(Washington) Deux grandes chaînes de pharmacies américaines, Walgreens et CVS, ont annoncé vendredi qu’elles commenceraient dans les semaines qui viennent à vendre sur prescription la pilule abortive, dans quelques-uns des États où l’avortement est encore autorisé.

Jusqu’à récemment, la pilule abortive ne pouvait pas être obtenue en pharmacie aux États-Unis, mais l’était généralement dans des lieux spécifiques, comme des cliniques pratiquant des avortements.  

Les deux chaînes, présentes dans quasiment tout le pays, ont désormais reçu la certification nécessaire à la vente sur ordonnance de la mifépristone, la première des deux pilules prises dans le cadre d’un avortement médicamenteux (la deuxième étant déjà vendue par ailleurs).  

Cette annonce intervient au moment où la pilule abortive fait l’objet d’une intense bataille judiciaire, entamée par des militants anti-avortement.

CVS a dit vouloir commencer la vente de mifépristone « dans les semaines qui viennent » dans les États du Massachusetts et de Rhode Island, et avoir l’intention d’étendre par la suite cette possibilité à « des États supplémentaires, là où la loi l’autorise ».  

Walgreens a pour sa part annoncé commencer à vendre cette pilule « d’ici une semaine » dans les États de New York, Pennsylvanie, Massachusetts, Californie, et Illinois.  

PHOTO GENE J. PUSKAR, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Walgreens vendra la pilule dans les États de New York, Pennsylvanie, Massachusetts, Californie, et Illinois.  

Le groupe n’a pas souhaité révéler le nombre et la localisation des pharmacies participantes, « dans l’intérêt de la sécurité des pharmaciens et patients » – une déclaration révélatrice du climat de tension autour de cette question.  

Walgreens a également annoncé avoir l’intention d’étendre la vente de cette pilule à « tous les États » où cela est possible « légalement ».  

L’avortement – qu’il soit chirurgical ou médicamenteux – a été interdit ou restreint dans une vingtaine d’États depuis la décision de la Cour suprême, en juin 2022, d’annuler la garantie fédérale du droit à l’avortement.  

« Attaques acharnées »

Face à cet assaut sur le droit à l’avortement, l’administration Biden s’est efforcée d’utiliser les moyens fédéraux à sa disposition pour renforcer son accès là où c’est possible.

En janvier 2023, les autorités sanitaires ont changé la réglementation pour permettre la vente en pharmacie de la mifépristone, dont l’accès est strictement encadré depuis son autorisation en 2000 par l’Agence américaine des médicaments (FDA).  

Walgreens et CVS avaient alors annoncé leur intention d’obtenir la certification nécessaire auprès des fabricants Danco et GenBioPro.  

Le président démocrate Joe Biden, qui a fait de la défense du droit à l’avortement un thème majeur de sa campagne en vue de la présidentielle de novembre, a salué vendredi une « étape importante pour assurer l’accès à la mifépristone », qui pourra désormais être obtenue dans les pharmacies « comme tout autre médicament ».  

PHOTO EVAN VUCCI, ASSOCIATED PRESS

Le président américain, Joe Biden

« L’enjeu ne pourrait pas être plus élevé pour les femmes en Amérique », a-t-il ajouté, en dénonçant les « attaques acharnées » des élus républicains sur le sujet.  

La Cour suprême américaine doit examiner à la fin du mois une décision pour le moment suspendue d’une cour d’appel ultraconservatrice. Celle-ci, si elle était confirmée, réduirait notamment le nombre maximum de semaines de grossesse autorisées pour prendre la pilule abortive, et interdirait son envoi par la poste.

Le gouvernement de Joe Biden veut « transformer toutes les pharmacies et bureaux de poste en Amérique en centres d’avortement, au service de la cupidité de l’industrie de l’avortement », a soutenu vendredi Katie Daniel, de l’organisation Susan B. Anthony, opposée au droit à l’avortement.

Quel impact ?

Là où l’avortement est encore légal, cette annonce devrait permettre à certaines femmes d’avoir un accès plus rapide à la pilule abortive, sans devoir attendre de les recevoir par la poste ou avoir à voyager jusqu’à une clinique possiblement éloignée.

Dans les États où l’avortement a été interdit, en revanche, les pilules abortives ne peuvent pas être vendues, et la décision de Walgreen et CVS ne change donc rien.  

Malgré tout, pour les personnes décidant de voyager jusqu’à un État où l’avortement est légal, une pharmacie pourrait se révéler plus proche qu’une clinique, réduisant ainsi le temps de trajet.

Elisa Wells, co-fondatrice du réseau Plan C d’information sur les pilules abortives, a salué l’annonce des deux chaînes de pharmacies. Mais elle a appelé la FDA à lever les restrictions encadrant toujours la mifépristone, dont « le processus de certification requis pour les pharmacies ».  

« Notre regard se tourne maintenant vers d’autres distributeurs pour qu’ils suivent », a pour sa part commenté le projet EMAA, organisation qui milite pour l’accès aux avortements médicamenteux, citant les chaînes Target, Walmart et Costco.