(Houston) Il aura fallu 77 interminables minutes aux policiers du Texas pour neutraliser l’auteur de la tuerie de l’école d’Uvalde. Le ministère américain de la Justice a déploré jeudi dans un rapport une « cascade d’échecs » dans la réaction des forces de l’ordre.

Le 24 mai 2022, à 11 h 33, un jeune homme tout juste majeur, armé d’un fusil d’assaut AR-15, a fait irruption dans une école primaire de cette petite ville tranquille, tuant 19 enfants de 9 à 10 ans, et deux enseignantes de 44 et 48 ans.

L’équipe du ministère qui a conduit l’enquête, lancée à la demande du maire d’Uvalde dès les jours qui ont suivi, a « identifié plusieurs échecs critiques avant, pendant et après la fusillade », selon son rapport de plus de 550 pages, publié jeudi.

Elle pointe une « cascade d’échecs de commandement, de prise de décision, de tactique, de politique et d’entraînement qui ont contribué à ces échecs et manquements ».

« 77 minutes après l’arrivée des premiers policiers et après 45 tirs de l’auteur de la fusillade, il a été tué », a résumé le ministre de la Justice Merrick Garland, lors d’une conférence de presse à Uvalde.

« Quelques minutes après être arrivés à l’intérieur de l’école, les agents sur place ont basculé du traitement d’une situation de tireur en action à celle d’un forcené. C’est l’échec le plus conséquent », a-t-il souligné.

En raison de cette posture attentiste, pendant plus d’une heure « des élèves et des enseignants blessés et effrayés sont restés piégés avec le suspect dans deux salles de classe en attendant les secours », a rappelé le ministre, égrenant gravement chacun des moments clés où les policiers ont manqué de reprendre l’initiative.

Arme de guerre

PHOTO ERIC GAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’artiste Abel Ortiz faisait visiter mercredi à Merrick Garland, procureur général des États-Unis, des peintures murales représentant des victimes de la fusillade d’Uvalde.

À la suite de la tuerie, le délai d’intervention de la police pour faire cesser le massacre avait provoqué la colère et l’incompréhension, les agents sur place attendant l’assaut d’une unité spécialisée.  

Et ce, alors que les forces de l’ordre avaient reçu de nombreux appels de personnes se trouvant dans les salles de classe touchées, dont celui d’une enfant implorant : « S’il vous plaît, envoyez la police maintenant ».

« Nos enfants méritent mieux que de grandir dans un pays ou une personne de 18 ans peut avoir facilement accès à une arme qui a sa place sur un champ de bataille, mais pas dans une salle de classe », a poursuivi Merrick Garland.

« Aucun service de police ou communauté ne peut être certain que ce qu’il s’est passé ici, ou à Newtown, ou à Parkland, ou à Columbine ne se produira pas chez eux. C’est notre réalité », a renchéri la vice-ministre de la Justice, Vanita Gupta, en référence aux tueries dans des établissements scolaires qui ont traumatisé le pays depuis 25 ans.

« Ce rapport propose 273 recommandations » pour y faire face, a-t-elle indiqué.

Il a été réalisé à partir de 260 entretiens et de neuf visites, soit 54 jours sur place, et l’analyse de plus de 14 100 documents, selon le ministère.

Le président démocrate Joe Biden a réagi dans un communiqué en exhortant de nouveau à endiguer « l’épidémie de violence par armes à feu ».

Il a pressé le Congrès, dont les républicains contrôlent l’une des deux chambres, de « voter des lois de bon sens pour prévenir ces tueries », plaidant pour l’instauration de la vérification systématique des antécédents des acheteurs d’armes et l’interdiction des fusils d’assaut.

Adrian Alonzo, l’oncle d’une des victimes, Eliahna « Ellie » Amyah Garcia, 9 ans, a confié à l’AFP n’avoir pas appris grand-chose de ce rapport et a dit espérer que les responsables répondent de leurs actes, par des poursuites pénales ou des sanctions.

Kimberly Mata-Rubio, qui a perdu sa fille Alexandria « Lexi » Aniyah Rubio, 10 ans, dans la tragédie, a également indiqué souhaiter « des limogeages et des inculpations ».

En 2022, une commission d’enquête parlementaire texane avait recensé près de 400 agents de différents services de police intervenus à Uvalde.

Son rapport dénonçait une situation « chaotique », une absence de commandement et des policiers « apathiques ». Le chef de la police du district scolaire d’Uvalde avait été limogé en août 2022.