Une révolution tranquille serait-elle en cours au Parlement britannique? Mis à genoux par le scandale des notes de frais, les grands partis ne savent plus à quel saint se vouer. Leurs candidats aux élections européennes seront sans doute punis par l'électorat, au profit de partis indépendants. Y compris des formations d'extrême droite comme le British National Party, pendant britannique du Front national français.

C'était jour de porte-à-porte vendredi dernier pour Richard Barnbrook, un membre du British National Party, élu au conseil municipal de Londres. L'homme svelte avait revêtu un complet beige pour l'occasion. Et la rosette du BNP aux couleurs de l'Union Jack, le drapeau britannique, à la boutonnière.

 

«Allez-y, prenez des photos «, a-t-il dit aux journalistes qui le suivaient à Hornchurch, dans l'est de Londres.

Pendant britannique du Front national en France, le BNP défend un programme politique controversé: halte à l'immigration, mesures incitatives pour le départ de familles immigrantes, retour de la peine de mort pour les meurtres prémédités.

Or, quelques candidats du BNP pourraient bien être élus aux élections européennes cette semaine (les Britanniques votent demain). La crise de confiance des électeurs face aux partis traditionnels - travailliste et conservateur - est telle que beaucoup se tournent vers les partis indépendants comme le BNP.

Scandale et colère

D'ailleurs, peu de portes ont claqué au nez de Richard Barnbrook, vendredi dernier. «Je voterai pour la première fois de ma vie jeudi. J'en ai marre de Brown et de sa clique. Le BNP est un parti raciste, mais ils ont raison «, dit Mick Smith, un ouvrier de la construction de 60 ans.

«Je veux envoyer un message au Parlement. Les députés sont tous corrompus «, dit de son côté Gary Anderson, un camionneur qui votera aussi pour le BNP.

Pourquoi cette colère? En raison du scandale des notes de frais qui dure depuis presque un mois. Les révélations au compte-gouttes du Daily Telgraph ont empoisonné les relations entre les Britanniques et leurs élus.

Le remboursement de dépenses douteuses aux députés, comme un îlot pour canards, et les stratagèmes utilisés pour exploiter les failles du système ont réduit en poussière la confiance de l'électorat.

Des têtes ont roulé, dont celle du président de la Chambre des communes, Michael Martin. Du jamais vu en plus de 300 ans. La ministre de l'Intérieur, Jacqui Smith, qui a été éclaboussée par le scandale, a annoncé sa démission, hier. Selon les observateurs politiques, Gordon Brown prévoyait l'expulser du cabinet ministériel lors d'un remaniement prévu pour vendredi.

Une douzaine d'autres députés travaillistes et conservateurs ont déjà annoncé qu'ils ne se représenteraient pas aux prochaines élections générales, prévues pour juin 2010.

Trop peu trop tard

Flairant l'occasion, le chef du Parti conservateur, David Cameron, a lancé un appel à tous pour du sang neuf dans ses troupes. «Je veux dire aux gens, aujourd'hui, que si vous voulez nous aider à nettoyer le système politique, devenez un candidat conservateur «, a affirmé en entrevue à la BBC, le populaire chef de l'opposition qui s'évertue à réclamer de Gordon Brown la tenue d'élections générales anticipées, mais sans succès.

Le premier ministre a été plutôt lent à réagir. Il a promis, hier, un nouveau code de conduite pour les députés. Trop peu, trop tard.

Des rumeurs de coups d'État ont repris. Le Parti travailliste semble au bord de l'implosion. Même le quotidien The Guardian, un traditionnel allié, ne lui apporte plus son soutien. Et les sondages n'augurent rien de bon pour jeudi.

Le parti de Gordon Brown récolte seulement 17% des intentions de vote. Les partis indépendants en recueillent 30%, dont 4% pour le BNP. Pour être élu au Parlement européen, un candidat du BNP devra obtenir un résultat de 8,5% dans sa circonscription.

Un score qui ne relève pas de l'exploit, selon Richard Barnbrook, lui-même le premier membre du BNP élu à la Chambre des communes, à Londres. «Je serais très étonné qu'on ne gagne pas deux ou trois sièges «, dit l'homme de 48 ans.