C'est un vaste bâtiment néocolonial surmonté de clochers à l'ouest de Buenos Aires : derrière ses murs épais se terre l'évêque intégriste Richard Williamson, dont les propos négationnistes juste avant sa réintégration dans l'Eglise catholique provoquent un tollé dans le monde.

«Nous venons de déjeuner avec lui : il nous a demandé de ne pas accueillir la presse», déclare à l'AFP, derrière une grille, Carlos, un séminariste en soutane. «Il n'a rien à ajouter à ce qui a été dit», assure le jeune homme.

Parfaitement rasé, s'exprimant avec aisance, chaussures noires impeccables, le séminariste ne souhaite pas livrer les états d'âme de sa congrégation. «Mes instructions sont très claires», dit-il.

Il ne peut toutefois s'empêcher d'en vouloir à la presse nationale et internationale, postées à une centaine de mètres de là, à l'entrée du séminaire Nuestra Señora Corredentora, 40 km à l'ouest de la capitale. Les portails ont été à cet endroit cadenassés. La grille est, elle, surmontée de fils de fer barbelés.

«La presse déforme ses propos, ajoute des choses qu'il n'a jamais dites», avance le séminariste, avant de prendre congé en précisant que Mgr Williamson va maintenant «faire sa sieste».

Dans un entretien à la télévision suédoise diffusé il y a une semaine, l'évêque intégriste avait affirmé: «je crois qu'il n'y a pas eu de chambres à gaz (...) Je pense que 200.000 à 300.000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz».

Face au tollé, le supérieur général de la communauté intégriste de la Fraternité Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay, a demandé «pardon» au pape pour les propos négationnistes de Mgr Williamson. Il a aussi «interdit» à l'évêque intégriste «toute prise de position publique sur des questions politiques ou historiques».

La concomitance des déclarations négationnistes de l'évêque, de sa réintégration dans l'Eglise catholique et de la Journée internationale de commémoration des victimes de l'Holocauste a eu un effet dévastateur.

Un peu plus loin, un journaliste en costume cravate d'une chaîne de télévision argentine, qui s'était approché un peu trop des bâtiments au goût des responsables du séminaire, est furieux d'en avoir été chassé.

«Le père Jacques Barrou a menacé d'appeler la police si je ne quittais pas les lieux», déplore-t-il. Autour de lui, photographes et cameramen cherchent à faire des prises à distance.

Lorsque l'un d'entre eux emprunte un chemin, pour chercher une meilleure vue le long de la barrière qui entoure le domaine, un employé du séminaire le rattrape en voiture et l'enjoint de s'éloigner. «C'est une propriété privée», fait-il valoir.

Claudia, une femme d'une trentaine d'années venue à pied avec ses trois enfants «demander de la nourriture et du gaz au père Barrou», s'étonne de voir des journalistes au seuil du séminaire. Elle ignore tout de la polémique en cours.

Le pape Benoît XVI a exprimé mercredi sa «solidarité» avec les juifs et a condamné la négation de la Shoah. Il a aussi demandé aux quatre évêques dont il a annulé l'excommunication, parmi lesquels Mgr Williamson, de reconnaître «l'autorité du pape et le concile Vatican II», qui avait rompu avec une tradition chrétienne attribuant aux juifs la mort du Christ.

La Fraternité Saint Pie X, communauté intégriste fondée en 1970 par Mgr Marcel Lefebvre, aujourd'hui décédé, a provoqué un schisme en 1988 après avoir refusé les enseignements du concile, dont la déclaration «Nostra Aetate» selon laquelle les juifs sont les «frères aînés» des chrétiens.