(Washington) La semaine dernière, la directrice de campagne de Joe Biden avait prévu de rencontrer des dirigeants arabo-américains dans le Michigan. Mais furieux de la position de l’administration sur Gaza, plusieurs ont décliné l’invitation, un camouflet de mauvais augure pour les démocrates dans cet État clé.

« Ce n’est pas le moment de faire de la politique électoraliste », a cinglé sur CNN l’un d’eux, Abdullah Hammoud.

M. Hammoud est le maire de Dearborn, une ville de la banlieue de Detroit connue pour abriter l’une des plus grandes communautés d’origine arabe du pays.

« Les gens ne veulent pas soutenir un candidat qui défend et finance un génocide », a-t-il déclaré, rappelant que plus de 26 000 Palestiniens avaient été tués à Gaza depuis le début du conflit, déclenché le 7 octobre par une attaque sanglante du Hamas contre Israël.

« Joe le génocidaire »

Ses propos reflètent la colère et la déception de nombreux Américains d’origine arabe ou de confession musulmane face à la catastrophe humanitaire à Gaza et au soutien à Israël de Joe Biden, qui a demandé au Congrès des milliards de dollars supplémentaires d’aide militaire.

Son administration a aussi mis son veto à une résolution de l’ONU réclamant un cessez-le-feu.

Lors des manifestations pour Gaza, des pancartes dépeignant le président démocrate comme « Joe le génocidaire » sont régulièrement brandies. Et des discours de M. Biden ont été interrompus à grand fracas par des manifestants réclamant un cessez-le-feu.

Depuis le début du conflit et face aux tensions qu’il provoque aux États-Unis, le président Biden a plusieurs fois assuré à ses compatriotes musulmans qu’il rejetait l’islamophobie.

Mais ce sont d’autres propos qu’il a tenus qui ont marqué certains des électeurs.

Pour Zeina, une avocate de Dearborn de 33 ans, l’un des « tournants » a été lorsque fin octobre, Joe Biden a dit qu’il n’avait « pas confiance » dans les bilans fournis par les Palestiniens.

Avec d’autres de ses prises de position, « ça a fait boule de neige », explique à l’AFP la jeune femme qui préfère ne pas donner son nom de famille.

Alors, son vote le 5 novembre « n’ira certainement pas à Biden », affirme-t-elle. Pourtant, alors qu’elle dit avoir plus en commun avec les républicains, elle avait voté Biden en 2020 en raison de son engagement pour la diversité. Elle pensait aussi qu’il serait une meilleure « voix pour le Moyen-Orient ».

Cette fois, elle va « probablement » voter pour son rival de droite Donald Trump, même s’il a promis de rétablir son décret migratoire controversé ciblant des pays musulmans, le fameux « Muslim Ban ».

« Abandonner » Biden

Bien qu’ils ne représentent qu’une fraction de la population américaine, « les Arabes et les musulmans ont un grand impact dans des États clés », ces États cruciaux, car susceptibles de faire pencher la balance en faveur de l’un ou l’autre candidat, dit à l’AFP Youssef Chouhoud, maître de conférences à la Christopher Newport University.

Le jour de l’élection, dans le Michigan, la Géorgie, la Pennsylvanie ou la Virginie, leur vote pourrait donc faire la différence.

Joe Biden l’avait nettement emporté au sein de cet électorat en 2020, mais une analyse de M. Chouhoud, compilant les données de plusieurs sondages, montre que beaucoup pourraient s’abstenir ou voter pour une tierce partie en 2024.

« Dans le Michigan, par exemple, cela pourrait signifier que Biden perdrait environ 55 000 voix, soit environ un tiers de la marge de victoire de 154 000 voix qu’il avait obtenue sur Trump en 2020 », a écrit M. Chouhoud sur le site The Conversation.

Récemment interrogé sur ce risque, M. Biden a répondu que Donald Trump voulait « interdire aux Arabes d’entrer dans le pays ».

« Nous allons nous assurer de [faire] comprendre qui se soucie de la population arabe », a-t-il ajouté.

En attendant, un sondage mené par l’Arab American Institute a montré fin octobre que l’électorat arabo-américain se détournait massivement de Joe Biden : le soutien au président démocrate serait passé de 59 % en 2020 à 17 %.

Et une campagne baptisée « Abandon Biden », lancée par des leaders musulmans dans plusieurs États, milite pour que le président sortant perde en novembre.