(New York) « C’était un débat au cas où Donald Trump s’étoufferait en mangeant un cheeseburger. »

Lawrence O’Donnell, animateur de la chaîne d’information continue MSNBC, a offert ce résumé un peu macabre du troisième affrontement télévisé entre les principaux adversaires de Donald Trump dans la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024.

Autrement dit, ce qui s’est passé mercredi soir dernier à Miami n’aurait aucune importance, sauf si l’éléphant qui n’était pas dans la pièce mourait de façon inattendue. Et la raison n’aurait rien d’un mystère : l’ancien président jouit d’une avance considérable dans les sondages qui mesurent les intentions de vote des républicains à l’échelle des États-Unis ou dans les premiers États qui tiendront des caucus et des primaires au début de 2024, dont l’Iowa, le New Hampshire et la Caroline du Sud.

Mais la grande faucheuse n’est pas la menace la plus pressante qui plane sur Donald Trump.

Une de ses plus grandes vulnérabilités demeure les procès criminels dont il fait l’objet et qui pourraient le fragiliser au beau milieu de cette course à l’investiture dont Lawrence O’Donnell et d’autres observateurs prétendent peut-être à tort qu’elle est déjà réglée.

D’où la nécessité de s’intéresser aux débats républicains, malgré tout. Car ceux-ci jouent un rôle important dans la course que se livrent actuellement Ron DeSantis et Nikki Haley pour devenir LA solution de rechange à Donald Trump. À telle enseigne que l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud menace de ravir ce statut au gouverneur de Floride, après avoir été déclarée gagnante des trois premiers débats.

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Les candidats à l’investiture républicaine pour la présidentielle, lors du débat du 8 novembre dernier à Miami. Dans l’ordre : Chris Christie, Nikki Haley, Ron DeSantis, Vivek Ramaswamy et Tim Scott.

Il s’agit d’un retournement de situation remarquable. Au début de l’année, fort de sa réélection éclatante en Floride, Ron DeSantis faisait rêver de nombreux électeurs et donateurs républicains en quête d’un candidat capable de poursuivre les politiques de Donald Trump avec la compétence et la discipline qui, selon eux, faisaient défaut à ce dernier. En revanche, Nikki Haley était perçue comme une politicienne opportuniste qui n’était plus en phase avec le Parti républicain de Donald Trump.

Opportunisme

Les exemples de cet opportunisme étaient aussi nombreux que spectaculaires. En voici trois.

En 2016, alors qu’elle se trouvait à mi-chemin de son deuxième mandat au poste de gouverneure de Caroline du Sud, elle a appuyé la candidature présidentielle du sénateur républicain de Floride, Marco Rubio, en dénonçant la complaisance de Donald Trump à l’égard de l’ancien grand sorcier du Ku Klux Klan, David Duke. « Je ne m’arrêterai pas jusqu’à tant que nous battions un homme qui a choisi de ne pas désavouer le KKK. Cela n’est pas digne de notre parti. Ce n’est pas qui nous voulons comme président », a-t-elle dit. Quelques mois plus tard, elle a accepté un poste prestigieux au sein de l’administration Trump : ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies.

Après l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole, elle a déclaré que Donald Trump avait « perdu toute viabilité politique ». Critiquée de façon féroce par les partisans de l’ancien président, elle est revenue plus tard sur cette déclaration, affirmant qu’elle ne briguerait pas la Maison-Blanche en 2024 « si le président Trump se présente ». Le 14 février 2023, soit quatre mois après l’annonce de la candidature présidentielle de son ancien patron, elle s’est lancée à son tour dans la course à la Maison-Blanche.

L’adversaire la plus dangereuse

Ces jours-ci, Nikki Haley, 51 ans, promet la « vérité crue » aux électeurs. Et de nombreux Américains rêvent d’elle à la présidence. Dans les sondages qui opposent Joe Biden à des candidats républicains hypothétiques, elle obtient toujours de meilleurs résultats que Donald Trump ou Ron DeSantis.

En fait, selon le sondage The New York Times/Siena College qui a terrifié de nombreux démocrates la semaine dernière, elle devance le président par 13 points de pourcentage dans le seul État clé sur six où ce dernier devance Donald Trump (le Wisconsin).

Un tel résultat explique sans doute pourquoi l’entourage de Joe Biden a longtemps considéré – ou considère encore – Nikki Haley comme l’adversaire la plus dangereuse.

Chose certaine, cette fille d’immigrés indiens issue de la génération X a un talent politique qui semble faire défaut à Ron DeSantis. Cela ressort notamment lors des débats. Elle défend ses idées de façon fluide et assurée, et attaque ses rivaux de manière efficace et parfois dévastatrice. Contrairement au gouverneur de Floride, elle est également dotée d’un certain sens de l’humour.

Ainsi, quand l’entrepreneur Vivek Ramaswamy l’a accusée d’être « Dick Cheney avec des talons de trois pouces », elle a tenu à rectifier qu’elle portait en fait des talons de cinq pouces. « Ce n’est pas pour la mode, ce sont des munitions », a-t-elle précisé.

Mais il reste que ses idées de « faucon » en matière de politique étrangère ne correspondent pas à l’isolationnisme croissant des trumpistes. Elle ne défend pas seulement l’aide militaire à Israël, mais également à l’Ukraine. Et elle prône une approche plus musclée, voire belliqueuse, vis-à-vis de la Chine et de l’Iran. Sa politique nuancée en matière d’avortement – elle se dit « pro-vie », mais respectueuse des pro-choix – pourrait également lui nuire dans ces primaires dominées par les électeurs les plus conservateurs du Parti républicain.

Et elle partage avec Ron DeSantis une crainte manifeste d’attaquer Donald Trump pour ses inculpations criminelles, qui ont semblé l’aider auprès des républicains. Tout au plus a-t-elle déploré lors du dernier débat républicain les 8000 milliards de dollars que l’ancien président avait ajoutés à la dette nationale des États-Unis et ses vacillements à l’égard de l’Ukraine. « Je pense qu’il était le bon président au bon moment », a-t-elle déclaré lors du débat. « Je ne pense pas qu’il soit le bon président aujourd’hui. »

Du haut de ses talons de cinq pouces, Nikki Haley attend peut-être le bon moment pour sortir ses munitions.

Le sénateur Tim Scott se retire de la course

Le candidat républicain à la présidentielle de 2024, Tim Scott, a annoncé dimanche qu’il se retirait de la course, deux mois avant le vote des caucus de l’Iowa. Le sénateur de Caroline du Sud a fait cette annonce surprise lors de l’émission Sunday Night in America. L’annonce a été si brutale qu’un collaborateur de la campagne ayant requis l’anonymat a affirmé que le personnel de la campagne avait appris la nouvelle en regardant l’émission. « Quand je retournerai dans l’Iowa, ce ne sera pas en tant que candidat à la présidence. Je suspends ma campagne. Je pense que les électeurs, qui sont les personnes les plus remarquables de la planète, ont été très clairs sur le fait qu’ils me disent : “Pas maintenant, Tim” », a déclaré M. Scott, dimanche.

Associated Press