Neuf mois après l'indépendance du Kosovo, 50 pays ont reconnu le petit État des Balkans. Après la guerre de 1999 et les émeutes de 2004, les Serbes et les Albanais ont officiellement enterré la hache de guerre, mais la paix est précaire, raconte notre collaborateur. Alors que Belgrade parle d'une nouvelle séparation du territoire, plusieurs craignent qu'une partition entraîne de nouvelles violences.

Au Kosovo, la rivière Ibar divise Mitrovica. La ville est le symbole du conflit kosovar. Au nord, le drapeau serbe flotte toujours. Au sud, la majorité albanaise est persuadée de vivre dans le plus jeune État du monde.

 

Les Albanais qui se rendent du côté sud enlèvent leur plaque d'immatriculation du Kosovo, par peur de se faire reconnaître. Des militaires français de l'OTAN gardent l'imposant pont qui relie les deux communautés, scène de nombreux affrontements. Certains l'appellent «le pont de la réconciliation». Pour la plupart, il s'agit du «pont de la discorde».

Au début du mois dernier, le président serbe Boris Tadic a évoqué l'idée d'une partition du Kosovo entre les parties serbe et albanaise. Le projet effraie les deux communautés. M. Tadic considère la partition comme la dernière option possible, si la Cour de justice internationale reconnaît la légalité de l'indépendance.

L'idée de séparer la région en deux n'emballe pas les Serbes de la ville. «Le Kosovo a acquis son indépendance illégalement selon le droit international, affirme le vice-président de l'Assemblée des communautés serbes au Kosovo, Marco Jarsic. C'est le principal argument des Serbes pour l'instant. Une partition serait contraire à nos positions.»

De nombreux réfugiés serbes vivent sur la rive nord de Mitrovica. Ils viennent de régions maintenant exclusivement peuplées d'Albanais. Avant la guerre de 1999, Selena Bangac, 57 ans, habitait à Pec, près de la frontière macédonienne. La ville, où l'on trouve de magnifiques monastères orthodoxes, est le siège du patriarcat de Serbie.

Mission impossible!

«S'il y a une séparation du Kosovo, les Serbes n'en auront qu'une toute petite partie, affirme-t-elle. Si la communauté internationale reconnaît l'indépendance, plusieurs n'auront sûrement pas le choix de quitter la région. Pour ma part, je ne bougerai pas. Je veux être enterrée au Kosovo avec ma famille.»

Agon Ramadani est l'un des rares albanophones qui vit au milieu des Serbes dans la partie nord de Mitrovica. Tous les jours, il fait de grands détours pour éviter ses voisins. «S'il y avait une partition du Kosovo, je crois qu'il y aurait une nouvelle guerre, dit-il. Je serais gouverné par les gens qui ont brûlé ma maison et qui ont tué mes voisins.»

Arben Raba, commerçant albanais, croit lui aussi qu'une partition du Kosovo rallumerait un brasier encore chaud. «Mission impossible! résume-t-il. Si on sépare le Kosovo, les Albanais qui vivent en Macédoine vont eux aussi vouloir se séparer. L'Europe et les pays occidentaux ne laisseront jamais faire ça. C'est trop dangereux.»

Le porte-parole de la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo, Alexander Ivanko, ne croit pas qu'une séparation soit envisageable. «La population est contre, dit-il. La MINUK pense que ça ne ferait que créer de nouveaux problèmes. L'idée a été critiquée partout dans le monde. La meilleure façon de progresser est d'apprendre à intégrer les populations serbes du nord du Kosovo grâce aux organisations internationales.»

De son côté, Elvis, jeune Rom, peut travailler des deux côtés de la rivière qui sépare la ville de Mitrovica. Il affirme que les conditions de vie sont toujours aussi difficiles pour sa communauté, présente partout au Kosovo. «En théorie, je n'ai rien contre l'indépendance ou la partition. Mais il n'y a pas d'aide sociale, pas de travail et pas de nourriture. Les Roms ne font pas de différence entre les deux côtés. Je vais où le vent me porte.»