Le juge présidant le procès civil de Donald Trump s’ajoute à la liste des personnalités victimes de faux appels d’urgence

Une alerte à la bombe nécessitant le déplacement d’une escouade spécialisée a visé jeudi matin le domicile du juge Arthur Engoron, qui préside le procès civil de 370 millions US de Donald Trump à New York.

Selon CNN, une équipe a passé une partie de la journée au domicile du juge. La sécurité autour de ce dernier a aussi été renforcée.

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Le juge Arthur Engoron, jeudi, lors du procès pour fraude de Donald Trump à New York

Des centaines de menaces « sérieuses et crédibles » ont été reçues par le juge et son assistante juridique depuis le début du procès de Trump. « L’assistante juridique d’Engoron reçoit de 20 à 30 appels par jour sur son téléphone portable personnel, et 30 à 50 messages par jour sur les plateformes de médias sociaux et sur deux adresses électroniques personnelles », précise le média.

Il s’agit du plus récent incident de swatting, une pratique qui consiste à faire intervenir les services d’urgence sans raison valable afin de nuire à une personne ou à une organisation.

« Il y a eu énormément de cas de swatting aux États-Unis durant les Fêtes », signale Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

Vous avez des services de police qui arrivent et qui défoncent la porte des gens, des législateurs, car ils ont reçu un faux appel d’urgence. C’est très dangereux.

Rafael Jacob, de la Chaire Raoul-Dandurand

Parmi les personnes visées par de tels incidents ces dernières semaines, on retrouve la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene, la mairesse de Boston, Michelle Wu, et le sénateur républicain Rick Scott, notamment.

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La représentante républicaine Marjorie Taylor Greene

En 2020, un cas de swatting concernant une fausse prise d’otages avait déclenché une opération policière dans les locaux d’Ubisoft à Montréal. L’an dernier, un citoyen français de 22 ans a été condamné en France à trois ans de travaux communautaires en lien avec cet évènement.

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Policiers près des bureaux d’Ubisoft, en novembre 2020, après qu’un appel a été reçu concernant une fausse prise d’otages

Pour Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s de Kingston, cette pratique est dangereuse, car elle s’attaque directement aux principes fondamentaux du contrat social.

« Une société démocratique veut écarter la violence de la sphère politique. Là, on assiste à une trajectoire où la violence augmente en politique et sert à défendre des intérêts particuliers. C’est très préoccupant. »

M. Leuprecht note que la tendance touche la branche législative et la branche judiciaire, ce qui est particulièrement problématique.

« On s’en prend aux gens qui font les lois et aux gens qui les font respecter. Ça met en cause la primauté du droit. Ce ne sont pas des cibles choisies au hasard. »

Rhétorique de l’ennemi

Rafael Jacob note que le niveau de division entre les « deux camps » aux États-Unis dépasse le simple antagonisme.

« La personne qui ne pense pas comme nous n’est pas seulement un adversaire, elle devient une ennemie, dit-il. Si tu penses que l’autre camp est une menace existentielle pour le pays, tout devient légitime. Tu te dis peut-être qu’une alerte à la bombe, ce n’est pas super, mais que c’est moins grave que de perdre ton pays. C’est malheureusement vu comme un outil de plus qui peut être utilisé par un camp pour attaquer l’autre camp », dit-il.

Il a des doutes quant à une amélioration du climat politique, citant les comparaisons entre Trump et Hitler faites par Biden comme un signe alarmant de tension depuis le début de 2024.

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Donald Trump et Joe Biden, lors d’un débat présidentiel en septembre 2020

M. Jacob compare la rhétorique actuelle à celle d’élections précédentes, comme le duel Obama-Romney en 2012, notant que la rhétorique d’ennemi n’était pas là. « On ne remet pas publiquement en question le patriotisme de l’adversaire. »

Quand on commence en janvier et que la tension est à 15 sur une échelle de 10, ça va être quoi, rendu en novembre ?

Rafael Jacob, de la Chaire Raoul-Dandurand

Christian Leuprecht signale que l’élection présidentielle du 5 novembre prochain aura des conséquences fondamentales pour les adversaires de l’Occident, comme l’Iran, la Chine et la Russie.

« On assistera à une polarisation sociale qu’on n’a jamais vue avant, dit-il. Je m’inquiète de l’utilisation de l’intelligence artificielle pour manipuler les opinions, pour diffuser de la désinformation. La Chine utilise l’IA de façon massive à Taïwan, c’est son laboratoire d’expérimentation. J’appréhende l’utilisation de l’IA pour tenter d’influencer les élections américaines, et aussi les élections canadiennes qui viendront au plus tard en 2025. Je crains qu’on n’ait pas de plans pour y faire face. »