(Washington) Joe Biden a plaisanté au sujet de son âge, tenté de le passer sous silence, suggéré qu’il lui conférait la sagesse. Las, à un an de la présidentielle américaine, la question revient sans cesse sur le tapis.

Le démocrate de 80 ans est déjà le président le plus âgé de l’histoire américaine et, s’il remportait un second mandat, il aurait 86 ans au moment de quitter la Maison-Blanche.

Il a cafouillé. Il a trébuché, la passerelle d’Air Force One se révélant particulièrement traîtresse pour le patron de la Maison-Blanche. Ces incidents ont inondé les réseaux sociaux et fait le miel de ses rivaux républicains.

D’après les sondages, il s’agit d’un gros sujet de préoccupation pour les Américains qui se demandent ce qu’il se passerait si leur commandant-en-chef était dans l’incapacité d’assumer ses fonctions, voire pire. Des inquiétudes qui brouillent les messages politiques du camp démocrate.

Son rival probable Donald Trump a 77 ans, soit trois ans de moins seulement, mais les électeurs ne semblent pas aussi inquiets.

Dans une récente enquête ABC/Washington Post, 74 % des personnes interrogées estiment que le président actuel est trop vieux pour un second mandat contre 50 % qui pensent la même chose de Donald Trump.

Un leitmotiv qu’on retrouve dans plusieurs sondages récents alors même que le favori des primaires républicaines, grand-père de dix petits-enfants, deviendrait en cas de victoire le deuxième président le plus âgé après Biden, sept petits-enfants.

Cette focalisation sur l’âge est injuste, juge S. Jay Olshansky, qui étudie la longévité à l’université de l’Illinois. « Vieillir, ce n’est plus la même chose qu’avant », dit-il à l’AFP.

« Sagesse »

« De larges pans de la population survivent jusqu’à leur huitième décennie parfaitement capables d’être président ou de faire tout ce qu’ils veulent », poursuit-il. « Au contraire, le vieillissement chronologique est synonyme de sagesse, de connaissance et d’expérience ».  

Il n’empêche qu’à mesure que le temps politique s’accélérera, l’âge du capitaine sera dans le viseur de tous.  

L’année prochaine, Joe Biden devra convaincre les gens qu’il est en pleine forme en faisant campagne « au moins cinq jours par semaine », écrivent William Galston et Elaine Kamarck dans un commentaire publié par le Brookings Institute.

Son dernier bilan de santé, en février, le décrivait comme « vigoureux », mais sa démarche est devenue nettement plus hésitante et sa voix n’est souvent plus qu’un murmure difficilement audible.

Ses chutes, y compris de vélo, sont diffusées dans le monde entier. Il emprunte désormais la passerelle – plus courte – qui se déplie à partir du ventre de l’avion présidentiel pour éviter de trébucher encore.  

Ses gaffes font jaser, comme ses réponses décousues sur des films de John Wayne ou lorsqu’il a dit qu’il voulait se coucher pendant une conférence de presse.

Mais le président sortant, affecté depuis toujours par un bégaiement, commence à se rebiffer.  

Il a déclaré plusieurs fois qu’il avait 800 ans sur le ton de la plaisanterie. Lorsqu’il a trébuché récemment en montant sur une scène à Philadelphie, il s’est agrippé plusieurs secondes à une rampe, provoquant les rires de l’assistance.

Le conflit entre Israël et le Hamas et en Ukraine ont aussi été l’occasion pour Joe Biden de proclamer les bienfaits d’un demi-siècle d’expérience de la politique étrangère.

« Super-séniors »

Donald Trump, qui s’est livré à des imitations grossières de son rival, n’est pas non plus exempt de gaffes.

L’ex-président a déclaré en septembre que les États-Unis étaient au bord de la « Seconde Guerre mondiale », qui prit fin en 1945, peu après avoir accusé Joe Biden de « déficience cognitive ».

En octobre, l’équipe de campagne de Joe Biden a diffusé une liste des faux pas de Donald Trump, comme lorsqu’il avait déclaré que le premier ministre hongrois Viktor Orban dirigeait la Turquie.

Quoi qu’il en soit, Biden comme Trump sont vraisemblablement des « super-séniors », terme utilisé par les chercheurs pour décrire les gens qui conservent leurs facultés très tard dans la vie, estime S. Jay Olshansky.

Ce dernier a lui-même découvert que pour les présidents américains, « le temps biologique semble s’écouler plus lentement » que pour le reste de la population.  

Mais la vice-présidente Kamala Harris, 59 ans, appelée à remplacer le chef de l’État en cas de malheur, est aussi une cible privilégiée des républicains.

Elle est la première femme, première personne noire et première personne d’origine d’Asie du Sud à ce poste, mais selon un sondage Yahoo/YouGov publié en mai, seuls 35 % des Américains estiment qu’elle est prête à devenir présidente.

Au bout du compte, les électeurs pourraient considérer que l’âge ne compte pas.  

« Je n’ai jamais pensé au truc de l’âge », dit Olivia Besgrove, une infirmière du Missouri de 23 ans qui penche du côté républicain. « Je veux juste quelqu’un qui ait la tête sur les épaules ».