L’ancien président et ses fils ont perdu leur procès pour fraude immobilière et se voient imposer une amende de 355 millions.

(New York) La défaite n’est peut-être pas fatale pour l’empire immobilier de Donald Trump. Mais elle est sans contredit cuisante et humiliante pour son patriarche, dont l’image d’homme d’affaires brillant a non seulement façonné son identité, mais également contribué à son élection à la présidence des États-Unis.

Elle pourrait également être très coûteuse, tant financièrement que politiquement, pour celui qui pourra être qualifié de fraudeur pendant la campagne présidentielle de 2024, dont il devrait être l’un des principaux candidats.

Rendant un verdict très attendu vendredi après-midi, après un long et chaotique procès civil à New York, le juge Arthur Engoron a imposé à Donald Trump une amende de 355 millions de dollars, soit plus de 450 millions avec les intérêts, pour avoir manipulé la valeur de ses actifs de 2011 à 2021. Il lui a également interdit de diriger toute entreprise new-yorkaise, y compris la sienne, pendant trois ans.

Cette interdiction frappe également pour deux ans les deux premiers fils de Donald Trump, Donald Jr. et Eric, qui ont chacun écopé une amende de 4 millions de dollars. Depuis l’élection de 2016, Eric Trump dirige officiellement la Trump Organization.

Dans sa décision de 92 pages, le juge Engoron a notamment reproché aux Trump leur refus systématique d’exprimer le moindre regret pour les comportements frauduleux dont ils ont été déclarés responsables. Mais il a relativisé la gravité de ces comportements.

« Il s’agit d’un péché véniel et non d’un péché mortel », a-t-il écrit. « Les accusés n’ont pas commis de meurtre ou d’incendie criminel. Ils n’ont pas volé une banque sous la menace d’une arme. Donald Trump n’est pas Bernard Madoff. Pourtant, les accusés sont incapables d’admettre leur erreur », a-t-il écrit en glissant une référence au financier new-yorkais responsable de la plus grande escroquerie pyramidale de l’histoire américaine.

Leur absence totale de contrition et de remords frise la pathologie.

Extrait du jugement rédigé par le juge Arthur Engoron

À la page 77 de sa décision, le juge a ajouté : « Les fraudes trouvées ici sautent aux yeux et choquent la conscience. »

Trump ira en appel

Dans une déclaration écrite, Donald Trump a confirmé ce dont tout le monde se doutait : il portera en appel le verdict du juge Engoron, prononcé au terme d’un procès tenu sans jury.

« Cette “décision” est une véritable fumisterie. Il n’y a eu ni victimes, ni dommages, ni plaintes », a dénoncé le 45e président. « Il n’y a eu que des banques et des compagnies d’assurance satisfaites (qui ont gagné une tonne d’argent), de superbes états financiers, qui n’incluaient même pas l’actif le plus précieux – la marque TRUMP –, des clauses de non-responsabilité irréfutables […] et d’incroyables propriétés dans le monde entier. »

PHOTO JOHN MINCHILLO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La Trump Organization aurait notamment fait de fausses déclarations à propos de la dimension de l’appartement de Donald Trump dans la Trump Tower, à New York.

Dans cette même déclaration, Donald Trump a attaqué la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, la qualifiant de « raciste » et de « corrompue », ainsi que le juge « malhonnête » chargé du dossier.

Son équipe de campagne s’est empressée de son côté de solliciter des dons auprès de ses partisans. « UN JUGE DÉMOCRATE VIENT DE SE PRONONCER CONTRE MOI ! », pouvait-on lire en lettres majuscules dans un texto attribué à Donald Trump. « Nous avons besoin d’une riposte massive et pacifique. »

Élue à son poste sous la bannière démocrate, Letitia James a intenté en 2022 une poursuite civile contre Donald Trump et sa famille, les accusant d’avoir gonflé la valeur nette de ses actifs sur plusieurs années pour obtenir un traitement favorable de la part des banques et des assureurs.

Mme James demandait au juge Engoron d’imposer à Trump une amende de 370 millions de dollars et l’interdiction de diriger une entreprise new-yorkaise de façon permanente. L’amende de 355 millions imposée par le juge correspond aux profits dont les prêteurs ont été privés en raison des états financiers frauduleux produits par la Trump Organization.

Parmi les exemples de fraude, le juge Engoron a mentionné les déclarations de la Trump Organization concernant le triplex de l’ex-président à la Trump Tower. Selon des documents présentés par l’entreprise, l’appartement mesurait 30 000 pieds carrés, soit près de trois fois plus que sa superficie réelle. La Trump Organization a utilisé ces chiffres bidon pour faire grimper la valeur de l’appartement à 327 millions de dollars en 2015, soit plus de quatre fois la valeur déclarée quatre ans plus tôt.

« Aux dépens de personnes honnêtes et travailleuses »

La procureure générale de l’État de New York a salué « une formidable victoire pour cet État, pour cette nation et pour tous ».

« Pendant des années, Donald Trump s’est livré à une fraude massive. Lorsque des personnes puissantes trichent pour obtenir de meilleurs prêts, elles le font aux dépens de personnes honnêtes et travailleuses », a-t-elle affirmé.

PHOTO EMIL SALMAN, THE NEW YORK TIMES

La procureure générale de l’État de New York, Letitia James, vendredi

Aujourd’hui, Donald Trump doit enfin rendre des comptes pour ses mensonges, ses tricheries et ses fraudes stupéfiantes. Parce que peu importe la taille, la richesse ou le pouvoir que vous pensez avoir, personne n’est au-dessus de la loi.

Letitia James, procureure générale de l’État de New York

À la suite de la décision du juge Engoron, Donald Trump devra mettre à la disposition de la justice les 355 millions de dollars, plus intérêts, ou obtenir une caution. Cette somme s’ajoute aux 88 millions de dollars que des jurys de New York ont ordonné à l’ancien président de verser à l’autrice E. Jean Carroll à l’issue de procès pour diffamation.

Donald Trump a été déclaré responsable d’agression sexuelle dans le cadre du premier de ces procès civils, verdict qui s’appliquait également au deuxième.

Donald Trump ne risque pas la faillite à la suite de la décision du juge Engoron. Lors du procès, il a déclaré sous serment avoir plus de 400 millions de dollars en argent liquide. Mais ce montant pourrait s’évaporer s’il perd ses causes en appel.

En attendant, il devra aussi composer avec la présence d’un contrôleur indépendant au sein de la Trump Organization pendant trois ans. Dans sa décision, le juge Engoron a confié ce rôle à une juriste aguerrie, Barbara Jones, qui s’assurera que les dirigeants de l’empire immobilier ne poursuivent pas les comportements frauduleux des Trump.

Donald Trump fait également l’objet de quatre procès pénaux, dont le premier doit commencer à New York le 25 mars.