Après la Louisiane, c'était au tour de la Floride, de l'Alabama et du Mississippi de décréter hier l'état d'urgence, alors que le gouvernement fédéral a déclaré la marée noire «catastrophe nationale». Au moment de mettre sous presse, hier, la nappe de pétrole s'étendait sur 1500 km2, l'équivalent de la grande agglomération de Londres.

«C'est ironique. On a vu plus tôt les images du premier oiseau qu'il a fallu nettoyer», raconte Zachary Richard.

Et l'ironie de cela? C'était un fou de Bassan, répond Zachary Richard. Comme ceux de l'île Bonaventure, au Québec.

«J'espère que les Québécois regardent bien ce qui se passe chez nous et qu'ils réclameront de leur gouvernement qu'il précise ses intentions quant au forage dans l'estuaire du Saint-Laurent, où Hydro-Québec a plusieurs permis d'exploration. Parce que moi, si je suis aujourd'hui en colère contre BP, je le suis aussi contre moi-même qui n'ai pas milité davantage dans les dernières années pour la mise en valeur des énergies renouvelables.»

 

Pas plus tard que la semaine dernière, poursuit Zachary Richard, il y a eu une grande fête en Louisiane. Conformément à la tradition, tous les bateaux ont été aspergés d'eau bénite en prévision de la saison de pêche que l'on espérait faste.

Devant la catastrophe, la Louisiane a finalement dû autoriser prématurément l'ouverture de la saison pour que les pêcheurs battent de vitesse la marée noire et puissent au moins aller chercher quelques crevettes. «Mais c'est trop tôt, et les crevettes, elles sont trop petites», note Zachary Richard.

Hier, tous les bateaux sont restés à quai, a rapporté le New York Times. À Venice, Kim Vo, propriétaire de Sharkco, entreprise du secteur de la crevette, a dit avoir vendu ses 50 dernières livres, «et les dernières pour un bon bout de temps».

Il y a moins d'un mois, au grand dam des écologistes, Barack Obama a allégé le moratoire sur le forage en mer. Hier, le moratoire a été rétabli, de façon symbolique, puisque l'allègement ne doit prendre effet qu'en 2012.

À la demande du président, une réunion de plus d'une heure s'est tenue hier entre ses principaux ministres et responsables de l'environnement, dont la secrétaire à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, et le secrétaire à la Défense, Robert Gates, «pour faire en sorte que les ressources fédérales soient complètement intégrées à la réponse» à la catastrophe, a indiqué la Maison-Blanche.

Barack Obama s'est engagé hier à faire appel à «toutes les ressources du pays» pour limiter les dégâts. Le Pentagone a ainsi autorisé hier soir le déploiement de la garde nationale de Louisiane. Même les prisonniers de la Louisiane ont été enrôlés pour nettoyer les côtes.

Poussées par de forts vents du sud-est, les premières plaques de pétrole auraient touché dès jeudi soir des marais proches de l'embouchure du Mississippi, a déclaré Billy Nungesser, responsable de la commune littorale de Plaquemines.

Des barrages flottants ont été déployés sur près de 50 km pour tenter d'endiguer la nappe de pétrole et de limiter les dégâts dans les marais côtiers de la Louisiane, qui servent de sanctuaires à divers oiseaux en pleine période de reproduction et de nidification.

La nappe de pétrole menace aussi le Mississippi, l'Alabama et la Floride, où l'état d'urgence a été proclamé hier.

Avec 800 000 litres de pétrole s'échappant chaque jour du puits foré sous la plateforme qui a sombré le 22 avril, la catastrophe pourrait dépasser en ampleur celle de l'Exxon Valdez, du nom du pétrolier américain qui s'est échoué en 1989 sur la côte de l'Alaska.

En conférence de presse, hier, les politiciens américains ont vertement critiqué la British Petroleum. Le gouverneur de la Louisiane, Bobby Jindal, a reproché à la pétrolière de ne pas avoir «déployé les ressources adéquates» pour arrêter la fuite.

Ken Salazar, secrétaire de l'Intérieur, a rappelé que «les personnes en cause seront tenues responsables».

«Nous assumons l'entière responsabilité de la marée noire et nous nettoierons, et lorsque des personnes présenteront des requêtes légitimes pour demander des indemnisations, nous les honorerons. Nous allons être très, très énergiques là-dessus», a déclaré Tony Hayward, directeur général de BP.

Pendant ce temps, certains analystes économiques recommandent l'achat d'actions de BP, qu'ils estiment exagérément dévaluées en regard de la facture probable que la pétrolière aura à payer.

L'agence de notation financière Fitch, elle, estime que les opérations de nettoyage pourraient coûter de 2 à 3 milliards de dollars, et même plus si la fuite n'est pas colmatée sous peu.