(Los Angeles) À 91 ans, Norma Anderson connaît bien la constitution américaine : en tant que législatrice, elle l’a souvent consultée lors de sa longue carrière au sein du Parti républicain, et en conserve des exemplaires dans son sac à main et près de sa télévision.

Alors le 6 janvier 2021, lorsque les partisans de Donald Trump ont pris d’assaut le Capitole à Washington pour tenter d’empêcher de transférer le pouvoir au démocrate Joe Biden, elle a corné la page du 14e amendement, qui prévoit l’inéligibilité des responsables d’actes de « rébellion ».

« Le soir même, j’ai relu cette partie », raconte-t-elle par visioconférence, depuis sa maison du Colorado (ouest).

Cette conservatrice pur jus, élue pendant 20 ans sous l’étiquette du « Grand Old Party », en a tiré une certitude.

Trump ne devrait plus jamais être président, parce qu’il a violé la constitution et tenté de renverser une élection. Pour moi, cela signifie que notre démocratie est en danger s’il est élu.

Norma Anderson

La retraitée est devenue la plaignante principale – et inattendue – d’une procédure lancée par une association, qui a poussé la justice du Colorado à ordonner le retrait de Donald Trump des bulletins de vote dans l’État.  

Une décision vivement contestée par l’ex-président, qui réclame à la Cour suprême son annulation de toute urgence, avant la primaire du Colorado organisée le 5 mars pour choisir le candidat républicain à la Maison-Blanche.

« Espoir »

Scruté par d’autres États et potentiellement explosif, ce dossier a été examiné début février par la plus haute juridiction du pays, qui devrait trancher la question dans les prochains jours ou semaines.

Lors de l’audience, les juges ont paru sceptiques face à cette procédure inédite, basée sur une provision largement tombée dans l’oubli. Sans pour autant décourager Mme Anderson.

« Je suis de ces gens qui ont toujours de l’espoir, jusqu’à ce qu’on leur dise non », sourit l’ex-élue, première femme à être devenue cheffe des élus républicains au parlement du Colorado.

Le 14e amendement a été adopté en 1868, après la guerre de Sécession, pour empêcher les responsables confédérés sudistes impliqués dans cette guerre civile de se faire élire. Le texte exclut des plus hautes fonctions publiques quiconque se serait livré à des actes de « rébellion », après avoir prêté serment devant la Constitution.

Mais les débats devant la Cour suprême ne se sont pas aventurés sur le terrain miné de ce qui constitue ou non une rébellion ni sur l’évaluation des actions de Donald Trump.  

Les juges ont essentiellement concentré leurs questions sur des objections formelles, en semblant vouloir éviter toute accusation d’ingérence électorale. Ils ont notamment insisté sur un obstacle central : le Colorado peut-il décider seul de disqualifier un candidat à la présidentielle ?

« Ils ne devraient pas s’inquiéter de cela », rétorque Mme Anderson, en soulignant qu’en Amérique, « chaque État gère les élections et approuve qui est sur les bulletins. »

« Comme Poutine »

Outre les prétendants républicain et démocrate, des candidats indépendants se présentent parfois à la présidentielle dans certains États, sans pouvoir concourir dans tout le pays, rappelle-t-elle.

« Qu’est-ce qui fait qu’un républicain ou un démocrate serait meilleur qu’un candidat indépendant ? », interroge-t-elle. « Rien. Nous devrions tous être traités de manière égale. »

Pour Mme Anderson, l’attitude de Donald Trump, qui soutient encore faussement que l’élection de 2020 lui a été volée et parle ouvertement de « châtiment » en cas de retour à la Maison-Blanche, reste sans équivoque.

« Nos pères fondateurs ne seraient pas tendres avec lui. Ils le feraient probablement emprisonner », lance-t-elle. « Il aime être comme Poutine, ou comme un roi. […] Son comportement le prouve, tout ce qu’il dit le prouve. »

Depuis son action en justice, l’équipe de campagne de Donald Trump la dépeint comme une « RINO », un acronyme infamant désignant ceux qui n’auraient de « républicain que le nom ».  

Pas de quoi faire sourciller la nonagénaire, élue du Colorado entre 1986 et 2006. Elle dit se concentrer sur les « félicitations d’inconnus de tout le pays », et se fait parfois arrêter par des passants pour une photo, près de 20 ans après sa retraite politique.

« À tout le moins, nous avons attiré l’attention sur ce qu’est Donald Trump », se réjouit-elle.