(New York) Le projet des alliés de Donald Trump de mettre en accusation Joe Biden à la Chambre des représentants dans le cadre d’une procédure de destitution est-il mort, compte tenu des rebondissements récents ?

Mercredi dernier, la déposition à huis clos de Hunter Biden devant la commission de surveillance de la Chambre n’a certes pas servi la cause de ses membres républicains, qui accusent le président démocrate d’avoir profité financièrement des affaires de son fils et utilisé les leviers du pouvoir pour l’aider.

« Lorsque la transcription [de la déposition] sortira, elle se lira bien, car ils ont fait du bon travail pour le préparer », a admis sur Fox News Andy Biggs, un des républicains de la commission, après le long interrogatoire de Hunter Biden.

La publication de la transcription lui a donné raison. Bien préparé ou non par ses avocats, Hunter Biden n’a pas invoqué une seule fois le 5e amendement de la Constitution pour éviter de répondre à des questions susceptibles de l’incriminer. Et cela inclut les questions les plus sensibles, dont il sera question plus loin.

Combatif, le fils du président a profité de sa déclaration liminaire pour porter les premiers coups, accusant les républicains de s’être « livrés à des insinuations, à des déformations et au sensationnalisme, tout en ignorant les preuves claires et convaincantes qui vous sautent aux yeux ».

Vous n’avez pas de preuves pour étayer les conspirations infondées et motivées par les partisans MAGA au sujet de mon père, parce qu’il n’y en a pas.

Hunter Biden, fils de Joe Biden

En fait, si preuves il y a, l’enquête en destitution de Joe Biden, ouverte en septembre dernier, ne les a pas encore trouvées. D’où l’impression selon laquelle le projet des alliés de Donald Trump n’est qu’un exercice partisan dont l’objectif réel est de salir le président et de venger les procédures de destitution dont son prédécesseur a fait l’objet. La question est de savoir si ce projet est encore réalisable.

Car le témoignage de Hunter Biden a été précédé par un coup quasi fatal pour la cause républicaine, le 23 février dernier. Ce jour-là, Alexander Smirnov, ex-informateur du FBI, a été inculpé par un grand jury de Los Angeles pour avoir menti sur les Biden.

Il a notamment déclaré au FBI en 2020 que Joe Biden et son fils Hunter avaient chacun reçu un pot-de-vin de 5 millions de dollars de la part de la société d’énergie ukrainienne Burisma, dont Hunter était un administrateur.

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Alexander Smirnov (au centre), lors de son entrée au palais de justice de Las Vegas, le 20 février

Selon l’accusation, Smirnov a avoué au FBI avoir non seulement inventé cette histoire, mais également transmis de fausses informations sur les Biden pour le compte de « responsables associés aux services de renseignement russes ».

Or, depuis que les allégations d’Alexander Smirnov ont fait surface, en mai 2023, l’animateur de Fox News Sean Hannity y a consacré au moins 85 topos, affirmant notamment que Joe Biden avait été « accusé de manière très crédible de corruption publique à une échelle que ce pays n’a jamais connue auparavant ».

En janvier dernier, le représentant républicain de l’Ohio Jim Jordan, président de la commission judiciaire de la Chambre, disait encore qu’il s’agissait de « l’élément le plus probant dont nous disposons ».

Au lendemain de l’inculpation d’Alexander Smirnov, les démocrates ont eu tôt fait d’accuser les républicains d’être les idiots utiles de Vladimir Poutine.

Mais les républicains refusent encore d’admettre le naufrage de leur projet. Mercredi dernier, ils ont interrogé Hunter Biden à propos d’un message envoyé via WhatsApp en 2017 où il fait allusion à la présence de son père à ses côtés pour faire pression sur un partenaire potentiel chinois afin qu’il aille de l’avant avec un projet énergétique.

Le fils du président a répondu qu’il ne se souvenait pas d’avoir écrit ce message, mais que si c’était le cas, il était probablement « soûl ou high » au moment de l’écrire.

J’assume l’entière responsabilité d’avoir été un vrai con et un idiot quand j’ai envoyé ce message, si j’ai envoyé ce message.

Hunter Biden, fils de Joe Biden

Il a par ailleurs précisé que la suggestion formulée dans un courriel par un de ses partenaires de réserver une part de 10 % à son père, alias « the big guy », dans le cadre d’une transaction avec une société chinoise n’avait pas été prise au sérieux.

« L’idée était absolument ridicule, et je n’y ai pas donné suite », a-t-il affirmé sous serment.

Et qu’en est-il des quelque 20 appels téléphoniques au cours desquels il a mis son père sur haut-parleur alors qu’il s’entretenait avec des associés ?

« Je suis surpris que mon père ne m’ait pas encore appelé, et s’il le faisait, je le mettrais sur haut-parleur pour vous saluer », a répondu Hunter Biden.

Devon Archer, ex-associé de Hunter Biden, est celui qui a révélé le nombre de fois où le fils du président a agi ainsi en présence d’associés. Mais il a lui-même déclaré à la commission de surveillance que Joe Biden ne s’était jamais mêlé des affaires de son fils.

Au milieu du témoignage de Hunter Biden, James Comer, président de la commission, a rencontré les journalistes pour soulever à nouveau des doutes sur un virement de 200 000 $ effectué par Hunter Biden à son oncle James et un autre de 40 000 $ à sa belle-sœur. Son oncle et sa belle-sœur se sont servis de cet argent pour rembourser des emprunts à Joe Biden, en 2017 et 2018.

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James Comer, représentant républicain du Kentucky et président de la commission de surveillance de la Chambre

« Joe Biden a reçu 40 000 $ directement d’entités liées au Parti communiste chinois. C’est le b. a.-ba de la corruption publique ! », s’est exclamé le représentant Comer en y allant d’un raccourci typique. Il a ajouté que les 200 000 $ reçus par James Biden provenaient « directement d’un système de trafic d’influence ».

« Cela ne fait aucun doute », a-t-il précisé, en ignorant notamment le fait que Joe Biden n’était qu’un simple citoyen à l’époque.