(New York) Rejetant avec force tous les arguments de Donald Trump, une cour d’appel fédérale a statué mardi que l’ancien président n’a pas droit à l’immunité pour les crimes dont il est accusé à Washington en lien avec ses efforts pour inverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020.

Dans une décision unanime, les trois juges appelées à trancher dans ce dossier ont donné à Donald Trump jusqu’à lundi pour interjeter appel devant la Cour suprême des États-Unis, faute de quoi les étapes préliminaires de son procès pourront reprendre dans la capitale fédérale.

« Nous ne pouvons pas accepter l’affirmation de l’ancien président Trump selon laquelle un président a une autorité illimitée pour commettre des crimes qui neutraliseraient le contrôle le plus fondamental du pouvoir exécutif – la reconnaissance et la mise en œuvre des résultats des élections », ont écrit les juges Michelle Childs, Florence Pan et Karen Henderson. « Nous ne pouvons pas non plus approuver son affirmation apparente selon laquelle l’exécutif a carte blanche pour violer les droits des citoyens individuels à voter et à voir leurs votes comptés. »

Est-ce à dire que le procès de Trump à Washington aura bel et bien lieu avant l’élection présidentielle de 2024 ?

Pas nécessairement. Ce procès, qui devait s’ouvrir le 4 mars, a déjà été reporté à une date indéterminée vendredi dernier, en raison de cet appel que vient de perdre l’ancien président. Mais ce dernier n’a pas dit son dernier mot. Il se prévaudra de son droit d’en appeler à la Cour suprême des États-Unis, a indiqué le porte-parole de sa campagne, Steven Cheung, évoquant une démarche dont les conséquences sont imprévisibles.

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Le porte-parole de la campagne de Donald Trump, Steven Cheung

Il peut aussi s’engager dans une voie intermédiaire en demandant à l’ensemble de la cour d’appel de Washington d’examiner l’affaire. Mais, en empruntant cette voie, il ne pourrait empêcher les étapes préliminaires de son procès de reprendre leur cours. Et les chances seraient très minces que l’ensemble de la cour d’appel renverse la décision du panel de trois juges.

« Si l’immunité n’est pas accordée à un président, tous les futurs présidents qui quitteront leurs fonctions seront immédiatement mis en accusation par la partie adverse, a déclaré Cheung. Sans immunité totale, un président des États-Unis ne serait pas en mesure de fonctionner correctement. »

Dans leur décision, les juges de la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du district de Columbia ont réfuté cet argument de la façon suivante : « Pour les besoins de cette affaire pénale, l’ancien président Trump est devenu le citoyen Trump, avec toutes les défenses de n’importe quel autre accusé criminel. Mais toute immunité exécutive qui aurait pu le protéger pendant qu’il était président ne le protège plus contre ces poursuites. »

La Cour suprême est-elle tenue de se saisir de cette cause ?

Pas du tout. Après avoir examiné la décision de la cour d’appel, elle peut la maintenir et retourner l’affaire illico à la juge de première instance, Tanya Chutkan, qui aurait alors la voie libre pour tenir le procès auquel elle a été assignée.

Les juges du plus haut tribunal pourraient fonder le renvoi de la cause sur diverses raisons, dont la force et l’unanimité de la décision de 57 pages signée par les juges Childs, Pan et Henderson, de même que par la faiblesse des arguments formulés par Donald Trump.

Ils pourraient en outre décider qu’ils sont déjà assez occupés par une cause concernant l’élection présidentielle de 2024 sans en ajouter une deuxième. Jeudi, ils devront en effet entendre les arguments des parties engagées dans la cause Trump c. Anderson. Il s’agit de la décision de la Cour suprême du Colorado de disqualifier Donald Trump de la primaire républicaine de cet État en vertu de l’article 3 du 14e amendement.

Cet article interdit à toute personne ayant prêté serment de soutenir la Constitution d’exercer sa fonction si elle se livre ensuite à une insurrection.

Comment la Cour suprême décide-t-elle de se saisir d’une cause ?

Il suffit que quatre des neuf juges décident qu’une cause en vaut la peine pour que la Cour suprême s’en saisisse. En temps normal, cela pourrait être le cas pour l’immunité pénale d’un ancien président accusé de crimes, sujet qui est abordé pour la première fois, gracieuseté de Donald Trump.

Mais le contexte n’est peut-être pas le plus propice, compte tenu de l’ordre du jour à la Cour suprême et du calendrier électoral aux États-Unis.

N’empêche : certains observateurs pensent que les juges les plus conservateurs de la Cour suprême, en l’occurrence Clarence Thomas et Samuel Alito, voudront se mêler de cette affaire. La question est de savoir si au moins deux des quatre autres juges conservateurs du tribunal – John Roberts, Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett – se joindraient à eux (il semble peu probable, voire impossible, que les trois juges progressistes du tribunal refusent de se satisfaire de la décision éloquente de la cour d’appel de Washington).

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Le juge de la Cour suprême des États-Unis Clarence Thomas

Quatre juges seulement avaient décidé de saisir la Cour suprême de la cause Dobbs c. Jackson, qui avait mené à l’abrogation de l’arrêt Roe c. Wade sur l’avortement : Thomas, Alito, Gorsuch et Kavanaugh.

Retenez bien ces noms.

Quand une décision de la Cour suprême tomberait-elle ?

C’est sur cette question que Donald Trump fonde ses plus grands espoirs. Dans les quatre causes criminelles qui le visent, il est prêt à utiliser tous les moyens mis à sa disposition, dont les procédures d’appel, pour repousser son rendez-vous avec la justice à une date ultérieure à l’élection présidentielle.

Si la Cour suprême accepte d’examiner la question de l’immunité, il pourrait voir son vœu exaucé en ce qui concerne son procès pour complot postélectoral à Washington. Car rien n’oblige le plus haut tribunal à rendre une décision rapide.

Mais le « citoyen Trump » doit se préparer à toute éventualité, y compris celle d’être débouté rapidement par la Cour suprême.