Joe Biden a remporté mardi la primaire démocrate du Michigan, embêté par un vote blanc qui pourrait le hanter dans cet État pivot lors de la présidentielle. Son vis-à-vis républicain pressenti, Donald Trump, a quant à lui raflé une autre victoire sans équivoque.

Le résultat pourrait être de mauvais augure pour les chances de réélection du président américain, qui avait remporté cet État sur le fil face à Donald Trump il y a quatre ans. Au moment où ces lignes étaient écrites, alors qu’à peine 35 % des votes démocrates avaient été dépouillés, plus de 45 000 votes « non engagés », l’équivalent de vote blanc, avaient été déposés dans l’urne. Il s’agissait de près de 14 % du total provisoire.

Des militants de cet État clé du Midwest avaient lancé la campagne « Listen to Michigan », arguant que l’appui américain à Israël était « en contradiction avec les valeurs du Parti démocrate ». Par le truchement du vote « non engagé », ils souhaitaient faire pression sur M. Biden pour qu’il exige un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.

Ceux-ci s’étaient fixé un objectif – largement dépassé – de 10 000 votes blancs, en référence symbolique à la marge qui avait permis à Donald Trump de l’emporter face à Hillary Clinton en 2016.

PHOTO JEFF KOWALSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les militants appellent à voter blanc en signe de protestation, visant à faire pression sur le président pour qu’il revienne sur son soutien à Israël et appelle à un cessez-le-feu immédiat.

Fatima Elzaghir, une électrice, est de ceux qui ont voté blanc à ce scrutin, a-t-elle confié à l’AFP. « Il est évident qu’en appeler à l’empathie n’a pas d’influence sur la plupart des hommes politiques. Alors peut-être le fait que [Biden] veut remporter le Michigan le poussera-t-il à exiger un cessez-le-feu », a déclaré la jeune infirmière.

La menace d’un vote qui ne sort pas

De l’avis de Rafael Jacob, chercheur associé de la Chaire Raoul-Dandurand, la prépondérance des votes « non engagés » est avant toute chose « symbolique ». « Ça ne remet aucunement en question le fait que Joe Biden est le leader du Parti démocrate », avance-t-il. Au mieux, dit-il, le vote mettra une certaine pression sur le camp Biden, « mais je ne suis pas sûr que ça changera quoi que ce soit ».

Valérie Beaudoin, également de la Chaire Raoul-Dandurand, s’attend néanmoins à ce que la part d’électeurs « non engagés » soit plus élevée cette année que lors de primaires démocrates passées.

Les chiffres observés au Michigan seront toutefois difficiles à reproduire ailleurs, puisque l’État compte la plus forte concentration d’Américains d’origine arabe du pays – plus de 310 000 résidants sont d’origine moyen-orientale ou nord-africaine.

Du reste, les deux observateurs ne croient pas que les électeurs qui ont boudé M. Biden lors des primaires se tourneront pour autant vers Donald Trump au moment de l’élection présidentielle. Or, si certains d’entre eux, mécontents des politiques de Biden, décidaient de ne pas voter, « ça pourrait faire pencher la victoire en faveur de Trump », estime Mme Beaudoin.

Le mouvement de contestation visant Joe Biden a trouvé écho au sein même de la Maison-Blanche, où des responsables affichent une frustration croissante avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et sa conduite de la guerre à Gaza.

Pour autant, les États-Unis continuent de livrer quantité d’armes à l’État hébreu, tout en menant d’intenses efforts pour négocier une seconde trêve. Le seul réel adversaire de Joe Biden pour l’investiture démocrate, Dean Phillips, riche parlementaire de l’État du Minnesota, n’a récolté que 2,8 % des votes dans le Michigan, selon les premiers résultats dépouillés.

Trump poursuit sur sa lancée

Côté républicain, Donald Trump, fort de 67,2 % des voix, a désormais balayé les cinq premiers États du calendrier des primaires républicaines. Quant à sa principale opposante, l’ancienne ambassadrice de l’ONU Nikki Haley, tout indiquait qu’elle obtiendrait à peine 30 % des suffrages exprimés. Mme Haley avait été défaite samedi dernier dans son État natal, la Caroline du Sud, par 20 points de pourcentage.

Ce n’est pas vraiment une course. C’est un triomphe de Donald Trump.

Rafael Jacob, chercheur associé de la Chaire Raoul-Dandurand

Il s’interroge par ailleurs à savoir quelles sont les motivations de Nikki Haley pour demeurer dans la course, après avoir obtenu des résultats décevants jusqu’ici. « On entend qu’elle s’accroche pour son avenir politique. Mais plus elle s’accroche, plus elle lui fait mal – elle perd du capital politique. »

De l’avis de Mme Beaudoin, il est fort probable que Mme Haley se retire de la course après le « super mardi », le 5 mars, moment clé des primaires où un grand nombre d’États sont appelés à élire leur candidat. « Nikki Haley veut que ces 16 États aient leur mot à dire dans les primaires. Est-ce qu’elle a une chance de gagner ? Elle est extrêmement mince, et après le “super mardi”, elle risque d’abandonner. »

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press