre la violence, et s’attaquer aux causes profondes de la violence », a-t-elle ajouté.