Joe Biden apparaîtra-t-il comme un vieillard confus ou comme un politicien en pleine possession de ses moyens ? Les républicains marqueront-ils les esprits avec leurs invités spéciaux ? L’annuel discours sur l’état de l’Union, ce jeudi soir, revêt une importance toute particulière en cette année électorale. Quelques points risquent d’être scrutés à la loupe… et pourraient influencer des électeurs.

Allocution

Le discours annuel du président sur l’état de l’Union, prononcé devant les élus du Congrès, est prévu par la Constitution américaine. Mais sa télédiffusion en fait une plateforme de premier plan pour atteindre des millions de personnes directement dans leur foyer. « Même si Joe Biden va dire : “Je me présente ici uniquement comme le président de tous les Américains”, dans un poste très officiel, il est aussi Joe Biden le candidat », souligne Valérie Beaudoin, chercheuse associée à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

Elle s’attend donc à un discours qui met en évidence ses réussites et ce qu’il pourrait accomplir dans un deuxième mandat. Avec, probablement, le thème central de l’économie, un enjeu très concret pour le public.

« Dans le contexte actuel, je pense que c’est un discours qui est très, très important pour Biden, mais aussi pour les Américains en général, puisqu’on est à l’aube d’une élection qui risque d’être assez particulière », ajoute Mme Beaudoin. La présentation débute à 21 h.

Âge

Joe Biden confondra-t-il des noms de politiciens, comme il l’a déjà fait ? Parlera-t-il trop lentement ? Paraîtra-t-il frêle ? Autant d’aspects qui seront analysés avec minutie durant son discours, alors que nombre d’Américains s’inquiètent de l’âge de l’actuel président, qui a fêté ses 81 ans en novembre.

« Je ne pense pas qu’on ait déjà eu un discours sur l’état de l’Union dans l’histoire où les gens ont à ce point examiné chaque détail, estime John A. Tures, professeur de science politique au LaGrange College, en Géorgie. Ça en fait un discours historique. »

L’état du président préoccupe de plus en plus les Américains et pourrait influencer leur choix en novembre. Un sondage The New York Times/Siena, mené en février, montre que 73 % des personnes sondées le jugeaient trop vieux pour être président – y compris 56 % des répondants démocrates.

« Au-delà du fond, c’est vraiment la forme qu’on va regarder, parce qu’il doit avoir l’air présidentiable, il doit avoir l’air capable d’avoir un autre mandat de quatre ans », observe Mme Beaudoin.

Invités

Des invités spéciaux des élus peuvent assister au discours en personne. Passionné de politique de longue date, M. Tures se souvient d’un pilote d’hélicoptère invité pour son héroïsme à un discours sur l’état de l’Union de Ronald Reagan. « C’était une façon d’applaudir des héros nationaux, explique-t-il. Maintenant, les gens se servent d’invités spéciaux quand ils veulent faire un geste symbolique ou attirer l’attention sur un enjeu politique. »

Cette année, les droits reproductifs seront au cœur des débats électoraux. Les démocrates ont notamment invité Kate Cox, une Texane qui a dû quitter son État pour avorter d’un fœtus non viable. La première Américaine née d’une fécondation in vitro sera aussi dans l’assistance.

Du côté républicain, les enjeux de l’immigration et de la sécurité mobilisent les partisans. Une représentante a invité un garde-frontière ; d’autres ont convié des policiers attaqués à l’extérieur d’un refuge pour migrants à New York.

La femme du président ukrainien, Olena Zelenska, et la veuve de l’opposant russe Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa, ont décliné l’invitation de la Maison-Blanche.

Interruptions

L’an dernier, des élus républicains ont interrompu le discours de Joe Biden à plusieurs reprises, chahutant et huant le président, notamment sur les questions d’immigration et de santé.

Une façon de tenter de déstabiliser l’orateur, mais aussi de marquer des points auprès de leur base.

PHOTO SHANNON STAPLETON, ARCHIVES REUTERS

La représentante républicaine de la Géorgie Marjorie Taylor Greene

« Ça plaît à leur électorat ; [la représentante républicaine] Marjorie Taylor Greene n’en est pas à sa première controverse, au contraire, elle veut toujours nourrir ça », note Mme Beaudoin.

Mais c’est une tactique à double tranchant : ce genre de stratégie rebute généralement l’électeur modéré ou indépendant.

Réactions

Les mots choisis pour aborder la guerre entre Israël et le Hamas risquent aussi d’attirer beaucoup d’attention. M. Tures évoque la possibilité que des démocrates critiquant le soutien de Joe Biden à Israël manifestent leur appui au peuple palestinien d’une façon ou d’une autre pendant la soirée.

Les familles de 17 citoyens américains enlevés par le Hamas en Israël le 7 octobre seront sur place, à l’invitation d’un élu démocrate et d’un élu républicain.

Les yeux seront aussi tournés vers le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, qui sera assis derrière le président. Lorsqu’elle occupait ce poste durant la présidence de Donald Trump, la démocrate Nancy Pelosi avait ostentatoirement déchiré un exemplaire du discours, devant les caméras.

Avec l’Associated Press, Reuters et l’Independent