Les résultats des sondages sur l’élection présidentielle de 2024 sont à la fois constants et déconcertants : Joe Biden, président d’un pays dont le taux de croissance économique fait l’envie du monde, est à égalité avec Donald Trump, qui fait l’objet de 91 chefs d’accusation dans quatre affaires pénales. Comment est-ce possible ? La Presse a posé la question à Lee Miringoff, directeur de l’Institut Marist.

(New York) Quelle valeur doit-on accorder aux sondages réalisés à un an d’une élection présidentielle ?

Les sondages sont des instantanés. Ils ne sont en aucun cas prédictifs. Les campagnes doivent encore être menées et, si nous avons appris quelque chose sur la vie politique de notre pays ces dernières années, c’est que tout est susceptible de changer à tout moment, qu’on pense à la COVID-19 il y a trois ans ou à la guerre au Proche-Orient aujourd’hui. Cela dit, tant que les sondages sont replacés dans leur contexte, ils peuvent aider à comprendre la position du public à ce moment précis.

Quelles conclusions peut-on tirer des sondages actuels ?

Biden se trouve dans une situation unique : son taux d’approbation chez les démocrates demeure élevé, mais les démocrates préféreraient que quelqu’un d’autre se présente. En ce sens, il doit démontrer, même à son propre électorat, qu’il est encore en mesure de faire le travail. Il y a un facteur d’enthousiasme qui n’est pas en sa faveur. L’autre problème, c’est que l’ensemble des électeurs juge que sa gestion de l’économie est mauvaise, et ce, même si l’économie, d’un point de vue factuel, est en bien meilleur état qu’elle ne l’a été depuis longtemps.

Que disent les sondages sur Donald Trump ?

Vous avez là quelqu’un qui fait l’objet de 91 chefs d’accusation et qui n’a pas vraiment eu de succès électoral depuis sa victoire étriquée de 2016. Et pourtant, il a toujours une énorme emprise sur le Parti républicain. Au point d’être le favori pour remporter l’investiture de son parti, malgré tous ses problèmes.

Le manque d’enthousiasme des démocrates à l’égard de Biden est-il principalement lié à son âge ?

Il est indéniable que certains démocrates plus progressistes trouvent que Biden est trop au centre. Il a aussi des problèmes avec les Afro-Américains et les Latinos. Mais la faiblesse de Biden est en grande partie une question de perception. Et la perception est qu’il n’est peut-être pas à la hauteur, même si les gens disent qu’il semble très bien gérer les choses.

Qu’est-ce qui comptera le plus en 2024, l’âge de Biden ou les problèmes judiciaires de Trump ?

Nous ne connaissons pas la réponse à cette question, un an avant l’élection. Même si Donald Trump se rapproche du cap des 80 ans, la question de l’âge semble jouer davantage contre Biden, parce qu’il donne l’impression d’être moins vigoureux. Quant à Donald Trump, nous ne savons pas comment finiront ses problèmes judiciaires. De toute évidence, il y aura de plus en plus de retombées négatives pour les deux candidats, pour des raisons différentes.

Que se passe-t-il avec les indépendants ? Après avoir fortement appuyé Biden en 2020, ils préfèrent légèrement Trump, selon les sondages.

C’est une très bonne question et nous l’étudions de près. Je pense que Biden paie actuellement le prix de son statut de candidat sortant. De nombreux indépendants regardent ailleurs et pourraient être intéressés par un candidat indépendant. Il s’agit d’un groupe de personnes qui, par définition, recherchent des solutions de rechange.

De ce point de vue, les sondages indiquent-ils qu’un ou plusieurs candidats indépendants pourraient jouer un rôle important en 2024 ?

Nous ne connaissons pas encore l’impact qu’un candidat indépendant pourrait avoir, mais il y a un intérêt au sein de l’électorat. Et notamment pour Robert Kennedy Jr. Pour l’instant, il obtient 10 % ou plus des intentions de vote, ce qui est très élevé. Il semble qu’il pourrait puiser des votes dans le camp de Biden comme dans celui de Trump. Ce groupe très important de personnes à la recherche de quelqu’un d’autre pourrait être déterminant dans les États où la course est serrée.

Alors, pourquoi donc Biden est-il à égalité avec Trump à un an de l’élection présidentielle ?

Parce que le pays est divisé de manière très égale entre les démocrates et les républicains, et que les deux candidats en lice ne sont pas très populaires.