Nicolas Sarkozy n'a pas caché vendredi qu'il s'apprêtait avec regret à transmettre les clés de la maison européenne à la République tchèque le 1er janvier. Il a appelé la future présidence à poursuivre «sur ce rythme», forcément endiablé, et à continuer à sortir l'UE de son «ennui mortel».

«On change les habitudes en Europe, on parle un peu moins et on agit bien davantage», s'est félicité le président français au moment de présenter le triple accord des Vingt-Sept à Bruxelles sur le paquet climatique, le plan de relance et le traité de Lisbonne.Nicolas Sarkozy a voulu adresser un «message» aux futures présidences de l'UE: avoir de «grandes ambitions».

«Il faut que nous ayons de grandes ambitions, pas de petites. Parce que les petites, personne n'y comprend rien» et «quand vous convoquez un conseil européen avec de grandes ambitions et de grandes décisions, alors vous vous donnez les moyens de surmonter des blocages nationaux, parce que chacun comprend bien que, si c'est pour un grand objectif, il faut surmonter des intérêts égoïstes», a-t-il expliqué.

«L'Europe doit faire de la politique, l'Europe doit bousculer le monde», a-t-il martelé. «Le monde a besoin de l'Europe, mais d'une Europe qui relève la tête, qui pense à quelque chose et qui dit quelque chose (...) Il faut prendre des risques».

Nicolas Sarkozy s'est dit «sûr que les belles années de l'Europe sont devant nous», du moins... «si on veut bien continuer sur ce rythme».

Il a aussi revendiqué un style différent, parfois abrupt, dans la direction des débats européens: «moi, je n'aime pas qu'on termine à 4h du matin épuisé pour négocier trois cacahuètes», a-t-il lancé. «Les gens normaux travaillent toute la journée, vont se coucher vers 22h30, 23h00». De même, «il m'est arrivé de refuser la parole» lors des séances du Conseil «parce qu'on a pas à redire plusieurs fois la même chose quand on est 27».

«Il faut que l'Europe soit beaucoup plus active, beaucoup plus mobile, qu'elle arrête de s'enfermer dans des procédures», a-t-il plaidé. Et de raconter la séance du Conseil européen jeudi: «je me retourne et je vois que le ministre d'Etat Jean-Louis Borloo n'était pas là. J'ai dit: "demandez lui de rentrer". Ben non! On peut pas: il n'y a pas assez de chaises», a-t-il raconté. «J'ai dit: "on va faire une révolution, un putsch, on va mettre une chaise de plus"». Et de se voir répondre: «Ah... ça ne se fait pas».

«J'ai dit: "si vous la mettez pas, je vais la chercher moi-même", a-t-il conclu. Ils sont capables de passer des heures pour savoir le nombre de chaises par délégation... Cela n'a aucun sens».

Nicolas Sarkozy a donc réclamé «des grandes ambitions, moins de formalisme, moins de snobisme sur les procédures: les badges... les accrédités... l'ennui mortel de réunions, où sous prétexte que les problèmes sont difficiles on parle de la périphérie des problèmes...»

«Est-ce que ça va me manquer? Peut-être...», a-t-il souri. Mais «je n'ai aucun regret», a-t-il affirmé. «Les objectifs que nous nous étions assignés (...) c'est pas qu'ils ont été atteints, c'est qu'on va bien au-delà!».

«Regardez ce qu'on peut faire en six mois!», a-t-il lancé. «Surtout, ce qui m'a bien plus, c'est de tripler le nombre de Conseils européens par rapport à ce qui était prévu...», a-t-il souri. Et puis, «ça m'a passionné ce que j'ai fait».

Et d'espérer que «tous ceux qui me succéderont, ils aimeront autant le job, parce que l'Europe mérite d'être aimée» et «d'avoir un visage».