Nouveau tournant dans la course à l’investiture républicaine : le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, a jeté l’éponge dimanche, laissant le champ libre à Nikki Haley pour affronter le grand favori Donald Trump au New Hampshire, mardi. Un désistement qui risque de favoriser encore plus l’ancien président, selon deux experts.

À quoi peut-on s’attendre pour la suite des primaires républicaines ?

« Je m’attends à une victoire facile pour Trump », lance d’emblée Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand. « Je le disais il y a un an, et encore aujourd’hui : pour moi, Ron DeSantis était le seul candidat qui avait le réel potentiel d’unir suffisamment d’électeurs trumpistes et d’acteurs de l’establishment républicain pour créer une coalition assez grande pour battre Trump. »

N’empêche, les prochaines primaires républicaines, notamment au New Hampshire et en Caroline du Sud, opposeront désormais l’ex-président Donald Trump à l’ex-gouverneure de la Caroline du Sud Nikki Haley.

Dans le New Hampshire, cette dernière a des chances de réduire l’écart avec Donald Trump en raison du vote des électeurs indépendants, estime l’analyste en politique américaine Amélie Escobar. « Son défi va être de rallier une partie de l’électorat de Ron DeSantis qui hésite à voter pour Trump », explique-t-elle.

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Dans son discours annonçant son retrait de la course, Ron DeSantis a affirmé qu’il appuyait désormais l’ex-président. « On s’attend à ce que le retrait de Ron DeSantis soit plus favorable à Donald Trump, parce qu’ils partagent une base de l’électorat », renchérit toutefois Mme Escobar.

Pourquoi DeSantis s’est-il retiré maintenant ?

Ron DeSantis avait tout misé sur les caucus en Iowa de lundi dernier, où il s’est retrouvé en deuxième position avec 21 % des voix, contre 51 % pour l’ancien président. Son équipe avait visité les 99 comtés de l’État et frappé à un million de portes, rappelle Rafael Jacob. « Il faut le faire, car Ron DeSantis est aussi un gouverneur en exercice : il a une job à temps plein. »

Qui plus est, l’électorat conservateur et religieux de l’Iowa était fait sur mesure pour le soutenir. Or, la route était plus cahoteuse pour les prochains États où les votes sont prévus. Au New Hampshire, par exemple, les intentions de vote à son endroit étaient de moins de 10 %. « Quel était l’avantage de rester pour lui ? Je n’en voyais aucun », affirme M. Jacob.

« Je ne peux pas demander à nos bénévoles de donner de leur temps et de leur argent si nous n’avons pas un chemin clair vers la victoire », a d’ailleurs justifié Ron DeSantis dans son annonce par vidéo dimanche.

Qu’est-ce qui explique la chute de popularité de Ron DeSantis ?

L’éclat de Ron DeSantis, longtemps considéré comme l’étoile montante du Parti républicain et le principal adversaire de Donald Trump, n’a cessé de s’atténuer dans les derniers mois.

Plusieurs failles dans sa campagne expliquent en partie cette débandade, considèrent les spécialistes. Le fait qu’elle ait débuté plus tard, son annonce manquée sur le réseau social X, des conflits dans l’organisation interne sont tous des facteurs qui ont nui à l’image du gouverneur de la Floride.

Sa personnalité, aussi. « Son manque de charisme a été mis de l’avant, soutient Mme Escobar. Ron DeSantis semble avoir beaucoup de difficultés à connecter avec les gens, il n’a pas su susciter l’enthousiasme. » En résumé, le contraire de Donald Trump.

Le contexte de la politique américaine a-t-il nui à Ron DeSantis ?

Au-delà des enjeux de sa campagne, Ron DeSantis a aussi fait face à un défi de taille : les déboires de Donald Trump face à la justice américaine, analyse M. Jacob.

« Même avec une campagne impeccable, il aurait eu beaucoup de difficultés à battre Donald Trump après la première inculpation, et les autres, observe l’expert. Parce que ça a créé un tel rassemblement tribal des électeurs républicains derrière Donald Trump. La plus grosse composante [de cette course] était hors du contrôle de Ron DeSantis. »

« C’est très difficile dans un contexte tel qu’on le vit aujourd’hui, avec une crise constitutionnelle, démocratique et une division idéologique telle qu’on la voit aux États-Unis en ce moment, renchérit Mme Escobar. On se rend compte que le Parti républicain est pris en otage par un seul homme qui l’a façonné à son image. »

Nikki Haley saura-t-elle rassembler la moitié des électeurs républicains qui ne souhaitent pas voir Donald Trump revenir au pouvoir ?

« Ça va être un défi pour elle de s’imposer comme une candidate qui peut réellement faire de l’ombre à Donald Trump », souligne Mme Escobar. Toutefois, mobiliser une partie de l’électorat républicain et indépendant anti-Trump pourrait soutenir sa campagne.

« La base républicaine d’aujourd’hui n’est pas susceptible de se ranger dans son camp à elle, estime pour sa part M. Jacob. Et la base trumpiste ne sera jamais attirée par elle. »

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