(New York) Nikki Haley a attribué à une « taupe démocrate » la question qui a englué sa campagne présidentielle pendant quelques jours, fin décembre. « Quelle a été la cause de la guerre civile des États-Unis ? », lui a demandé un homme lors d’une assemblée au New Hampshire.

Pour emprunter l’expression de Ron DeSantis – qui était jusqu’à dimanche l’un de ses rivaux pour l’investiture républicaine –, l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud a servi une « salade de mots incompréhensible » en guise de réponse. Mais l’esclavage, cause de ce terrible conflit également appelé guerre de Sécession, ne s’y trouvait pas.

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Qu’elle ait été posée ou non par un agent ennemi, la question sert à illustrer un fait étonnant : des vestiges du XIXsiècle – l’esclavage, la guerre civile et l’un des amendements constitutionnels de la Reconstruction – pèsent sur la campagne présidentielle de 2024 avec, en filigrane, le racisme, ce vieux démon.

Comme l’écrivait William Faulkner, l’un des grands écrivains du Sud, dans Le bruit et la fureur : « Le passé n’est jamais mort, il n’est même pas passé. »

À l’instar du gouverneur de Floride, Donald Trump a ridiculisé la réponse de Nikki Haley.

« Je dirais que l’esclavage est la réponse évidente, contrairement à environ trois paragraphes de bullshit », a-t-il dit crûment devant des partisans de l’Iowa.

Une guerre « négociée » ?

Or, quelques jours plus tard, l’auteur de Trump : The Art of the Deal a provoqué une polémique de son cru en affirmant que la guerre civile « aurait pu être négociée ».

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L’ancien président républicain Donald Trump

Après avoir évoqué le bilan de ce conflit « si fascinant, si horrible » – plus de 620 000 soldats ont été tués –, il a déclaré que les pertes humaines auraient pu être évitées si Abraham Lincoln avait « négocié » la guerre civile.

« S’il l’avait négociée, vous ne sauriez probablement pas qui est Abraham Lincoln », a-t-il ajouté lors d’un rassemblement en Iowa.

Liz Cheney a vite dénoncé cette hypothèse qualifiée d’« historiquement ignorante » par l’historien David Blight.

« Quelle partie de la guerre civile aurait pu être négociée ? », a demandé l’ancienne représentante républicaine du Wyoming sur le réseau social X. « La partie sur l’esclavage ? La partie sur la sécession ? Lincoln aurait-il dû préserver l’Union ? Question pour les membres du GOP – le parti de Lincoln – qui ont soutenu Donald Trump : comment pouvez-vous défendre cela ? »

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Tim Scott, sénateur républicain de Caroline du Sud

Ron DeSantis, lui, a été pris à partie par l’unique sénateur noir du Parti républicain, Tim Scott, sur la question de l’esclavage. Au début de sa campagne présidentielle, le gouverneur de Floride, qui s’est désisté dimanche, a défendu une nouvelle directive concernant l’enseignement de l’histoire afro-américaine dans les écoles de son État. En vertu de cette directive, les élèves doivent apprendre que l’esclavage a permis aux personnes asservies de « développer des compétences qui, dans certains cas, pouvaient être appliquées pour leur bénéfice personnel ».

« L’esclavage consistait en réalité à séparer les familles, à mutiler les êtres humains et même à violer leurs femmes. C’était tout simplement dévastateur », a déclaré le sénateur de Caroline du Sud.

Biden et l’autre « Cause perdue »

Lors d’un discours marquant le troisième anniversaire de l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole, Joe Biden s’est attaqué à un autre révisionnisme. Il a comparé le mythe de la « Cause perdue » inventé par les Sudistes après la guerre de Sécession au « grand mensonge » de Donald Trump sur l’élection présidentielle de 2020.

« Ils ont adopté ce que l’on appelle la ‟Cause perdue”, le mensonge intéressé selon lequel la guerre civile n’était pas une question d’esclavage, mais de droits des États. C’était un mensonge qui a eu des conséquences terribles », a déclaré le président.

Aujourd’hui, nous vivons une deuxième ‟Cause perdue”. Cette fois-ci, le mensonge porte sur l’élection de 2020, l’élection au cours de laquelle vous avez fait entendre vos voix et fait connaître votre pouvoir.

Joe Biden, dans un discours, début janvier

Après la guerre de Sécession, trois amendements constitutionnels – les 13e, 14e et 15e – ont lancé la période de Reconstruction. Le 14e, qui garantissait la citoyenneté aux Afro-Américains et leur accordait le droit de vote, contenait aussi un article clé. Il s’agit de l’article 3, qui interdit à toute personne ayant prêté serment de soutenir la Constitution d’exercer une fonction gouvernementale si elle se livre ensuite à une insurrection ou à une rébellion.

La Cour suprême des États-Unis doit ces jours-ci déterminer si cet article disqualifie Donald Trump en raison de son rôle dans les évènements qui ont mené à l’assaut du 6 janvier 2021. Assaut au cours duquel au moins un homme est entré dans le Capitole avec un drapeau confédéré, celui des États esclavagistes pendant la guerre civile.

Trump contre Haley

En attendant le verdict du plus haut tribunal américain, l’ancien président est accusé de renouveler contre Nikki Haley une théorie raciste qu’il a déjà employée contre Barack Obama. Il a diffusé sur Truth Social un article affirmant que sa rivale n’était pas éligible à la présidence parce que ses parents d’origine indienne n’étaient pas citoyens américains au moment de sa naissance en Caroline du Sud.

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Nikki Haley

Il a également fait référence à l’ex-ambassadrice par son premier prénom, Nimarata, qu’il a mal orthographié dans un message sur Truth Social, plutôt que par son deuxième prénom.

Nikki Haley a mis sur le compte de l’insécurité de Donald Trump ces attaques jugées racistes par plusieurs médias.

Ce ne serait pas la première fois qu’elle serait la cible de racisme, si l’on se fie à une interview qu’elle a accordée à Fox News la semaine dernière. Mais de là à dire que les États-Unis sont ou ont déjà été un pays raciste, il y a un pas qu’elle refuse de franchir.

« Nous ne sommes pas un pays raciste. Nous n’avons jamais été un pays raciste », a-t-elle dit en répondant à une question de l’intervieweur de Fox News sur le sujet.

Elle parlait des États-Unis, qui ont notamment institutionnalisé et toléré l’esclavage pendant près d’un siècle.