Pratiquement vaincue, la candidate aux primaires républicaines continue de s’accrocher face à Donald Trump

(New York) Les partisans de Donald Trump la considèrent, au mieux, comme une empêcheuse de tourner en rond, au pire, comme une traîtresse à la cause.

Les sondages menés en Caroline du Sud, son État natal, lui prédisent une défaite cinglante contre l’ancien président à l’occasion de la primaire républicaine qui s’y déroulera samedi.

Le reste de la course, y compris les 15 primaires du 5 mars prochain, date du « super mardi », ne s’annonce guère plus prometteur pour Nikki Haley. Et pourtant, elle s’accroche. Pourquoi ?

Mardi, lors d’un discours « sur l’état de la course » à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024, la dernière rivale de Donald Trump a offert diverses réponses qui cachaient la vérité. Elle a évoqué son refus de contribuer au « couronnement » ou « d’embrasser la bague » du roi MAGA.

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Donald Trump est le grand favori dans l’investiture républicaine en vue de la présidentielle.

Elle a décrit le propriétaire de Mar-a-Lago comme un homme plus « déséquilibré et instable » qu’en 2016, « obsédé par ses propres démons » et accablé par quatre affaires criminelles. Un homme qui s’est déjà incliné devant Joe Biden et dont la candidature est préférée à la sienne par les démocrates.

« C’est pourquoi je refuse d’abandonner », a déclaré Nikki Haley lors de son discours prononcé à l’Université Clemson, son alma mater.

La Caroline du Sud votera samedi. Mais dimanche, je serai toujours candidate à la présidence. Je ne vais nulle part.

Nikki Haley

Préparer le terrain

Or, n’en déplaise à Nikki Haley, ces réponses occultent les véritables raisons pour lesquelles l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud refuse de mettre fin à sa campagne, selon Robert Oldendick et Danielle Vinson, deux observateurs de la scène politique dans le Palmetto State.

Il y en a deux. La première suppose un scénario digne de Hollywood. À quelques mois ou semaines de l’élection présidentielle, Donald Trump est contraint à abandonner sa campagne présidentielle par un évènement dramatique, lié à ses ennuis judiciaires ou à une affaire inattendue.

« Puisqu’elle est la dernière candidate en lice, à part Trump, elle serait en position de remporter l’investiture », explique Robert Oldendick, politologue à l’Université de Caroline du Sud. « C’est un vrai coup de poker, mais il ne reste plus qu’elle. »

Après avoir évoqué ce même scénario lors d’une entrevue distincte, Danielle Vinson a enchaîné avec l’autre raison, qui tient aux ambitions présidentielles de la candidate de 52 ans à plus long terme.

« Elle se prépare à ce qui se passera si Trump est désigné candidat, mais perd en novembre », dit la politologue de l’Université Furman.

Et si, en fait, Trump perd l’élection générale face à Biden, Haley sera en mesure de dire : “OK, j’avais raison, maintenant vous pouvez m’écouter à l’avenir.” Et s’il gagne, il sera de toute façon limité à un mandat.

Danielle Vinson, politologue de l’Université Furman

Sur le même thème, Robert Oldendick renchérit : « Quatre ans, c’est long, beaucoup de choses peuvent se produire, mais elle part certainement en position de force parce qu’à ce moment-là, elle sera encore assez jeune pour être une candidate viable. Elle a noué de nombreux contacts. Elle a collecté beaucoup d’argent. Cela fait d’elle la favorite pour 2028. »

Sans compter l’aplomb et la ténacité dont elle a fait montre lors des assemblées et des débats auxquels elle a pris part.

Navalny et les troupes

Ces derniers jours, Nikki Haley a aiguisé ses attaques contre Donald Trump. L’ancienne ambassadrice des États-Unis à l’ONU a notamment fustigé son ancien patron pour ses commentaires sur l’OTAN et son silence initial sur la mort de l’opposant russe Alexeï Navalny.

Samedi, en présentant sur X un clip d’une de ses sorties sur Fox News, elle a écrit : « Il y a une semaine, Donald Trump encourageait Poutine à envahir les pays de l’OTAN. Aujourd’hui, cela fait plus de 24 heures que nous avons appris la mort d’Alexeï Navalny, et Trump n’a toujours pas prononcé son nom. Nous ne pouvons pas avoir un président qui se range du côté des voyous meurtriers qui veulent détruire l’Amérique. »

Mardi, elle a martelé le même thème, tout en reprochant à son rival d’avoir insulté « [les] héros militaires et [les] anciens combattants » des États-Unis, ainsi que d’avoir dépensé « 50 millions de dollars en contributions de campagne pour des procès personnels ».

Vers la fin de son discours, elle a été gagnée par l’émotion en parlant du déploiement en Afrique de son mari, membre de la garde nationale de la Caroline du Sud, dont Donald Trump s’est moqué récemment.

« Les enfants et moi savons que Michael […] s’est engagé à défendre la liberté de notre nation et notre mode de vie », a-t-elle déclaré en retenant ses larmes.

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Nikki Haley a été gagnée par l’émotion, mardi dernier, quand elle a parlé de son mari, déployé en Afrique.

Malgré ses critiques envers Donald Trump, Nikki Haley finira par l’appuyer dans son combat contre Joe Biden, si les deux candidats s’affrontent en novembre, selon Robert Oldendick et Danielle Vinson.

« Je serais stupéfaite qu’elle ne le soutienne pas », dit la politologue de l’Université Furman.

Mais comment pourra-t-elle voter pour un candidat qu’elle accuse aujourd’hui de se ranger du côté des voyous meurtriers qui veulent détruire son pays ?

« Je sais, cela n’a aucun sens, répond Danielle Vinson. Mais il existe actuellement une remarquable capacité au sein du Parti républicain, du haut au bas de l’échelle, à ignorer ce qui était une position de principe et à faire volte-face en décidant que cela n’a pas d’importance. Je suis encore renversée que les chrétiens évangéliques n’aient aucun problème avec le caractère de Trump, alors que le caractère a été si important pour eux dans le passé. C’est ahurissant pour moi, mais je pense que Nikki Haley tombera dans cette catégorie. »