(New York) Gestion de la crise migratoire, accusations de corruption et d’agression sexuelle, propos à l’emporte-pièce : le maire de New York Eric Adams, un ancien policier afro-américain à poigne, est dans la tourmente à moins de deux ans d’une éventuelle réélection.

À la tête depuis le 1er janvier 2022 de la ville-monde mythique de 8,5 millions d’âmes, M. Adams, 63 ans, qui a flirté avec la délinquance dans sa jeunesse avant d’être syndicaliste policier antiraciste, capitaine de police et élu du Parti démocrate, est confronté à une succession de crises qui plombe sa popularité.

La plus épineuse est une enquête fédérale pour corruption sur le financement de sa campagne électorale en 2021, impliquant possiblement la Turquie.

En novembre, la police fédérale (FBI) a saisi des portables et appareils électroniques du maire et perquisitionné chez une jeune responsable de collecte de fonds afin de chercher des preuves d’un éventuel complot entre sa campagne, Ankara et un promoteur immobilier de l’arrondissement de Brooklyn lié à des Turcs.

Les avocats du maire assurent qu’il coopère à l’enquête.

Mais ses rivaux au sein du Parti démocrate, comme l’ancien gouverneur déchu de l’État de New York, Andrew Cuomo, tombé fin 2021 sur des accusations de harcèlement sexuel, ont fait savoir qu’il pourrait concurrencer M. Adams pour l’élection municipale du 4 novembre 2025, selon le journal Politico.

28 % de popularité

Il faut dire que son taux de popularité est tombé à 28 % au sein des électeurs new-yorkais.

Mais « l’histoire nous enseigne que le maire, M. Adams, peut rebondir », relativise auprès de l’AFP la sondeuse Mary Snow. Elle en veut pour preuve « l’ancien maire Michael Bloomberg, à 31 % d’opinions favorables en 2003 et qui a fait deux mandats de plus ».

Mais Eric Adams n’affiche pour l’instant pas d’ambition nationale.

Élu sur la lutte contre l’insécurité, l’ancien policier, venu de l’aile droite du Parti démocrate, est aux prises avec une grave crise migratoire. D’une telle ampleur qu’elle risque de « détruire » New York, pôle culturel, économique et touristique des États-Unis, « victime de son propre succès », a lancé M. Adams.

PHOTO ANNA WATTS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Des migrants descendent d’un bus à New York, après avoir fait le trajet depuis le Texas.

Sa municipalité estime que depuis avril 2022, plus de 165 000 migrants et demandeurs d’asile – d’Amérique latine et d’Afrique de l’Ouest – sont passés par cette incroyable mosaïque multiculturelle bâtie depuis des siècles grâce aux vagues d’immigrations.

Le maire fait tout pour freiner l’afflux d’étrangers sans-papiers, quitte à agacer son camp démocrate, et prend part à la bataille politique nationale sur l’immigration aux États-Unis, avant la présidentielle de novembre.

M. Adams réclame ainsi en justice 708 millions de dollars à des sociétés d’autocars affrétées depuis 2022 par des États républicains du sud comme le Texas qui envoient des migrants dans les mégapoles démocrates du nord, comme New York.

Adams « tué » politiquement

Pour le professeur de l’université Columbia, Robert Shapiro, « cette question (de l’immigration) et (celle de) la corruption de sa campagne peuvent le tuer » politiquement.

Maire de l’après-COVID-19 d’une ville à genoux en 2020-2021 et ancien gradé de la puissante police new-yorkaise, Eric Adams a contribué en partie à réduire les chiffres de la criminalité qui avaient grimpé pendant la pandémie.

Mais sous son mandat, le coût de la vie, du logement et de l’alimentation a explosé dans une cité aux inégalités socio-économiques délirantes et aux infrastructures, de transports notamment, souvent en piteux état.

Depuis novembre, le second Afro-Américain à diriger New York est aussi la cible d’une plainte au civil pour agression sexuelle d’une femme en 1993, ce qu’il nie « vigoureusement ». La plaignante réclame un procès et cinq millions de dollars de dommages et intérêts.

Né et élevé dans une famille pauvre monoparentale new-yorkaise, M. Adams a choisi la police après avoir été apprenti délinquant, victime de violences policières.

Il a été élu local puis « président » (maire) de Brooklyn. Élu en novembre 2021 à la tête de New York, il s’était affiché la nuit du 1er janvier 2022 sur Times Square en brandissant un portrait de sa mère décédée.

Il est aussi coutumier de gaffes et de déclarations à l’emporte-pièce, comme en décembre à propos des attentats du 11 septembre 2001 : « Tout » peut arriver dans « la meilleure ville de la planète », notamment « un avion qui s’écrase dans le (World) Trade Center ».

« C’est une ville très, très compliquée », avait-il ajouté.