(Washington) La Cour suprême américaine a annoncé mercredi se saisir de la question de la pilule abortive, utilisée dans plus de la moitié des avortements aux États-Unis et faisant l’objet d’une intense bataille judiciaire.

La haute cour devra se prononcer sur une décision d’une cour d’appel ayant rétabli des restrictions à l’utilisation de la pilule abortive, qui pourrait s’appliquer à l’ensemble des États américains, mais qui est pour le moment suspendue.

La Cour suprême, institution qui tranche les grands débats de société aux États-Unis, devrait étudier le dossier dans les prochains mois pour rendre une décision d’ici la fin de sa session annuelle, en juin 2024.

Il s’agira de l’intervention la plus importante de la Cour, actuellement à majorité conservatrice, sur la question de l’avortement depuis qu’elle a annulé la garantie constitutionnelle à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en juin 2022, provoquant un séisme dans le pays.

La Maison-Blanche n’a pas tardé à réagir.

« Le président Biden et la vice-présidente restent fermement engagés à défendre l’accès des femmes aux soins en matière de procréation », a déclaré mercredi sa porte-parole Karine Jean-Pierre dans un communiqué.

Si la décision de la cour d’appel, en août à La Nouvelle-Orléans, était confirmée, cela se traduirait notamment par un retour à une limite maximum de sept semaines de grossesse au lieu de dix pour bénéficier d’une IVG, une interdiction de l’envoi de la pilule abortive par la poste et le rétablissement de l’obligation de prescription exclusivement par un médecin.

Juge texan

La question est celle de l’accès à la mifépristone (RU 486) qui, combinée à un autre cachet, a été utilisée par 5,6 millions de femmes depuis son agrément par l’Agence américaine du médicament (FDA) en 2000.

Le casse-tête judiciaire a commencé lorsqu’un juge fédéral du Texas, nommé par Donald Trump et connu pour sa foi chrétienne ainsi que ses positions ultraconservatrices, a retiré le 7 avril l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone après avoir été saisi par des militants anti-avortement.

En dépit du consensus scientifique, il a estimé qu’elle présentait des risques pour la santé des femmes.

La Cour d’appel fédérale de La Nouvelle-Orléans a ensuite permis que la pilule abortive reste autorisée, mais en limitant les options d’accès accordées par la FDA au fil des ans.

C’est cette décision, pour l’instant suspendue, qui sera étudiée au fond par les neuf sages à Washington, à la demande du gouvernement du démocrate Joe Biden et du fabricant de la pilule, le laboratoire Danco.

PHOTO CHARLIE NEIBERGALL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Bouteilles de comprimés de mifépristone et de misoprostol

« Nous espérons que les juges vont maintenir l’autorité scientifique de la FDA dans ce dossier sans fondement », a également réagi le réseau d’information sur les pilules abortives Plan C. « Mais la composition actuelle de la Cour » et sa décision de juin 2022 « n’augurent pas une bonne décision ».

La FDA « a placé la politique devant son devoir de protéger la santé et la sécurité, avec des résultats dramatiques », a réagi Katie Daniel, de l’organisation Susan B. Anthony, opposée au droit à l’avortement. « La FDA n’est pas au-dessus de la loi, et la justice doit être rendue pour les dégâts qu’elle a causés », a-t-elle ajouté.

Fuite du Texas

Le 24 juin 2022, la Cour suprême, à majorité conservatrice à la suite des nominations décidées sous la présidence de Donald Trump, a annulé son arrêt Roe c. Wade qui garantissait depuis 1973 le droit des Américaines à avorter, et a rendu à chaque État sa liberté de légiférer en la matière.

Depuis, le pays est fracturé entre la vingtaine d’États ayant interdit ou strictement restreint l’accès à l’avortement, principalement situés dans le sud et le centre du pays, et ceux des côtes qui ont adopté de nouvelles garanties.

En début de semaine, une Texane à la grossesse risquée a dû quitter le Texas, où les IVG sont interdites sauf de rares exceptions, pour pouvoir avorter, car son fœtus est atteint d’une anomalie chromosomique associée à des malformations graves. Le fait qu’elle ait dû quitter son État pour « recevoir les soins dont elle a besoin » est « scandaleux », a jugé mardi Joe Biden.

Plus de la moitié des avortements aux États-Unis en 2020 étaient médicamenteux, selon l’institut Guttmacher, spécialiste du sujet. Les avortements utilisant mifépristone et misoprostol dans le délai autorisé sont très sûrs et efficaces, martèlent tous les experts.