On se demandait si le président Sarkozy aborderait le sujet qui fait polémique depuis une semaine. Il l'a fait: "Je veux le dire solennellement, la burqa ne sera pas la bienvenue en France. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité."

Marginal, mais peut-être en plein essor, le port de la burqa (et du niqab, autre voile intégral), dans des banlieues à forte population immigrée, suscite ces jours-ci une forte opposition en France.

Une soixantaine de députés ont demandé la tenue d'un débat parlementaire sur son interdiction pure et simple. Sarkozy est donc allé dans leur sens au nom de la "laïcité".

Une première depuis un siècle

Le décor monarchique et solennel du château de Versailles, où Nicolas Sarkozy était, hier, le premier président de la République à s'adresser à l'ensemble des parlementaires depuis un siècle et demi, était-il le lieu adéquat pour traiter de questions aussi particulières?

Mais Nicolas Sarkozy, qui avait fait récemment modifier la Constitution pour permettre au chef de l'État de s'adresser au Parlement et au Sénat, n'avait pas l'intention de faire de ce premier "discours sur l'état de l'Union", version française, une simple cérémonie protocolaire.

"Il s'agit d'abord d'une vaste opération de communication, ironisait hier matin le sénateur socialiste Robert Badinter, d'ailleurs chère puisqu'elle est estimée à 400 000 euros pour une heure de séance."

Du protocole et de lourds symboles, il y en avait pourtant beaucoup dans cet événement. Il est de tradition que le "Congrès" - députés et sénateurs totalisant quelque 930 élus - se réunisse dans la plus grande solennité au château créé par Louis XIV, essentiellement pour voter en une heure sur des amendements à la Constitution.

À l'arrivée du président, hier, tous les députés et sénateurs se sont levés, mais seuls les élus de droite ont applaudi. Les élus communistes et les verts, ainsi que quelques socialistes - une cinquantaine au total - avaient décidé de boycotter la séance. Estimant qu'il s'agissait d'une manifestation supplémentaire de la "présidentialisation à outrance du régime".

Habilement dosé

Dans un discours de 45 minutes habilement dosé, le président Sarkozy, comme le dit le politologue Olivier Duhamel, "a alterné les coups à gauche et les coups à droite". Un plaidoyer en faveur de la sécurité et de la répression suivi d'un mea-culpa sur "nos prisons qui sont la honte de la France". La promesse de s'attaquer au problème des retraites, notamment en reportant à 65 ou 67 ans l'âge du départ, mais aussi celle de prendre en compte la "pénibilité du travail".

En somme, un discours de politique générale qui a pour effet de réduire encore un peu plus la portion congrue de pouvoir dont dispose le premier ministre depuis l'élection de Sarkozy. On annonce d'ailleurs que François Fillon n'aura même pas l'occasion de faire ce grand discours programmatique devant le Parlement, comme c'est la coutume après un changement majeur au gouvernement. Mais, plus encore que ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy est un monarque républicain qui non seulement règne, mais gouverne. Hier l' "omniprésident" était sacré à Versailles.