(NEW YORK) Le mois dernier, des élèves de troisième année de l’école publique 103, dans le Bronx, écoutaient leur enseignante Kristy Neumeister leur parler d’un livre, Rain School (L’école de la pluie), qui parle d’enfants d’une région rurale du Tchad, un pays d’Afrique centrale. Chaque année, leur école est balayée par une tempête et doit être reconstruite.

« Qu’est-ce qui cause ces pluies, ces tempêtes et ces inondations ? », a demandé Mme Neumeister.

« Le carbone », a répondu Aiden, un garçon de 8 ans à l’air sérieux.

Mme Neumeister est une des 39 enseignantes de New York qui ont participé l’été dernier à un atelier de quatre jours intitulé « Intégrer l’éducation climatique dans les écoles primaires publiques de New York ». Le but étant de familiariser les enseignants avec ce sujet, afin qu’ils puissent l’intégrer dans leurs plans de cours.

Cet atelier d’été pourrait n’être qu’un début. En 2023, le New Jersey a été le premier État à rendre obligatoires les cours sur le changement climatique dans ses écoles publiques. Plusieurs projets de loi similaires sont à l’étude à New York, dont un qui propose d’enseigner le changement climatique à tous les niveaux scolaires et dans toutes les matières. Il a le soutien de plus de 115 éducateurs et organismes à but non lucratif, dont la National Wildlife Federation.

PHOTO HIROKO MASUIKE, THE NEW YORK TIMES

Des dessins sur la thématique du changement climatique dans une classe de 3année dans le Bronx. De nombreux États et villes incorporent au programme scolaire des éléments de science du climat.

« Le changement climatique n’est pas une menace future, c’est la réalité actuelle », a déclaré le sénateur démocrate James Sanders Jr, élu des quartiers du sud-est du Queens vulnérables à l’élévation du niveau de la mer. Il coparraine un autre projet de loi visant à intégrer ce sujet dans les cours de sciences.

Alors que New York, le New Jersey, le Connecticut et la Californie intègrent le changement climatique dans les programmes scolaires, d’autres États, dont le Texas, la Virginie et la Floride, résistent, affirme Glenn Branch, directeur adjoint du Centre national pour l’enseignement des sciences. Cela s’explique entre autres par l’opposition de la population dans les États conservateurs et par des programmes scientifiques scolaires obsolètes, dit M. Branch.

Même dans les États qui enseignent le changement climatique, il y a des réticences. Au Connecticut, le républicain John Piscopo veut faire ajouter un bémol sur la question de savoir si les gaz à effet de serre d’origine humaine sont la principale source du réchauffement planétaire.

« La politique actuelle empêche les professeurs de sciences de poser des questions sur les hypothèses et les théories, ce qui est la base même de la science. Ça revient à endoctriner nos jeunes au lieu de favoriser le débat et l’apprentissage individuel qu’ils méritent », dit M. Piscopo.

(Selon de nombreuses études, une majorité écrasante de climatologues s’accordent à dire que la planète se réchauffe et que l’activité humaine en est la cause principale ; c’est l’opinion de près de 60 % des Américains.)

Sensibilisation à tous les niveaux

La Ville de New York, qui a le plus grand système scolaire du pays, agit en conséquence avec ses bacs de compostage pour les restes de repas, un projet de décarbonation des écoles et la formation des plus âgés en vue de carrières dans le secteur de l’énergie propre. En février, l’autorité scolaire de la ville tiendra une grande séance de formation sur le changement climatique, en collaboration avec la United Federation of Teachers. On attend 500 enseignants de tous les niveaux.

Plus il y a d’activités de sensibilisation, mieux c’est, estime Oren Pizmony-Levy, directeur du Center for Sustainable Futures au Teachers College de l’Université de Columbia, qui a parrainé l’atelier d’été avec l’Université de Columbia et le système scolaire de la ville.

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Ameena à l’œuvre lors d’un travail de groupe portant sur les façons de rendre une école africaine à l’épreuve des intempéries.

À la fin de la formation, Mme Neumeister se sentait à l’aise de présenter le sujet à ses élèves. Mais elle a senti que ses collègues et elle étaient sous pression pour convertir ce qu’elles avaient appris en leçons attrayantes pour la classe : « J’ai eu l’impression qu’on était un peu des cobayes. »

Pour que le sujet trouve un écho auprès des élèves, il faut plus de formation des maîtres et de ressources pédagogiques, dit M. Branch. Il souhaiterait que davantage d’États imitent la Californie, le New Jersey, le Maine et l’État de Washington, qui ont affecté des fonds à la formation professionnelle sur ce sujet.

Monica Pagan-Guzman, qui a aussi participé à l’atelier d’été, enseigne en troisième année à l’école publique 83 d’East Harlem. Elle a élaboré le plan de cours « École de la pluie » avec Mme Neumeister. Elle aussi voulait l’enseigner à l’automne, mais au début de l’année scolaire, elle a constaté que seule une poignée d’élèves avait le niveau de lecture nécessaire.

Elle a donc modifié son approche. Elle espère créer un club de dîner cet hiver pour discuter du changement climatique dans lequel elle couvrira aussi le bien-être des animaux.

Ses élèves « comprennent que les animaux ont besoin d’un chez-soi et d’un environnement positifs », dit Mme Pagan-Guzman, qui a vu dans ce compromis une façon de ne pas laisser inutilisée la matière acquise l’été dernier.

Dans la classe de Mme Neumeister, dans le Bronx, les élèves ont poursuivi leur discussion sur le livre Rain School et ont exploré des idées pour rendre les écoles résistantes aux intempéries. Le groupe a évoqué les maisons sur pilotis, qu’on construit aux États-Unis pour surélever les bâtiments. « On peut mettre des sacs de sable autour des maisons, pour empêcher l’eau d’y entrer », a ajouté Ameena, 8 ans.

« Je pense qu’ils saisissent déjà des aspects de la question », croit Mme Neumeister. Mais elle aimerait que les enfants soient sensibilisés plus tôt au changement climatique.

« Si on commence dès la maternelle avec des concepts de base, les élèves arriveront en troisième année avec beaucoup plus de connaissances, dit-elle. Ils deviendraient en quelque sorte de petits experts, ça ferait partie de leur vie et leurs parents aussi seraient au courant. »

Cet article a d’abord été publié dans le New York Times.

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