(New York) Fomenteur de maintes frondes dont certaines l’ont opposé à son propre parti, Jim Jordan se bute à une opposition républicaine plus forte que prévu dans sa quête pour succéder à Kevin McCarthy au poste de président de la Chambre des représentants.

Soutenu par Donald Trump et les républicains les plus trumpistes ou extrémistes de la Chambre, le représentant ultraconservateur de l’Ohio a choisi de reporter à ce mercredi la tenue d’un deuxième tour de scrutin après avoir été désavoué par un nombre inattendu des siens lors du premier tour, mardi après-midi.

Le fondateur du Freedom Caucus avait besoin d’une majorité simple de 217 votes pour être élu « speaker », une position qui l’aurait hissé au sommet du pouvoir au Congrès américain. Il en a récolté seulement 200, contre 212 pour le candidat démocrate, le représentant de New York Hakeem Jeffries.

Pas moins de 20 représentants de son parti ont voté pour un autre candidat républicain que lui. L’ancien président de la Chambre Kevin McCarthy n’avait pas été contesté par un aussi grand nombre de collègues républicains lors du premier des 15 tours de scrutin qui avaient mené à son élection, en janvier dernier.

« Nous allons continuer à travailler », a déclaré M. Jordan en fixant à 11 h ce mercredi le prochain vote de la Chambre.

De toute évidence, l’agitateur nourrissait encore l’espoir de rallier à sa cause les représentants républicains récalcitrants, dont le refus de l’appuyer repose sur diverses raisons. Élus dans des circonscriptions remportées par Joe Biden en 2020, certains d’entre eux ont peur que la promotion d’un farouche allié de Trump ne nuise à leur réélection.

D’autres craignent que l’élection d’un ultraconservateur aussi intransigeant que Jordan ne garantisse une paralysie de l’État fédéral lorsque le budget temporaire adopté le 30 septembre dernier arrivera à échéance, le 17 novembre prochain.

D’autres encore n’ont pas aimé le traitement réservé par les alliés de Jordan à Steve Scalise, premier candidat républicain désigné pour la présidence de la Chambre, qui a dû retirer sa candidature.

Et au moins un représentant républicain n’accepte pas que son collègue de l’Ohio ait refusé de reconnaître la validité de l’élection de Joe Biden en 2020. Il s’agit du représentant du Colorado Ken Buck.

Après le vote de mardi après-midi, ce conservateur pur et dur a déclaré être inondé d’appels téléphoniques d’alliés et d’admirateurs de Jim Jordan, dont la popularité découle en bonne partie de sa défense acharnée de Donald Trump et de ses apparitions quasi quotidiennes sur Fox News.

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Le représentant républicain du Colorado Ken Buck

« Les appels qui nous parviennent sont ridicules, ils se comptent par centaines, voire par milliers, dans tous les bureaux en ce moment même », a déclaré Ken Buck sur CNN.

Il a néanmoins prédit que le nombre d’opposants républicains à la promotion de Jim Jordan augmenterait ce mercredi.

Son collègue républicain de Floride Mario Díaz-Balart a fait la même prédiction. Allié de Steve Scalise, il a juré n’avoir aucune intention de voter pour Jordan.

« Je ne céderai pas aux pressions et je ne me laisserai pas intimider », a-t-il dit aux journalistes.

Extrémisme MAGA

La chambre basse du Congrès est sans président depuis le 3 octobre, date de la destitution de Kevin McCarthy à la suite de la mutinerie d’une poignée de rebelles menés par le représentant de Floride Matt Gaetz, qui appuie désormais Jim Jordan.

La Chambre est donc paralysée au moment où son soutien est réclamé par deux pays en guerre, Israël et l’Ukraine, et où son attention devrait se porter sur la rédaction et l’adoption des projets de loi destinés à financer le gouvernement américain. Si ces textes ne sont pas adoptés d’ici le 17 novembre, l’État fédéral connaîtra une paralysie budgétaire.

Dans un tel contexte, Jim Jordan est la dernière personne à laquelle les républicains devraient songer pour remplacer Kevin McCarthy, selon les démocrates.

« Jim Jordan est l’exemple même de l’extrémisme MAGA », a déclaré Hakeem Jeffries, chef du groupe démocrate de la Chambre, lors d’une conférence de presse sur les marches du Capitole.

Il a appelé les républicains à choisir un autre candidat.

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Le chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, s’adresse aux médias devant le Capitole, à Washington.

Il y a beaucoup d’hommes et de femmes du côté républicain qui sont qualifiés pour être président de la Chambre des représentants. Il n’y a aucune raison pour que Jim Jordan soit l’un d’entre eux.

Hakeem Jeffries, chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants

La représentante républicaine de New York Elise Stefanik, numéro trois du groupe républicain, a officiellement mis en nomination Jim Jordan au poste de président de la Chambre.

« Jim est la voix du peuple américain qui se sent sans voix depuis bien trop longtemps, a-t-elle déclaré. Que ce soit en tant que président de la commission judiciaire, leader conservateur ou représentant de ses électeurs du centre-ouest de l’Ohio. Que ce soit sur le tapis de lutte ou dans la salle des commissions, Jim Jordan est un stratège, un battant, un dur et un homme de principes. »

Les démocrates ont grogné à l’unisson en entendant l’allusion à la lutte. Après avoir été champion de cette discipline à l’Université d’État de l’Ohio, Jim Jordan a été accusé d’avoir fermé les yeux en tant qu’entraîneur adjoint sur les abus sexuels commis par le médecin de l’équipe de lutte.

En procédant à la nomination de Hakeem Jeffries, le représentant démocrate de Californie Peter Aguilar a, de son côté, accusé Jim Jordan d’être un partisan d’une interdiction nationale de l’avortement, un promoteur du négationnisme électoral et un instigateur d’une « insurrection », allusion à l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole.

Selon lui, un vote visant à faire de Jordan « le président de cette chambre enverrait un message terrible au pays et à nos alliés ».