La marée noire du golfe du Mexique pourrait bien tourner au cauchemar si la saison des ouragans provoque des déferlantes de brut sur les plages et apporte des embruns chargés d'hydrocarbures dans les villes de la côte, estiment des experts.

À trois semaines seulement du début de la saison des ouragans dans l'Atlantique nord, le risque est élevé qu'une tempête majeure balaie la zone souillée par le pétrole.

La fuite provoquée à 1,5 km de la surface par la destruction de la plateforme Deepwater Horizon le 20 avril déverse chaque jour quelque 800 000 litres de brut dans l'océan.

Selon les prévisions de l'université du Colorado, publiées le mois dernier et traditionnellement suivies de près, le risque de voir un ouragan se former dans la zone critique est de 44% cette année, soit un niveau bien plus élevé que les 30% observés en moyenne.

«Les vents forts pourraient éparpiller le pétrole sur une zone étendue», explique Dennis Feltgen, météorologiste au Centre national des ouragans (National Hurricane Center). Pire, «des accès de tempête pourraient apporter le pétrole dans les terres, mélangé avec des débris», ajoute-t-il.

Bien sûr, souligne-t-il, les mouvements du pétrole dépendront de la trajectoire des vents: si un ouragan traverse la zone polluée vers l'ouest, un gros volume de pétrole pourrait atteindre des côtes particulièrement fragiles. Les vents chargés d'eau de mer et la pluie pourraient alors transporter le pétrole dans les zones habitées, ajoute-t-il.

Mais d'un autre côté, des vents forts mélangés à l'eau de mer pourraient aussi «contribuer à accélérer le processus de biodégradation» du pétrole, selon ce spécialiste.

Nick Shay, météorologiste et océanographe à l'université de Miami (Floride, sud-est), explique que les inconnues sont nombreuses selon la manière dont l'eau de mer, le pétrole et les ouragans interagissent.

«C'est un problème complexe qui doit être examiné très en détail pour tenter de comprendre la réaction de l'océan lorsqu'une couche de pétrole flotte à sa surface», dit-il prudemment, soulignant que la présence de cette nappe «change les mouvements tout autour».

Les chercheurs de l'Agence atmosphérique et océanique américaine (NOAA) essaient actuellement de déterminer si la marée noire est susceptible d'affaiblir, ou au contraire de renforcer la tempête.

Les tempêtes sont en effet en partie alimentées par l'évaporation de l'eau de la surface océanique. Une couche de pétrole suffisamment épaisse pourrait donc ralentir le processus et affaiblir la tempête, avance Dennis Feltgen.

La saison des ouragans 2010 «sera plus active que la moyenne», avait indiqué à l'AFP en février William Gray, un expert des ouragans à l'université du Colorado.

Son équipe a estimé qu'entre 11 et 16 tempêtes tropicales allaient se former dans l'Atlantique cette année contre neuf à 10 en moyenne. Parmi elles, six à huit sont susceptibles de se transformer en ouragans, contre cinq à six en moyenne.

Enfin, jusqu'à cinq de ces ouragans pourraient être qualifiés de «majeurs»,  atteignant les trois premières catégories sur l'échelle de Saffir-Simpson, avec des vents de 96 à 155 kmh.

Après une saison 2009 particulièrement calme, la probabilité pour que l'ensemble de la région caraïbe soit frappée par un ouragan majeur est de 58%, contre 42% en moyenne au cours du siècle dernier, selon l'étude de l'université du Colorado, menée en décembre.