(New York) Et de deux. Après la Cour suprême du Colorado, la secrétaire d’État du Maine s’est appuyée à son tour sur un article du 14e amendement de la Constitution américaine pour disqualifier Donald Trump de la primaire républicaine de son État.

Élue sous la bannière démocrate, Shenna Bellows a conclu que l’ancien président des États-Unis était inéligible en vertu de l’article 3 de cet amendement, qui interdit à toute personne ayant participé à une insurrection ou à une rébellion de briguer une fonction gouvernementale.

Sa conclusion concorde avec celle d’une majorité de quatre des sept juges de la Cour suprême du Colorado, dont la décision, rendue le 19 décembre, a fait l’objet d’un appel mercredi par le Parti républicain de cet État.

Elle s’écarte cependant d’une décision rendue plus tard jeudi par la secrétaire d’État de Californie, une autre démocrate, qui a refusé de disqualifier le 45e président de la primaire républicaine de son État.

« Je suis consciente qu’aucun secrétaire d’État n’a jamais privé un candidat à la présidence de l’accès au scrutin sur la base de l’article 3 du 14e amendement. Je suis également consciente, cependant, qu’aucun candidat à la présidence ne s’est jamais engagé dans une insurrection », écrit la secrétaire d’État du Maine dans une décision de 34 pages.

« Les évènements du 6 janvier 2021 étaient sans précédent et tragiques, ajoute-t-elle. Ils ont constitué une attaque non seulement contre le Capitole et les représentants du gouvernement, mais aussi contre l’État de droit. Les preuves démontrent qu’ils se sont produits sur l’ordre du président sortant, avec sa connaissance et son soutien. »

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Shenna Bellows, secrétaire d’État du Maine

La Constitution des États-Unis ne tolère pas que l’on s’attaque aux fondements de notre gouvernement, et [la loi du Maine] m’oblige à agir en conséquence.

Extrait de la décision de Shenna Bellows

Cette décision intervient après une audition tenue le 15 décembre dernier et découle d’une loi permettant aux électeurs du Maine de déposer des objections auprès du secrétaire d’État sur l’éligibilité des candidats. Trois objections concernant Donald Trump ont alors été entendues.

« Interférence électorale », plaide le camp Trump

Le grand favori de la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024 a cinq jours pour en appeler de la décision de la secrétaire d’État du Maine devant la Cour supérieure de l’État. Le porte-parole de sa campagne, Steven Cheung, a indiqué que le candidat passerait à l’action sous peu pour faire invalider cette « interférence électorale ».

« Les démocrates des États bleus suspendent de manière imprudente et anticonstitutionnelle les droits civils des électeurs américains en tentant de retirer sommairement le nom du président Trump des bulletins de vote », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Ne vous y trompez pas, ces efforts d’ingérence électorale partisane sont un assaut hostile contre la démocratie américaine.

Steven Cheung, porte-parole de la campagne de Donald Trump

En attendant l’appel de Donald Trump, trois des électeurs du Maine qui ont contesté l’éligibilité de l’ancien président se sont réjouis de sa disqualification. Ces électeurs ont en commun d’être d’anciens parlementaires démocrates du Maine.

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Des partisans de Donald Trump, lors de l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole

« La secrétaire d’État Bellows a fait preuve d’un grand courage dans sa décision, et nous sommes impatients de l’aider à défendre sa décision judicieuse et correcte devant les tribunaux, ont-ils déclaré dans un communiqué jeudi. Aucun élu n’est au-dessus de la loi ou de notre Constitution, et la décision d’aujourd’hui réaffirme le plus important des principes américains. »

La primaire républicaine du Maine est prévue le 5 mars 2024, date d’un « Super Mardi » où plusieurs autres États tiendront des primaires, notamment le Colorado.

L’éligibilité de Donald Trump fait l’objet de contestations dans plusieurs autres États. Plus tôt cette semaine, la Cour suprême du Michigan a bloqué une tentative de disqualifier le candidat républicain de la primaire de son parti dans cet État du Midwest.

Elle ne s’est cependant pas prononcée sur la question de savoir si Donald Trump avait participé à une insurrection, se contentant d’affirmer que la loi du Michigan ne donnait pas aux responsables électoraux de l’État le pouvoir de peser sur l’éligibilité des candidats aux primaires présidentielles.

Cette décision laisse présager que le même tribunal pourrait avoir à se prononcer sur l’éligibilité de Donald Trump à l’élection présidentielle de novembre 2024, qui ne relève pas des partis.

Le chaos plane

Au Colorado, la décision de la Cour suprême de l’État sera suspendue pendant la procédure d’appel, de sorte que le nom de Donald Trump apparaîtra probablement sur les bulletins de vote qui seront utilisés à l’occasion de la primaire républicaine et qui doivent être imprimés à partir du 5 janvier.

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La Cour suprême du Colorado a décidé d’écarter la candidature de Donald Trump dans l’État en raison de son implication dans l’assaut du Capitole.

La Cour suprême des États-Unis pourrait évidemment mettre fin à cette incertitude en rendant une décision rapide sur cette affaire. Chose certaine, elle peut difficilement s’en désintéresser, compte tenu du chaos dans lequel les décisions contradictoires des États risquent de plonger le pays en pleine année électorale.

L’article 3 du 14e amendement a été adopté en 1866 et ratifié en 1868, dans la foulée de la guerre de Sécession. Il visait à l’origine à empêcher les rebelles sudistes d’occuper des fonctions gouvernementales. En 2022, il a été invoqué par un juge du Nouveau-Mexique contre Couy Griffin, qui avait été reconnu coupable d’intrusion en lien avec l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole. Griffin a été disqualifié du poste de commissaire de comté qu’il occupait.

Cet article n’a cependant jamais été invoqué pour exclure un candidat à la présidence, ancien président de surcroît.

Jared Golden, représentant démocrate de la 2e circonscription du Maine et réputé pour ses opinions centristes, voire conservatrices, a formulé une critique de la décision de la secrétaire d’État du Maine que retiendra peut-être une majorité des juges de la Cour suprême des États-Unis.

« J’ai voté pour la mise en accusation de Donald Trump pour son rôle dans l’insurrection du 6 janvier. Je ne crois pas qu’il devrait être réélu à la présidence des États-Unis. Cependant, nous sommes une nation de lois, donc jusqu’à ce qu’il soit reconnu coupable du crime d’insurrection, il devrait être autorisé à participer au scrutin », a-t-il écrit dans un message diffusé sur X.