Comme chaque fois qu’une tuerie survient, celle de Lewiston ravive les questions sur le contrôle des armes à feu. Bien que le Maine soit perçu comme un État sûr, les lois sur les armes à feu y sont parmi les plus permissives aux États-Unis.

Professeur au département d’histoire et d’études classiques de l’Université McGill, Jason Opal vivait dans le Maine avant de déménager au Québec en 2009. Il qualifie le massacre survenu mercredi soir de « déchirant ».

Mais, dit-il, la culture des armes à feu « se fait sentir partout » aux États-Unis et le Maine ne fait pas exception.

« Par rapport aux autres États de la Nouvelle-Angleterre [Massachusetts, Rhode Island, Connecticut, New Hampshire, Vermont], les lois du Maine sont assez permissives. Par exemple, il n’y a aucune période de restriction avant l’achat d’une arme à feu ni de lois interdisant de tels achats pour ceux avec une histoire de maladie mentale », explique M. Opal, qui a répondu à nos questions par courriel parce qu’il se trouvait à l’extérieur du pays.

Professeur d’histoire au cégep de Trois-Rivières, Francis Langlois explique que dans le Maine, on « peut se promener avec une arme si on ne la voit pas ». Aucun permis n’est requis.

Le groupe de défense Everytown for Gun Safety note sur son site web que le faible niveau de violence par arme à feu dans le Maine s’explique en partie par le fait que l’État est « protégé par les lois restrictives des autres États de la région ».

Le Giffords Law Center, qui publie annuellement un « bulletin » des États américains en matière de contrôle des armes à feu, donne la note « F » au Maine, soit la plus faible. Sur 50 États, le Maine se classe au 27e rang pour les restrictions sur les armes.

Selon le Pew Research Center, 32 % des Américains disent détenir une arme à feu. C’est le cas de 40 % des hommes et 25 % des femmes. La culture des armes à feu aux États-Unis a changé au fil des décennies, dit Francis Langlois.

« Au tournant des années 80 et particulièrement à partir des années 2000, les compagnies d’armes à feu, de façon tout à fait consciente, ont décidé de militariser l’offre et le marché de l’arme à feu. Elles ont mis sur le marché des pistolets qui étaient l’équivalent de ce qui était utilisé par la police et ont mis l’accent sur les fusils d’assaut », dit M. Langlois, qui est membre de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

C’est à partir de ces années-là que les gens ont commencé à dire qu’ils achetaient une arme « pour se protéger » plutôt que pour chasser, poursuit le professeur.

Un mandat « voué à l’échec »

En septembre dernier, le président américain Joe Biden a confié à sa vice-présidente, Kamala Harris, le rôle de superviser le Bureau de prévention de la violence par arme à feu, un organisme ayant un rôle de coordination, mais sans pouvoirs contraignants.

Jason Opal rappelle qu’en 2012, Barack Obama avait confié un mandat semblable à son vice-président Joe Biden, à la suite de la tuerie de l’école primaire Sandy Hook, qui a fait 26 morts, dont 20 enfants.

« C’est voué à l’échec parce que le bureau du vice-président n’a pas assez d’influence, il faut donc que le président lui-même déploie tous ses pouvoirs pour y arriver », dit le professeur de l’Université McGill.

Après chaque tuerie aux États-Unis, des voix s’élèvent pour appeler à un meilleur contrôle des armes à feu. Cela arrivera-t-il un jour ?

« Oui, à partir du moment où les démocrates s’imposent au Congrès et à la Maison-Blanche. Quand même, il y aura toujours les juges fédéraux ultraconservateurs qui s’y opposeront farouchement », observe Jason Opal.

Francis Langlois estime que de « façon majoritaire », les Américains sont favorables à un plus grand contrôle des armes à feu.

« Les États plus conservateurs sont mieux représentés à Washington, donc toute législation en faveur d’un meilleur contrôle, depuis la fin des années 90 jusqu’à aujourd’hui, a été bloquée au niveau fédéral », dit-il.

« Il y a eu peu d’avancées et, au contraire, plus d’États ont relâché le contrôle des armes à feu de façon générale », conclut le professeur, qui estime que « la tendance est plutôt à la déréglementation ».

Avec l’Agence France-Presse

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  • 45 %
    Proportion de foyers américains possédant des armes à feu en 2022
    Source : Gallup