(Madison) Une juge nouvellement élue de la Cour suprême du Wisconsin, qui a qualifié les circonscriptions électorales tracées par les républicains de « truquées », a refusé de se récuser vendredi de deux poursuites en matière de redécoupage.

La décision de la juge Janet Protasiewicz augmente les chances que les républicains, qui contrôlent le Parlement, puissent prendre la mesure sans précédent de sa destitution. Le président de l’Assemblée, Robin Vos, a menacé de la destituer si elle ne se récusait pas.

M. Vos n’a fait aucun commentaire immédiat sur sa décision, affirmant qu’il devait d’abord parler à son avocat.

Les républicains affirment qu’elle a préjugé les cas, ce qui pourrait aboutir, selon eux, à l’élaboration de nouvelles cartes plus favorables aux démocrates avant les élections de 2024.

Dans son ordonnance de 64 pages, Mme Protasiewicz a déclaré qu’elle comprenait que la question avait « engendré de forts sentiments dans certains milieux parmi les personnes de bonne foi ». Mais elle a déclaré qu’après avoir interrogé la loi « et ma conscience », elle n’avait pas besoin de se récuser.

La juge Protasiewicz a affirmé qu’en exprimant son opinion sur les cartes électorales, elle n’a jamais fait de promesse ni d’engagement sur la manière dont elle statuerait sur les cas.

« Je mettrai de côté mes opinions et trancherai les affaires sur la base de la loi, a-t-elle écrit. Il y aura sûrement de nombreux cas dans lesquels j’arriverai à des résultats que je n’aime pas personnellement. C’est ce que signifie être juge. »

La Commission judiciaire du Wisconsin, qui enquête sur les plaintes contre les juges, a rejeté plus tôt cette année les plaintes déposées contre Mme Protasiewicz concernant ses commentaires sur le redécoupage pendant la campagne.

Une nouvelle majorité libérale à la cour

Deux poursuites contestant les dernières cartes ont été déposées au cours de la première semaine après que Mme Protasiewicz a joint les rangs de la Cour suprême le 1er août. Mme Protasiewicz fait partie d’une majorité libérale de 4 contre 3 à la cour, mettant fin à une période de 15 ans sous la direction de juges conservateurs.

Les républicains ont demandé à Mme Protasiewicz de se récuser des deux cas de redécoupage, arguant dans leur motion que les déclarations de campagne de la juge Protasiewicz montrent que son idée est déjà faite. Ils ont également souligné les près de 10 millions qu’elle a reçus du Parti démocrate du Wisconsin, qui n’est pas partie prenante dans les cas de redécoupage, mais a plaidé pour l’élaboration de nouvelles cartes.

Au cours de sa campagne gagnante, Mme Protasiewicz a qualifié les cartes dessinées par les républicains d’« injustes » et de « truquées » et a déclaré qu’il fallait « porter un nouveau regard sur la question du découpage électoral arbitraire (gerrymandering) ». Elle n’a jamais dit comment elle statuerait sur une éventuelle poursuite concernant le redécoupage.

Mme Protasiewicz a déclaré dans l’ordonnance de vendredi qu’elle n’avait trouvé aucun cas dans lequel un juge s’était récusé parce qu’un parti politique non impliqué dans le litige avait contribué à sa campagne. Elle a également souligné, s’adressant à ses collègues, que « les juges de ce tribunal ont participé à plusieurs reprises à des affaires de redécoupage malgré le soutien substantiel de groupes politiquement affiliés au cours de leurs campagnes ».

Les avocats qui ont intenté les poursuites ont fait valoir qu’il n’y avait aucune obligation légale ou éthique pour Mme Protasiewicz de se retirer. Ils ont également souligné que la Commission judiciaire du Wisconsin a rejeté les plaintes contre elle liées à ses commentaires lors de la campagne.

Les cartes électorales établies par l’Assemblée législative contrôlée par les républicains en 2011 ont consolidé les majorités du parti, qui s’élèvent désormais à 65-34 à l’Assemblée et à 22-11 au Sénat. Les républicains ont adopté l’année dernière des cartes similaires à celles existantes.

Les circonscriptions de l’Assemblée du Wisconsin comptent parmi celles qui ont fait l’objet d’un découpage électoral partisan le plus marqué au niveau national, les républicains remportant régulièrement beaucoup plus de sièges que ce à quoi on pourrait s’attendre en fonction de leur part moyenne des voix, selon une analyse d’Associated Press.

Les deux poursuites demandent que l’ensemble des 132 législateurs des États soient candidats aux élections dans des districts nouvellement désignés. Dans les circonscriptions sénatoriales qui sont à mi-mandat de quatre ans en 2024, il y aurait des élections spéciales, les vainqueurs obtenant un nouveau mandat de deux ans. Le cycle régulier de quatre ans reprendrait en 2026.

Une action en justice a été déposée au nom des électeurs qui soutiennent les démocrates par le cabinet d’avocats Stafford Rosenbaum, l’Election Law Clinic de la Harvard Law School, le Campaign Legal Center, le cabinet d’avocats Arnold & Porter et Law Forward, un cabinet d’avocats libéral établi à Madison.

L’autre affaire a été portée par des électeurs qui soutiennent les candidats démocrates et plusieurs membres du groupe Citizen Mathematicians and Scientists. Ce groupe de professeurs et de chercheurs a soumis des propositions de cartes législatives en 2022, avant que la Cour suprême de l’État n’adopte celles dessinées par les républicains.