(Des Moines, Iowa) À deux pas de Deedee Kaiser, Donald Trump se prête au jeu des autographes et des égoportraits avec des dizaines de partisans, encadré par des gardes du corps. Il vient tout juste de participer à une assemblée citoyenne à Des Moines, capitale de l’Iowa, diffusée par Fox News.

« Je pense qu’il va tout gagner, à moins que quelqu’un n’essaie de l’éliminer physiquement », confie la préposée au service alimentaire d’une résidence pour personnes âgées, en observant son candidat préféré. « Vous voyez ce que je veux dire ? Et je pense que nous aurions une guerre civile. »

Une guerre civile ?

PHOTO HAIYUN JIANG, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

L’ancien président Donald Trump signant des autographes après son passage à une assemblée citoyenne à Des Moines, mercredi

Pendant que l’ancien président continue à poser pour les caméras et à mettre sa griffe sur des casquettes rouges portant le nom de son mouvement, la femme de 60 ans s’explique.

« Ils l’attaquent par tous les moyens », dit-elle en imputant aux démocrates la responsabilité des démêlés de Donald Trump avec la justice. « Si cela ne marche pas, il ne leur restera plus que la violence. Cela me préoccupe vraiment. J’espère qu’il est bien protégé. Je prie pour que cela n’arrive pas. C’est ma plus grande inquiétude. »

Tous les quatre ans, en janvier, l’attention des États-Unis et d’une partie du monde se tourne vers l’Iowa, État rural du Midwest dont les caucus sont le point de départ d’un marathon électoral qui prend fin avec le scrutin présidentiel. Parfois, l’espoir est au rendez-vous. Or, à la veille des caucus républicains de 2024, ce sentiment est éclipsé par la peur, et pas seulement celle des démocrates qui craignent le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Un pays « en guerre »

« Si Donald Trump perd, notre pays ne sera plus jamais le même. »

PHOTO RICHARD HÉTU, COLLABORATION SPÉCIALE

Jeff Greif, partisan de Donald Trump

Casquette MAGA vissée sur la tête, Jeff Greif fait cette sombre prédiction en attendant l’ouverture des portes de la salle où se tiendra le town hall de Fox News.

L’électricien retraité a roulé pendant deux heures pour couvrir la distance entre Vinton, son lieu de résidence, et Des Moines, où il verra Donald Trump en personne pour la 20e fois.

« C’est une personne extraordinaire. J’adore l’écouter. Il est tellement intelligent », dit l’homme de 66 ans en vantant l’ancien président pour sa défense des cols bleus et sa gestion d’une économie que l’administration Biden « a détruite ».

« L’inflation est tout simplement insensée », dit-il.

Non loin de lui, Debra décrit les États-Unis comme un pays « en guerre » dont « les frontières ouvertes » contribuent au déclin accéléré. Et elle compare Donald Trump au général George Patton, connu presque autant pour sa conduite controversée et parfois erratique que pour ses prouesses militaires pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Le président Trump est le seul à être un guerrier et un leader, et c’est ce dont nous avons besoin à la Maison-Blanche », dit cette bénévole qui revendique 200 000 appels téléphoniques pour Donald Trump en Iowa (et qui préfère taire son nom de famille).

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Debra, partisane de Donald Trump

Comme le général Patton, [Trump] n’a pas toujours une conduite et un langage irréprochables. Mais le général Patton a gagné la guerre et nous savons que si le président Trump est élu, il gagnera cette guerre. Les démocrates et la gauche le savent aussi.

Debra, partisane de Donald Trump

Debra jure que la « guerre » dont elle parle exclut tout scénario de violence. Or, lorsqu’on évoque devant elle l’attaque contre le Capitole par des partisans de Donald Trump, sa réponse fuse : « Premièrement, l’élection a été volée. »

La lutte pour la deuxième place

Le gagnant des caucus républicains d’Iowa ne semble faire aucun doute. Selon la moyenne des sondages du site RealClearPolitics, Donald Trump jouit d’une avance supérieure à 30 points. La question est de savoir qui finira deuxième de ce scrutin qui se déroulera par un froid polaire.

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Passants affrontant le froid à Iowa City, samedi

Une troisième place pourrait être fatale au gouverneur de Floride Ron DeSantis, qui misait sur une bonne performance en Iowa pour s’imposer comme la solution de rechange à l’ancien président. Or, ce rôle pourrait revenir à l’ex-gouverneure de Caroline du Sud Nikki Haley.

Chose certaine, les derniers rassemblements de la candidate de 51 ans ont attiré des foules plus nombreuses que celles de son rival de 45 ans. Des foules au sein desquelles Donald Trump inspire une autre sorte de peur.

PHOTO CHRISTIAN MONTERROSA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Rassemblement de la candidate Nikki Haley à Iowa City, samedi

« Je ne pense pas que Trump puisse gagner l’élection présidentielle », dit Greg Crawford avant un rassemblement de Nikki Haley à Ankeny, en banlieue de Des Moines. « S’il a perdu en 2020, c’est parce que beaucoup de personnes le détestent. Et cela n’a pas changé depuis », ajoute ce technicien d’équipements bancaires qui refuse de se fier aux sondages récents.

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Greg Crawford, partisan de Nikki Haley

Si je pensais que [Trump] pouvait gagner, je voterais à nouveau pour lui. Mais je ne pense pas qu’il ait une chance.

Greg Crawford, partisan de Nikki Haley

Rick Kimberley, important fermier de la région – il a accueilli le président chinois Xi Jinping dans sa ferme en 2012 –, entretient les mêmes doutes au sujet de Donald Trump.

« Nous devons ramener un peu d’unité dans la politique aux États-Unis. Je pense que Nikki Haley est probablement la seule à pouvoir le faire », dit-il en souhaitant qu’une deuxième place en Iowa propulse la candidate vers la victoire à l’occasion de la primaire républicaine du New Hampshire, le 23 janvier.

« On ne sait jamais… »

L’unité ne semble pas être la priorité de Ron DeSantis. Jeudi, lors d’un rassemblement à Clive, en banlieue de Des Moines, un de ses soutiens l’a présenté à la foule en déclarant que « personne, franchement, n’a collecté autant de sacs mortuaires contenant nos ennemis que Ron DeSantis ».

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Laura Hannam, partisane de Ron DeSantis

Dans l’auditoire, Laura Hannam espérait trouver dans le gouverneur de Floride une solution de rechange à Donald Trump, dont le rôle dans les évènements qui ont mené au 6 janvier 2021 l’a discrédité à ses yeux.

« Notre gouverneure [Kim Reynolds] le soutient », a déclaré l’hygiéniste dentaire de 58 ans. « Elle est une gouverneure très populaire et son choix a contribué à mon intérêt pour DeSantis. »

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Le candidat Ron DeSantis lors d’un rassemblement à West Des Moines, samedi

Et même si les sondages laissent présager une victoire de Donald Trump lundi soir, Laura Hannam ne tient rien pour acquis.

« On ne sait jamais ce qui peut se passer un soir de caucus. En 2016, tout le monde pensait que Trump l’emporterait, et c’est Ted Cruz, avec une meilleure organisation de terrain, qui a gagné. »

Huit ans plus tard, entre la peur et le froid, l’Iowa prépare son verdict.