(New York) L’ancien président du Honduras Juan Orlando Hernandez (2014-2022) a été reconnu coupable vendredi de trafic international de drogue par un jury fédéral à New York et encourt désormais la prison à vie, après un procès historique devant la justice américaine.

« JOH » a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs en vue de trafic de drogues et en vue de trafic d’armes, ainsi que de possession d’armes.

« Juan Orlando Hernandez a abusé de sa position de président du Honduras pour faire du pays un narco-État où les trafiquants de drogue violents pouvaient opérer en quasi-impunité, et le peuple du Honduras et les États-Unis ont été contraints d’en subir les conséquences », a réagi le procureur général, Merrick Garland, en se félicitant de cette condamnation.

« Je suis innocent, dites-le au monde, je vous aime », a lancé, après la lecture du verdict, l’ancien chef d’État de 55 ans, qui comparaissait détenu, en s’adressant à des membres de sa famille et aux trois généraux venus témoigner en sa faveur.

ILLUSTRATION JANE ROSENBERG, REUTERS

Juan Orlando Hernandez à son procès, le 7 mars

La sentence sera prononcée le 26 juin. Juan Orlando Hernandez encourt la prison à vie, une peine dont ont déjà écopé devant la justice américaine son frère Tony Hernandez et le collaborateur de ce dernier, Geovanny Fuentes, impliqués dans le même réseau.

« Super autoroute »

Selon les procureurs américains, l’accusé a participé et protégé un réseau qui a expédié plus de 500 tonnes de cocaïne aux États-Unis entre 2004 et 2022, alors qu’il était membre du Congrès, président du Congrès puis président de la République.

En retour, il aurait reçu des millions de dollars des cartels, dont celui de Sinaloa, dirigé par le célèbre narcotrafiquant mexicain Joaquin « Chapo » Guzman, condamné depuis à la prison à vie aux États-Unis.

Pendant la présidence de « JOH », le Honduras était devenu une « super autoroute » par laquelle passait une grande partie du trafic de drogue de la Colombie vers les États-Unis, ont déclaré les procureurs.

« Nous allons leur mettre de la drogue dans le nez (des Américains) et ils ne le remarqueront même pas », aurait dit un jour l’accusé, selon un témoin au procès.

Juan Carlos Hernandez avait été extradé en avril 2022 vers les États-Unis, trois mois après avoir cédé la présidence à son successeur, Xiomara Castro.

Double visage

Il s’est présenté au contraire comme un chevalier blanc de la lutte contre le narcotrafic et un allié des États-Unis, dont il s’était attiré les éloges pour des saisies de drogue et sa lutte contre le crime organisé sous l’administration de Donald Trump (2017-2021).

Ses avocats ont mis en doute les dépositions des témoins, pour la plupart des trafiquants qui ont obtenu des réductions de peine grâce à leur coopération avec la justice américaine.

Des témoins comme Devis Leonel Rivera, chef du puissant cartel Los Cachiros, l’ancien maire Alexander Ardon — du même parti conservateur que l’accusé — et Fabio Lobo, fils de l’ancien président Porfirio Lobo (2010-2014), ont affirmé avoir « contribué » à hauteur de milliers de dollars à la première campagne électorale d’Hernandez en échange d’une protection.

L’ancien chef de la police Juan Carlos « Tigre » Bonilla et l’ex-policier Mauricio Hernández, qui devaient être jugés avec l’ancien président, avaient eux plaidé coupable de trafic de drogue quelques jours avant le début du procès. Leurs peines seront connues dans les prochains mois.

Le procureur fédéral Jacob Gutwillig a rappelé au jury qu’en public, l’accusé a promu les lois antidrogue et des extraditions de trafiquants, mais « rien de tout cela n’annule ce que l’accusé a fait derrière à l’abri des regards ». « C’est un trafiquant de drogue », a-t-il déclaré.  

Parmi la douzaine de témoins présentés par l’accusation, beaucoup ont mis en avant la corruption et les liens étroits entre la politique et le trafic de drogue.

Depuis un coup d’État survenu en 2009, « l’élite politique, qui est aussi l’élite économique, a fonctionné en toute impunité », enhardie par « le soutien qu’elle a reçu de gouvernements étrangers alors qu’ils savaient qu’elle était fortement impliquée dans le trafic de drogue », explique à l’AFP la militante américaine Karen Spring, du Honduras Solidarity Network.

« Toutes les institutions de l’État sont fortement pénétrées par les trafiquants de drogue, en particulier la police et l’armée », dit-elle.

Avec sa condamnation, Juan Orlando Hernandez rejoint d’autres anciens dirigeants latino-américains jugés et reconnus coupables aux États-Unis, comme le Panaméen Manuel Noriega en 1992 pour trafic de drogue et le Guatémaltèque Alfonso Portillo en 2014 pour blanchiment d’argent.