(Munich) La vice-présidente américaine Kamala Harris a défendu vendredi avec passion le « rôle de leader » des États-Unis et l’engagement pour endiguer les crises internationales, à un moment où les Européens s’inquiètent du blocage d’aides vitales à l’Ukraine et d’un retour éventuel de Donald Trump.

Parmi les premières responsables à s’exprimer à la Conférence de Munich sur la sécurité, en Allemagne, la vice-présidente des États-Unis n’a pas prononcé le nom du républicain Donald Trump, en passe de remporter l’investiture de son parti et d’affronter à nouveau en novembre le président démocrate Joe Biden.

Mais ce scénario, qui hante les alliés des États-Unis, a imprégné son intervention lors de laquelle elle n’a cessé de marteler que les alliances forgées par son pays « ont permis d’éviter des guerres, de défendre la liberté et de maintenir la stabilité de l’Europe à l’Indopacifique ».

« Il serait insensé de mettre tout cela en péril », a-t-elle lancé en réponse aux menaces de Donald Trump contre les mécanismes de coopération au sein de l’OTAN.

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Le leadership des États-Unis est nécessaire pour la stabilité mondiale et « bénéficie directement au peuple américain » en termes d’emplois et de puissance commerciale, a fait valoir la vice-présidente.

Le retour d’une Amérique plus isolationniste inquiète les Européens, forts de l’expérience des années turbulentes du premier mandat de Donald Trump (2017-2021).

Appréhension

« Les États-Unis sont toujours vus au niveau international comme un acteur influent, à la fois de façon positive et négative. Mais je pense qu’il y a de plus en plus d’inquiétude, d’appréhension, de malaise quant à l’incertitude, l’imprévisibilité, la polarisation et la division », assurait récemment la présidente du cercle de réflexion Crisis Group, Comfort Ero, dans une interview à l’AFP.

En réponse aux critiques acerbes de Donald Trump sur les mauvais payeurs au sein de l’Alliance atlantique, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg avait mis en garde contre tout ce qui « affaiblirait la crédibilité de la dissuasion de l’OTAN ».

Autre inquiétude, l’incapacité du Congrès américain à s’entendre sur une nouvelle aide militaire à l’Ukraine, qui commence à cruellement manquer de munitions sur le champ de bataille face à la Russie, en raison de l’opposition d’élus républicains « trumpistes ».

« Une victoire de Trump [en novembre] signifierait probablement la fin du soutien de la Maison-Blanche à l’Ukraine », relevait Rachel Tausendfreund, du German Marshall Fund of the United States, dans un récent article.

Kamala Harris s’entretiendra samedi avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Face à ces incertitudes, les discussions sur le renforcement de l’autonomie stratégique de l’Europe sont de retour.

« Nous avons enfin besoin d’une union de sécurité et de défense qui renforce le pilier européen au sein de l’OTAN — à l’échelle de notre taille économique, et indépendamment de qui gouverne aux États-Unis », a déclaré la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock à la veille de l’ouverture de la conférence de Munich.

Multilatéralisme

Arrivé jeudi soir dans la capitale de Bavière, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a lui aussi eu une série d’entretiens bilatéraux avec des homologues européens en marge de la conférence, et il doit participer à un forum samedi sur les bienfaits du multilatéralisme.

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Le secrétaire d’État américain Antony Blinken

Le choix de cette thématique ne doit rien au hasard alors que le président Joe Biden s’est justement fait le chantre du multilatéralisme depuis son élection en 2020, disant que l’Amérique est « de retour » sur la scène internationale, de l’ONU à l’OTAN. Par contraste, justement, avec l’ancien président Trump dont la présidence avait été marquée par une série de ruptures, d’une guerre commerciale avec l’Europe au retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat ou encore de l’accord nucléaire avec l’Iran.

« Le monde doit comprendre qu’il existe un fort consensus aux États-Unis entre les démocrates et les républicains sur le fait que cette approche de Trump est erronée, et que nous allons la combattre », avait fait valoir Adam Smith, élu démocrate au Congrès américain, dans une interview mercredi à l’AFP.