On savait que le Taser, ce pistolet à décharge électrique de plus en plus prisé des policiers, était matière à controverse. Mais de là à devenir la matière de base d'un véritable feuilleton d'espionnage, il y a un grand pas... qui vient d'être allègrement franchi en France.

La police a mené une opération retentissante il y a quelques semaines en procédant à l'arrestation d'une dizaine de personnes soupçonnées d'avoir surveillé à son insu le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Olivier Besancenot.

Le populaire ténor de la formation d'extrême gauche avait critiqué dans les médias l'introduction dans l'Hexagone du Taser, relevant notamment en 2007 sur son blogue que l'arme avait «probablement déjà fait taire plus de 150 personnes aux États-Unis».

«Dans le meilleur des cas, il y a des doutes. Dans le pire, le Taser peut tuer», avait-il déclaré par ailleurs au quotidien gratuit 20 minutes.

Procès en diffamation

Ses sorties ont déplu à la société française SMB Technologies, qui distribue le pistolet en France. L'enquête menée par la police française indique que le président de l'entreprise, Antoine di Zazzo, a mandaté une firme de détectives privés pour recueillir des détails sur le patrimoine et la vie privée de M. Besancenot.

Des perquisitions ont notamment permis de saisir une clé USB contenant des photos de l'homme politique et de sa conjointe prises à leur insu. L'adresse de l'école de leur enfant a aussi été relevée. Des preuves de paiement à une agence de détectives ont été recueillies.

M. di Zazzo, médiatique personnage qui utilise toutes les tribunes pour faire mousser son produit, a été mis en examen avec six autres personnes. Incluant quelques policiers ayant supposément prélevé sans raison des données personnelles concernant M. Besancenot dans un fichier de renseignements à accès contrôlé.

Le promoteur du Taser nie avoir fait espionner le chef de la LCR. L'objectif, dit-il, était plutôt de procéder à des «vérifications» sur lui de manière à pouvoir mieux contrer ses arguments. «Je savais que je risquais de me retrouver confronté à lui dans des face-à-face médiatiques et qu'il allait se lancer dans des tirades sur le capitalisme. Je voulais m'en servir comme d'un argument médiatique, pouvoir lui dire ''Comparons nos patrimoines''«, a-t-il plaidé dans les médias locaux.

La mise en cause juridique de l'homme d'affaires est survenue au moment où s'ouvrait au tribunal de grande instance de Paris un procès en diffamation contre M. Besancenot intenté par M. di Zazzo.

Lors de la première audience, le politicien a déclaré qu'il assumait ses propos sur le Taser et ne reculerait pas par crainte des répercussions juridiques. «Ce qu'on souhaite, c'est un débat, quelles que soient les basses manoeuvres et les lâches intimidations», a-t-il déclaré.

M. Besancenot est loin d'être la seule personnalité française à susciter l'ire de SMB Technologies, qui multiplie tous azimuts les recours juridiques pour faire taire les détracteurs de son produit.

La mairesse de Lille, Martine Aubry, qui aspire à prendre la tête du Parti socialiste français, a été sommée récemment par huissier de clarifier ses propos après avoir affirmé que le Taser avait été mis en cause dans la mort de près de 300 personnes. Une affirmation catégoriquement rejetée par l'entreprise.

M. di Zazzo a également poursuivi en vain en diffamation le Réseau d'information pour les droits de l'homme (RIDH). Cette association française décrit le pistolet à décharge électrique comme «la dernière gégène» du pays, en référence à la dynamo électrique qu'utilisait l'armée française en Algérie au moment de la guerre d'indépendance pour torturer les résistants.

Loin de battre en retraite, l'association a présenté sa propre requête en justice pour obtenir l'invalidation d'un décret adopté en septembre par la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, qui autorise les corps de police municipaux à utiliser l'arme. Jusque-là, seuls les gendarmes et les membres de la police nationale pouvaient le faire.

La politicienne affirme que le Taser a entraîné une réduction de 30% du nombre de cas d'usage des armes à feu par des policiers.